On vaut mieux que ça

Aujourd'hui, plein de gens manifestent contre la loi travail. Une mobilisation en partie rendue possible par la bande de vidéastes cachés derrière le hashtag #onvautmieuxqueça. J'ai tendance à m'enthousiasmer facilement devant ce genre de signal faible, j'ai l'impression qu'une nouvelle révolution aurait déjà dû avoir lieu dix fois depuis 2005, peut-être que cette fois, c'est la bonne ?

Que des gens se rassemblent autour d'un hashtag plutôt que derrière le drapeau d'un syndicat ou le logo d'un parti me réjouit. Enfin, nous comprenons que le système représentatif (syndical, partisan, politique) n'a plus de sens dans un monde entièrement connecté ? Même Lordon qui peine habituellement à dépasser l'horizon pourtant plus qu'embrumé des promesses politiques, semble comprendre que cette désorganisation apparente fait apparaître un nouveau mot d'ordre : ne rien revendiquer ! Je cite :

Entendez qu’après quelques décennies à faire, vous et vos semblables, la démonstration de vos talents et de votre hauteur de vue, l’idée de négocier quoi que ce soit avec vous nous apparaît absolument sans objet. C’est que « revendiquer » n’a de sens que dans un certain cadre qu’on reconnaît par-là implicitement comme légitime, et tautologiquement comme hors du champ de la revendication elle-même — puisqu’il en est le cadre… Or, vient fatalement un moment où, à force de combats dérisoires pour des miettes, et même en l’occurrence pour simplement résister à la diminution des miettes, l’impensé du cadre revient à la pensée. Non plus comme objet de « revendication » mais comme objet de renversement.

On n'a plus besoin d'un homme providentiel ou d'une force organisée pour s'unir puisque le réseau nous unit. Le réseau nous fait prendre conscience de notre hétéronomie commune, et notre aspiration tout aussi commune à l'autonomie, c'est-à-dire la souveraineté politique, la démocratie. Nous devenons politiquement adultes grâce à internet.

Le système représentatif et centralisé craque de toute part sous les coups de boutoir de cette révolution en cours. Des maisons de disques (contre le téléchargement) aux taxis (contre Uber) en passant par les monnaies centralisées (contre les monnaies libres), tous les mastodontes inévitables d'antan s'émiettent devant ces nouvelles formes de non-organisation. Car il ne s'agit pas de remplacer un monstre par un autre (Microsoft par Google, par exemple), mais bien de dépasser le modèle centralisé pour inventer cette autre chose que tout internaute un peu aguerri ressent profondément chaque fois qu'il crée ou consomme des contenus originaux. Un monde horizontal ou chacun peut communiquer avec l'autre, d'égal à égal, sans passer par un tiers tout puissant. Dernier site en date passé devant mes yeux et qui confirme l'hypothèse : Allo Voisins qui propose de mettre en relation les gens en quête d'un service ou d'un outil particulier.
Bientôt, nous n'aurons même plus besoin d'un État au-dessus de nos têtes. On court vers l'anarchie, dans son acception la plus noble et la plus positive, c'est-à-dire la démocratie.

Personne ne sait combien de temps la mutation va prendre, ni si ça se fera dans la douleur ou la douceur. Mais la manifestation d'aujourd'hui est assurément une étape de ce grand dessein.

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