Et non l'inverse.

J'entends parfois dire que si nous subissons toutes ces inégalités, si nous traversons toutes ces crises, si nous avons de si mauvaises habitudes, c'est parce que l'Homme, par nature, est égoïste, individualiste, ... Et que les sociétés qu'il a inventées ne sont que le reflet de son image.

Je m'oppose violemment à cette vision des choses et je pense que c'est tout à fait l'inverse : c'est parce que la règle du jeu est mal foutue que l'Homme est contraint de faire de mauvais choix, et de montrer ses pires facettes.

Si vous êtes un lecteur régulier du blog, vous savez sans doute que je suis joueur, et parmi les centaines de jeux que j'ai eu l'occasion d'essayer, il y a des jeux coopératifs, des jeux de stratégie, des jeux de pourris, ... Et bien, dans l'immense majorité des cas, si vous faites jouer quelqu'un à un jeu coopératif, il sera coopératif, si vous le faites jouer à un jeu de pourri, il sera pourri, etc etc...
Je crois sincèrement que dans la vraie vie c'est exactement pareil : l'Homme s'adapte à son environnement et en tire le meilleur parti.
Or, notre société, je crois, incite fortement à l'individualisme, ce qui nous rend tous, dans l'ensemble, individualistes et égoïstes.

Quelques exemples et arguments pour illustrer tout ça :

- Un même individu peut être carriériste, arriviste, imbu de sa personne, dans un cadre professionnel, et être tout l'inverse de ça dans un cadre familial, ou associatif. Vous avez peut-être déjà remarqué comme moi le dévouement et le désintéressement de certains membres d'associations, qui tranche avec leur attitude le reste du temps. Leur perception de ce qui est bien, ou bon pour eux, dans ces différents cadres influence directement leur comportement. Ainsi, dans un cadre familial où il n'est pas nécessaire de jouer des coudes pour exister, le petit chef (au sens péjoratif) peut s'avérer un père tout à fait admirable.
C'est pourtant bel et bien la même personne.

- Dans un monde inondé de publicités et de services payants, comment expliquer le succès de Wikipédia et des logiciels libres ? Si ce n'est parce que le cadre qui les entoure fait ressortir le meilleur des contributeurs ? Pensez-vous que Wikipedia (malgré ses défauts, qui existent) serait aussi efficace si les contributeurs étaient payés pour les articles qu'ils rédigent ? A mon sens, c'est exactement le contraire : un système vertueux qui encourage la participation désintéressée.

- Les "pires heures de notre histoire" n'ont fait qu'illustrer la capacité d'adaptation des hommes aux idées les plus sombres et les plus détestables. Le peuple allemand était le même avant, pendant et après Hitler. Il s'est adapté à un régime qu'il n'a pas véritablement choisi. Avec plus ou moins de zèle et d'empressement, bien sûr, mais je raisonne ici de manière globale.

Aussi, il n'est pas inutile de s'intéresser au processus qui permet de définir les règles du jeu. Dans une démocratie, on pourrait s'attendre à ce que les règles du jeu soient le reflet exact des attentes des citoyens et par conséquent que ce soit le joueur qui définisse lui-même la règle du jeu.
Plus je lis des choses sur ce sujet, plus je me rends compte que ce n'est pas du tout ce qui s'est passé.
Henri Guillemin, historien, écrivait à l'occasion du bicentenaire de la révolution un texte assez éloquent (bien que truffé de références que je ne suis pas en mesure de comprendre) sur ce sujet : Silence aux pauvres.
On y apprend comment les propriétaires (aka : les riches de l'époque) ont utilisé la Révolution pour conforter leurs positions, et rendre la protection de leurs richesses constitutionnelle, indéboulonnable. Le tour de force est d'avoir réussi à nous faire croire, même plusieurs siècles après, que c'était pour notre bien à tous et notamment pour le bien des gens de peu.

En réalité, ce sont les 1% qui ont toujours gouverné, et qui ont toujours défini les règles du jeu, à leur image et pour leurs intérêts. Il est totalement faux de prétendre que nous avons le système politique et économique que l'on mérite ou que l'on a souhaité et donc que la société est à l'image du peuple qui la constitue.
Depuis des siècles, des dogmes inhumains nous sont imposés pour l'intérêt propre des déjà plus riches. Le culte de la croissance, la création monétaire par le crédit, l'élection, ... sont autant de notions qui servent les intérêts des puissants et qu'on nous fait passer pour des avancées notoires et des idées fondamentalement compatibles avec la nature humaine.

