Même la monnaie

Monnaie M s'appuie sur une théorie monétaire appelée "La théorie relative de la monnaie", mise au point par Stéphane Laborde. Quand j'ai imaginé le concept de Monnaie M, j'étais loin de me douter qu'une telle théorie existait et c'est empiriquement que je comptais évaluer le montant parfait pour un revenu de base. C'est en discutant avec Stéphane pendant la phase de beta-test que je me suis rangé à son avis, sans forcément comprendre tous les tenants et aboutissants de la théorie, ni toutes les démonstrations mathématiques qui la soutiennent, mais en ayant l'intuition de sa solidité et de sa pertinence.

Je me rends compte qu'il n'est pas si facile de comprendre et faire comprendre les fondements de la TRM, aussi, je tente une vulgarisation ici. Que Stéphane Laborde corrige mes erreurs en commentaires !

La première chose à comprendre, c'est que la valeur des choses est subjective, dans le temps et dans l'espace. Qu'est-ce que ça signifie ? Très concrètement qu'un objet, un service, peut prendre une valeur toute différente selon l'endroit et l'époque où je me trouve.
Par exemple, un verre d'eau n'a aucune valeur pour moi, mais peut pratiquement sauver une vie dans le désert au même instant. Inversement, le même objet peut prendre ou perdre toute sa valeur en traversant les âges, regardez le prix d'un micro-ordinateur entre 1975 et aujourd'hui.
Il n'y a donc aucune façon de prendre un repère fixe pour observer la valeur des choses. Celle-ci varie plus ou moins en fonction de divers facteurs. Certaines plutôt moins que plus, ce sont des valeurs relativement stables dans le temps, mais pas forcément dans l'espace. Par exemple, l'or est une valeur sûre depuis des siècles, mais il est très mal partagé dans l'espace.

Cette subjectivité de la valeur est très liée, mais pas seulement, à l'abondance globale de ce qu'on cherche à évaluer. Sur une île déserte, vous ne choisiriez pas le sable comme valeur de référence, il est trop abondant et non dénombrable. Une monnaie n'a donc de valeur que par rapport à la masse monétaire globale.

Partant de ces constats, il paraît évident que si quelqu'un, une personne ou un groupe de personnes, prétend déterminer qu'une valeur est supérieure à toutes les autres et leur impose de l'utiliser comme référence, il enfreint la liberté qu'a chacun de déterminer ce qui est valeur ou non.
Personne n'est légitime pour faire ce choix pour tous les autres, surtout à travers les générations. Ce qui signifie que tout le monde l'est, collectivement. Et on rejoint ici mon explication de texte sur la supériorité de la démocratie sur tout autre système.

Comment, dès lors, faire en sorte que la monnaie ne soit pas porteuse en elle-même d'un préjugé sur la valeur des choses dans le temps et dans l'espace ?
Grâce à deux règles de base :
1. La création de monnaie doit être uniformément distribuée à tous les membres
2. La création de monnaie doit être uniformément distribuée au cours du temps

Le point 1 est le plus facile à résoudre : c'est l'idée-même du dividende universel, ou revenu de base. Puisqu'il n'est pas possible de confier la création monétaire à un groupe de personnes sans qu'il n'en tire un avantage (même malgré lui), alors la création monétaire doit être équitablement distribuée entre tous.

Le point 2 est plus ennuyeux car il touche au montant dudit dividende. Comment faire pour s'assurer que le citoyen de la génération 1 aura rigoureusement le même accès à la monnaie que son arrière-arrière petit-fils de la génération 5 et que tous les suivants ? Cela se calcule. En fonction de l'espérance de vie à la naissance, on peut estimer que pour que chaque génération ait le même accès à la monnaie, il faut faire progresser la masse monétaire entre 5% et 9% par an (voir la TRM pour le calcul). Ainsi, ce que chaque citoyen créera comme monnaie au moyen du dividende universel au cours de sa vie correspondra relativement à ce qu'aura créé chaque autre citoyen au cours de sa vie, partout, et à toutes les époques.

