Le peuple n'est pas con.

Lors de mes nombreux accrochages avec des forumeurs ou des contradicteurs divers, je tombe souvent sur un argument qui m'énerve tout particulièrement et que je voulais démonter une fois pour toutes ici.

En tant que fervent démocrate et profondément humaniste, j'ai la faiblesse de croire que le peuple n'est pas le problème, mais la solution. On me rétorque souvent que le peuple n'a que ce qu'il mérite, car il s'échine à mettre au pouvoir toujours les mêmes abrutis, et se contente de consommer bêtement dans son intérêt personnel uniquement, sans se soucier de la planète et de son prochain.

Il faut noter déjà que, souvent, celui qui dit ça se désolidarise lui-même de l'ensemble dénommé "le peuple", car lui est capable de discernement, et de voir ce que ses semblables font de mal. En général, celui qui utilise ce type d'argument se considère lui-même au-dessus du peuple, mieux que lui. Et a fortiori il considère qu'on ne peut confier davantage de pouvoir au peuple sous peine de graves déconvenues. Non, les affaires importantes doivent être gérées par une élite qui sait ce qu'elle fait, le vulgus pecus se contentera de suivre son troupeau.

Personnellement, en tant que citoyen normal, c'est-à-dire aussi bête que les autres, j'ai découvert il y a bientôt dix ans tout un tas de chose que j'ignorais avant. La notion de pic pétrolier, le changement climatique, le fait que le gouvernement représentatif a été mis en place en opposition à la démocratie...
Ce parcours intellectuel, rendu possible grâce à internet, n'importe qui peut l'avoir à son tour, car je ne me crois pas doué d'une intelligence supérieure qui me permettrait de comprendre des choses que d'autres ignorent.
A partir de là, peut-on dire qu'avant 2005, j'étais sot ? D'une certaine manière, oui. Mais était-ce ma faute ? Certainement pas.

Autrement dit, si le peuple ignore certaines choses, ou si son comportement est discutable par moment, peut-on l'en blâmer ? Alors que tout semble fait pour qu'il continue d'ignorer ces choses et pour qu'il continue de consommer comme un goret ?

Si nous sommes dans cette situation catastrophique, écologiquement, économiquement, politiquement, n'est-ce pas au contraire parce que personne n'a écouté le peuple ? N'est-ce pas cette élite au-dessus du peuple qui a fait juste n'importe quoi ? D'ailleurs, quand le peuple en 2005 (hasard ?) a retoqué le Traité Constitutionnel Européen, ne s'est-on pas empressé d'aller contre son avis. Est-ce que c'était un bon choix ?

Les choses changent, heureusement, et les prises de conscience se multiplient. En 2008, je découvrais et partageais avec vous ici la signification de l'étiquetage des œufs. Six ans après, je n'achète plus que des œufs bio (0FR) et nous sommes de plus en plus nombreux à le faire, au point que des projet d'extension d'élevage intensif sont abandonnés et que certains magasins ne proposent plus que des œufs bio car les œufs de poules élevés en cage ne se vendent plus !
Vous avez vu un soutien de nos élus/élites sur ce sujet ? Y a-t-il eu campagne de promotion gouvernementale pour nous inciter à consommer mieux ? Pas que je sache. Au contraire, l'agriculture bio est régulièrement pénalisée, empêchée, au mépris des habitudes croissantes des consommateurs et dans l'unique but de maximiser les profits des grosses industries.

On me dit : les français achètent au moins cher, sans réfléchir aux conséquences. Ils refuseraient de payer plus cher un produit local ou éthique. C'est faux.
En 2011, 70% des gens se disaient opposés à de faibles taxes pour les produits venant de Chine ou d'Inde.
65% souhaiteraient que ces taxes augmentent.
Le problème est que la plupart du temps, on ne sait pas d'où viennent ni comment sont produits les choses qu'on achète. Mettez la photo du gosse qui coud vos baskets à côté du code barre, ça va en calmer plus d'un. Sur la plupart des emballages, vous ne trouverez nulle mention du lieu de fabrication. Si vous achetez en ligne, c'est encore pire (allez voir chez amazon si la mention "made in" apparaît quelque part.).
C'est facile de dire que le consommateur est fautif s'il n'a même pas les moyens de savoir ce qu'il fait. Et vous pouvez toujours demander au chef de rayon où a été fabriqué ce stylo plume ou cette paire de chaussettes, il n'en saura rien. Quant aux conditions sociales et écologiques de fabrication, on se demande qui pourrait nous renseigner à leur sujet.