Je vous invite à lire cette analogie entre la monnaie et le protocole TCP/IP, écrite par @stanjourdan. Je ne sais pas si vous y verrez comme moi un lien direct avec le sujet de cet article : il ne tient qu'à nous d'inventer les règles du jeu qui permettront le cercle vertueux du développement humain.
Comme les AMAP, wikipédia, les logiciels libres, les monnaies complémentaires, les SEL, nous pouvons inventer des cadres dans lesquels les véritables valeurs humaines pourront s'épanouir. Rien ne nous oblige à obéir à des dogmes qui nous ont été imposés par une classe dominante. Rien ne nous empêche de faire un "pas de côté", et de s'extraire d'un système voué à l'échec et empreint de valeurs détestables.

Commentaires

1. Le vendredi, 20 juillet 2012, 17:31 par toto

coucou joueur :)
et Climcity tu connais ? http://climcity.cap-sciences.net/
(il est bien bien)
(faut sauver le monde sur le plan facon ecologique, il est bien foutu comme tout)
voili voilo

2. Le vendredi, 20 juillet 2012, 17:41 par Merome

@toto : Déjà vu ouais... Mais je délaisse un peu les jeux vidéos et en ligne pour les jeux de plateaux en vrai carton et vrai bois.

3. Le samedi, 21 juillet 2012, 11:35 par agase

Salut merome,

Je profite que tu ne puisse pas répondre pour te contredire :)
Tu bases ton raisonnement sur des cas particuliers et non sur un raisonnement global. Tu ne vas pas au fond des choses ?
Pourquoi avons nous ces règles ? N'ont-elles pas toujours existé ?
Certains les adaptent-ils à leur convenance et les imposent aux autres ? ne s'agirait-il pas de la loi du plus fort ?

Enfin beaucoup de questions auxquelles ton raisonnement ne répond absolument pas !

Si j'ai le temps (ce qui n'est pas sur ici sur le blog), je développerai un peu ce que je pense de tout cela ! EN tout cas, à ton retour, je t'en parlerai

4. Le samedi, 21 juillet 2012, 21:21 par Nath

Plutôt d'accord avec agase. Bien sûr que les règles du jeu vont induire des comportements différents de joueurs... Mais ce n'est pas le jeu qui fait le joueur...
Tu as ceux qui jouent pour gagner, ceux qui jouent pour jouer, ceux qui suivent pour passer un moment avec les autres... ça c'est une question de "nature".
Et pourquoi quelque soit l'époque l'homme n'a-t-il construit que des civilisation inégalitaires ? Parce qu'il y aura toujours des individus qui marcheront sur la tête des autres pour avoir toujours plus : de reconnaissance, de pouvoir, de tune, de femmes... de tout ce que tu veux suivant l'air du temps...
Et que ces individus s'attireront comme des aimants et finiront par créer une caste dominante.
Avant qu'une catastrophe n’entraîne un nouvel élan de solidarité de masse et la tentative de mise en place de nouvelles règles. (qui elles-mêmes finiront par être détournées au bénéfice de certains et ainsi de suite)

5. Le lundi, 23 juillet 2012, 21:33 par toto

soit. et sinon y'a ni Oui ni Non qué rigolo
:)

vous etes pas super optimistes dans les comms. Y'aura toujours des gens qui voudront dominer mais si on sait les gerer et limiter leur pouvoir (contrairement a ce qu'il se passe de nos jours) ca devrait marcher, en tous cas on est bien obligé d'y croire un peu sinon, on plonge dans le cynisme ambiant et ca mine mine mine.

la loi du plus fort ne devrait pas etre la meilleure, désolée. Ca devrait meme etre le contraire.

m'enfin. un peu de positive atitude Nath, voyons

voili

6. Le mardi, 24 juillet 2012, 09:31 par Bob

Toto, le probleme c'est precisement de gerer ces types-la : ils ont un comportement qui, par essence meme, leur donne un avantage enorme sur ceux qui n'ont pas l'ame de marcher sur les pieds de leurs voisins.

C'est un probleme intrinseque au fait de vouloir etre sympa et ne pas emmerder le monde : on se rend immediatement vulnerable face aux gens sans scrupules et lutter contre eux mene generalement a une escalade qui non seulement va a l'encontre du principe de sympathitude generale mais en plus risque de tourner (encore et toujours) a l'avantage de celui qui a le moins de scrupules a foutre sur la gueule de l'autre.

Et en prime une fois qu'ils sont aux commandes ils ont d'autant plus d'avantages que les autres n'ont pas pour parvenir plus vite et plus fort a leurs fins.