La masse monétaire va augmenter de manière exponentielle, ainsi que le dividende universel qui en est tiré. Cela signifie qu'en valeur absolue, le citoyen de la génération 5 touchera sans doute plus d'unités monétaires que son aïeul, mais il en touchera relativement autant.
La conséquence, c'est que les prix en valeur absolue vont grimper. Mais la valeur absolue n'a plus d'intérêt dans ce cas. Que m'importe de payer ma baguette de pain 10.000 euros, si j'en reçois 20 millions par mois ? C'est rigoureusement la même chose, toutes choses égales par ailleurs, que de la payer 1 euro avec un salaire de 2000 euros.
Pour simplifier l'affichage des prix, on peut les convertir en valeur relative. Par exemple, une baguette coûterait 0.002 dividende universel.

Le fait de distribuer à chacun la même part de création monétaire a une conséquence intéressante : chaque citoyen se rapproche de la moyenne de richesses (la masse monétaire totale divisée par le nombre d'individus). Dans un système à dividende universel, le riche s'appauvrit relativement chaque fois qu'il reçoit son revenu de base ! Parce que tout le monde reçoit le même revenu que lui, ce qui dilue la masse monétaire et la répartit équitablement et progressivement entre tous. Le pauvre (plus pauvre que la moyenne) s'enrichit relativement. Comme quoi, l'inflation, ça a parfois du bon.

Je ne sais pas si ces quelques propos seront de nature à vous faire comprendre mieux la théorie relative de la monnaie, mais au moins j'aurai essayé avec mes mots !

Commentaires

1. Le jeudi, 2 octobre 2014, 12:24 par Galuel

C'est très bien résumé. Il y aurait bien quelques petites remarques de détail, mais sans grande importance. Je citerais notamment :

- Concernant la comptabilité en nombre de Dividendes, il serait bon de rappeler que dans ce référentiel, qui n'est pas obligatoire, la masse monétaire ne bouge pas, comment donc pourrait-il y a voir "de l'inflation !?". Notamment j'ai vu que certains pensaient que la TRM se résumait à changer de référentiel pour passer en relatif, ce qui ne constitue qu'une part minime de son développement théorique, et qui plus est parfaitement relatif, chacun reste libre d'afficher sa monnaie comme il lui chante, en quantitatif, en relatif, en quantitatif à somme des comptes nuls (il suffit de soustraire la moyenne M/N de chaque compte quantitatif) et en relatif à somme nulle (il suffit de soustraire 1/c de chaque compte relatif).

- Concernant les riches et les pauvres, il est bon en effet de préciser "relativement". Parce que quantitativement on ne peut rien dire. Ainsi, un riche qui possède une Cadillac n'est pas moins riche demain, si la production de Cadillacs est passée d'un stock total distribué dans l'économie de 1000 Cadillac à 1000 000 de Cadillacs. Sa Cadillac reste là. Relativement par contre il possède 1/1000 ème de Cadillac de moins. Mais est-ce vraiment un "appauvrissement" ? Au final a-t-il perdu quelque chose ?

Il faut donc aussi réaliser pleinement le principe de relativité : "ce qui apparaît selon tel ou tel référentiel n'est pas plus vrai ou faux que selon un autre référentiel", c'est la Loi de symétrie de transformation de l'un à l'autre qui compte, pas ce qui est "perçu" par l'observateur...

2. Le jeudi, 9 octobre 2014, 17:09 par Anas

Ma remarque concerne le paragraphe 8: "Le point 2 est plus ennuyeux car il touche au montant dudit dividende....."

C'est le point le plus compliqué et il me semble le plus fondamental car il est lié au Temp.

Quelle est la granularité la plus pertinente de modélisation du Temps ? Doit on calculer le montant une foi par X année ? par an ? par moi ? par semaine ? par jour ? voir par heures ou par secondes ? Ou une combinaison de ces N échelles ?

Mandelbrot à très bien creusé le sujet de la "fractalité" du Temps, il serait intéressant de creuser le sujet.

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/1036