S'il y a une chose dont je suis de plus en plus persuadé, c'est que ce n'est pas la faute du peuple si on en est arrivé là. C'est au contraire parce qu'on ne l'a jamais écouté.

Commentaires

1. Le vendredi, 28 février 2014, 23:05 par ManUtopiK

Non seulement on n'écoute pas le peuple (et le peuple lui-même ne s'entend pas ?) mais on n'informe pas le peuple !

Pourtant, il y a des solutions, mais elles sont compromettantes pour les personnes dont on attend qu'ils les mettent en place.

Les référendums d'initiative populaire (RIC) permettraient aux élus d'écouter un peu plus le peuple, mais c'est donner plus de pouvoir au peuple et cela n'a pas l'air de les intéresser...
La société marchande ne mettra jamais en place d'elle même des étiquetages permettant aux consommateurs de mieux choisir les produits ; ce n'est pas vendeur et trop compromettant.

L'étiquette énergie a été mise en place en 96 pour les réfrigérateurs. En 4 ans, plus aucun constructeur ne fabriquait des frigos classe E (énergivore). Cela prouve 3 choses :
- quand le peuple est mieux informés, il choisit mieux.
- le pouvoir de consommation a un effet sur les industriels.
- les industriels peuvent améliorer leurs produits pour suivre la demande.

A l'heure d'internet, la transparence devrait être obligatoire !
(c'est intrinsèque à internet en plus)

Moi aussi, je ne choisi plus que des œufs 0FR depuis des années. Parce que j'en ai été informé, et cela grâce à des mesures politiques qui ont obligé l'étiquetage obligatoire et plus de transparence.

J'aime bien les solutions qui mettent en confrontation le capital et les politiques ; il faudrait imposer une étiquette transparence et une étiquette bidouillabilité.

L'étiquette transparence permettrait de connaître la provenance des produits et tous les éléments qui le composent, ainsi que leurs conditions de fabrication. Ceci afin que l'on sache "d'où viennent et comment sont produits les choses qu'on achète".

L'étiquette bidouillabilité permettrait de connaître le dégrée d'ouverture et de réparabilité de nos produits. C'est même un enjeu d'actualité avec l'émergence des technologies ouvertes et l'arrivée des "objets connectés".

J'espère bien avoir dans quelques années une machine à laver open source avec enfin une entrée d'eau chaude pour brancher les capteurs solaires, que je pourrais commander à distance (web, mobile...) avec des protocoles ouverts.
Je n'aimerais pas devoir acheter (parce que le marché ne propose que ça) un frigo Apple, avec un écran plein de pub dessus vendant des produits "partenaires et promotionnels".

Mais bon, c'est un sujet où les politiques sont à la rue, et le capital bien trop armé (et déjà prêt) pour inonder le marché comme ils l'entendent...

Les réfrigérateurs Google ; l'abondance dans son frigo, les saveurs 2.0 !

2. Le lundi, 3 mars 2014, 00:00 par Hydronium

Tout à fait d'accord sur le sujet principal de l'article, par contre en ce qui concerne les œufs, désolé de modérer ton enthousiasme mais le « bio » n'est pas vraiment une solution :
— C'est devenu industriel, en jouant sur les limites des cahiers des charges bio : http://rutube.ru/video/a31597ecaad1...
— Des pratiques tout aussi critiquables que dans les élevages intensifs y sont observées : http://boutique.l214.com/images/gra...
Le broyage, c'est ça : https://www.facebook.com/photo.php?...
Pas mal comme concept, la mort bio (cf. super BD : http://insolente0veggie.over-blog.c... ).

Le plus simple est de se passer complètement d'œufs. On peut faire des meringues, des crèmes anglaises, des crêpes, des gâteaux sans œufs... Ce n'est pas un ingrédient bien difficile à remplacer : http://antigonexxi.com/2013/06/02/c...
Une recette de crêpes véganes : http://www.veganwiz.fr/2012/10/13/c...

3. Le lundi, 3 mars 2014, 11:17 par Merome

Je ne considère pas le bio comme une solution ultime à tous les problèmes et suis conscient des dérives industrielles du label ces dernières années.

Mais malgré tout, c'est mieux que l'intensif et ça permet de prendre conscience des différentes façons d'élever des poules.

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1. Le jeudi, 10 juillet 2014, 01:14 par Pearltrees

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