7. Le mercredi, 25 juillet 2012, 22:36 par toto

t'as raison bob, mais on fait comment justement? (c pas easy)
(moi je sais pas gerer plus fort que moi, j'peux pas, c'est contre nature pour moi).

8. Le jeudi, 26 juillet 2012, 09:35 par dasein 2.0

Quelque soit l'origine des règles actuelles, une des questions est de savoir comment la majorité des personnes qu'elles gouvernent seront capables d'imaginer et d'adhérer à de nouvelles règles ?

En effet, ces règles du jeu gouvernent non seulement nos actes mais aussi notre façon de penser et donc on tourne en rond...

Il faut des "éclaireurs" mais qui du coup deviennent une nouvelle élite...avec tous les risques de dérives, de récupérations...

9. Le samedi, 28 juillet 2012, 19:22 par Merome

Bien sûr, il y a des styles de joueur, mais il y a aussi des jeux qui leur correspondent plus que d'autres. Si vous faites jouer quelqu'un qui joue "pour la gagne" à un jeu coopératif, il s'adapte ou il perd (et fait perdre tout le monde, ce qui devrait l'inciter à ne plus recommencer).%%%
Il ne s'agit pas de gommer les différences de style de chacun, mais de ne pas exacerber les pulsions individualistes des plus aisés. La difficulté est de réussir à prouver, dans des microcosmes créés pour l'occasion (Wikipédia, Amap...), que c'est possible et que c'est mieux.

10. Le dimanche, 29 juillet 2012, 09:18 par Bob

Merome, les microcosmes que tu cites ne prouvent rien, ou très peu, dans la mesure où ils n'incluent généralement qu'un (petit) sous-ensemble des catégories de joueurs, et en général ceux qui seront disposés à faire en sorte que le système marche : c'est facile de montrer que la formule "marche" si ceux qui désapprouvent la formule ne participent pas.

Pour reprendre l'exemple des AMAP, que je commence à connaître un petit peu maintenant : il y a 6 ans, on a monté la première de notre région. On était une trentaine de motivés, tous militants, activistes ou au minimum sympathisants de la cause (comme moi). À ce stade, aucun problème.

Avec les années, l'AMAP grandissant, via le bouche-à-oreille ou de par l'emplacement (à l'entrée d'une MJC un mercredi soir, forcément il y a des curieux), on a nécessairement récupéré des gens qui ne sont pas dans cette mouvance et qui se contentent de profiter du système comme de n'importe quel autre service.

Et en plus comme ils payent, ils considèrent qu'ils peuvent se comporter en clients de supermarché : les règles établies ne semblent pas s'appliquer à eux, il leur faut des exceptions, on ne parvient pas à les faire participer à l'organisation. Ils viennent, se servent en triant les légumes dans les caisses, monopolisant les balances, posant leurs sacs au milieu du passage comme le beauf gare son 4X4 en double file, ils réclament des trucs hors du contrat, chipotent sur les horaires, etc. On se retrouve régulièrement avec des gens à qui il manque des produits en fin de distribution parce que d'autres se servent n'importe comment et ne respectent pas les règles...

Alors bien sur ça reste une minorité mais comme on est dans un système qui, par nature, se veut coopératif et ouvert plutôt que légaliste et coercitif, qu'en gros on n'est pas là pour se prendre la tête avec les gens, on ne dispose pas réellement de moyen d'action contre ça. Du coup le potentiel de nuisance de cette minorité est assez important et on ne peut pas grand-chose contre.

Depuis septembre, je suis passé dans une AMAP cousine (issue du trop-plein de la première, avec plusieurs producteurs en commun), sur un autre lieu de distribution. Comme c'est un peu plus excentré et moins visible du public tout-venant, la proportion de "non-convaincus" est beaucoup plus petite et je peux te dire que la différence dans le fonctionnement des distributions est notable.

La plus bête des règles peut s'exploiter, se contourner ou s'ignorer, et il en va de même pour les mesures de contrôle ou de rétorsion qu'on peut mettre en place. À partir de là tu as la majorité qui va la respecter parce que c'est ce qu'on lui a appris, et la minorité qui va abuser du système parce qu'elle a l'aplomb pour imposer son non-respect de la règle à ceux qui n'ont pas les moyens ou l'envie de se battre contre lui, qui tirera le mieux son épingle du jeu.

Et j'aurais tendance à dire qu'en prime, ce sont ceux qui s'affranchissent des règles qui vont inventer les nouvelles règles et expliquer au reste qu'il faut les respecter, ha ha ha.

11. Le dimanche, 29 juillet 2012, 09:37 par Merome

@Bob : la dérive que tu cites à propos de ta 1ère AMAP est typiquement un défaut de règles, selon moi. Il ne s'agit pas de faire de l'angélisme et de considérer que les gens vont naturellement devenir bons parce que c'est écrit dans les statuts que c'est mieux si on est bon. Il s'agit d'écrire des règles qui font en sorte que celui qui s'en écarte s'exclut de lui-même et n'est pas favorisé.

Wikipédia est plutôt sévère, me semble-t-il, de ce point de vue. Si tu te contentes, comme moi, de corriger les fautes d'orthographe qui te sautent aux yeux, y a pas de problème. Si tu veux te créer une page de biographie (hagiographie plutôt !), et dire au monde à quel point tu es le meilleur et le plus talentueux, ta page dégage rapidement, et si tu insistes, c'est ton compte qui est banni et ton adresse IP suivie. Des hommes politiques se sont fait prendre à ce petit jeu, d'ailleurs.

Bon Wikipédia a d'autres problèmes, d'ordre démocratique (personne ne peut remettre en cause les règles), mais c'est un autre sujet.

Je pense qu'il faut bien faire la différence entre une société, un microcosme, qui se définit des règles vertueuses, et une société laxiste/angéliste. Si l'on définit une limite à l'accumulation de richesses, par exemple, cela ne devra rien au volontarisme des gens qui composent la société. On pose la règle de façon ferme et on coupe tout ce qui dépasse du cadre.

12. Le jeudi, 2 août 2012, 15:05 par François

Salut Jérôme,
Je crois que l'homme est fondamentalement bon, de base. Par contre la société a beaucoup d'influence sur lui.
La société nous façonne et ... c'est l'homme qui la construit ! Donc jalousies, hypocrisie, égoïsme, violence, individualisme... cela fait partie et cela existera toujours dans la société. Tout comme l'honnêteté, la gentillesse, la bonté, le partage...
La société est donc règles+travers et on va se nourrir de ça jusqu'à ce qu'on atteigne une maturité nous permettant de faire des choix en toute liberté de pensée.

Alors ces fameuses règles érigées par notre société (via l'éducation nationale mais aussi éducation parentale), s'il elles insistent sur le respect de l'autre, forcément que des générations futures auront appris (en majorité car il y a toujours des rebelles ;) ce qu'est le respect.
Une société qui pousse à un esprit égoïste ou capitalistique n'amènera pas les génération à du partage et une vie en vraie collectivité.

Ensuite, ceux qui se laissent porter par la société et qui de leur fenêtre regardent, critiquent ou sont individualistes etc... seront évidement certainement aigris de cette société et ils alimenteront cette aigreur !
Quant à ceux qui cherchent à avancer, faire bouger les choses, ils auront toujours de l’espérance par rapport à l'être humain qui a un besoin réel de vivre ensemble...
Mais n'est-il pas vrai que dans notre belle société de communication et d'information nous avons une fâcheuse tendance à voir ce qui ne va pas ou à dire que c'est "peine perdue" avec tout ce qu'on entend aux infos et qu'on voit autour de nous ?

Pour conclure, avec un peu de courage, de foi en l'homme, et en restant intellectuellement éveillé, comme quelques gouttes dans l'océan, je suis certain qu'on peut rendre les choses plus belles et petit à petit changer le système.

je t'invite à lire ce court article que j'ai chopé en passant, sur "il faut croire en l'homme"
http://www.lexpress.fr/informations...
++

13. Le samedi, 4 août 2012, 08:19 par marpalix

Sauf que des être vivants ne sont pas là pour jouer entre eux.

L'univers dans lequel nous existons ce n'est pas un monopoly.

Dans cet univers, on se déplace dans la bonne direction sinon on se prend le mur.

Des êtres vivants sont là pour se déplacer dans la direction de leur propre renouvellement. Sinon ils vont mourir. C'est tout ce qui compte.

14. Le lundi, 6 août 2012, 10:17 par François

Certes si tu raisonnes en tant qu'espèce, l'homme cherche d'instinct à vivre, se reproduire et perpétuer son espèce.
Mais il y a une grosse différence : l'homme est capable de faire des choix intelligents avec une conscience.
« L'essentiel n'est pas de vivre, mais de bien vivre. » Platon

L'homme est bien plus qu'une espèce animale : il doit s'inscrire et respecter autrui mais aussi respecter son environnement et les autres espèces qui l'entoure.

"Dans cet univers, on se déplace dans la bonne direction sinon on se prend le mur." : d'où l’intérêt d'être humain de gérer ce qui nous entoure avec soin et de respecter l'autre avec humanité et sagesse... et c'est loin d'être un jeu ;)

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