Petit guide à l'usage des acheteurs compulsifs et des autres.

Sans jamais avoir versé dans la compulsion, il m'est arrivé et il m'arrive sans doute encore d'acheter des objets ou des services dont je n'ai pas bien mesuré ni les avantages et les inconvénients, ni l'intérêt global prenant en compte tous les aspects de la fabrication au recyclage du produit en passant par son utilisation.

Il y a donc quelques questions à se poser avant TOUT acte d'achat. Du plus trivial au plus complexe, de l'utra-nécessaire répondant à un besoin physiologique, jusqu'au facultatif répondant à une envie.

Question n°1 : Est-ce que je peux m'en passer ?

Oui, c'est idiot, mais c'est malheureusement utile. Notre cerveau est ainsi fait qu'il lui arrive de mélanger le besoin et l'envie. Si l'on s'est mis dans la tronche qu'on avait besoin d'un nouveau bidule, il est extrêmement difficile de garder la tête froide et l'esprit serein. Bien évidemment, le plus souvent, ces petites envies sont titillées par les publicités. Pas seulement celles de la télé que tout le monde croit zapper. Les affiches, le packaging, les logos, l'écran plat chez le pharmacien ou à la Poste, qui diffuse des petits clips qu'on regarde en faisant la queue...
Il ne s'agit pas de ne plus rien s'offrir et de vivre en ermite, mais d'évaluer le coût global de tout nouvel achat par rapport à son intérêt réel.

Question n°2 : Est-ce que je n'ai pas déjà un truc qui fait la même chose ?

Que celui qui n'a jamais acheté un truc en double me jette la première pierre. Par exemple, j'ai un milliard de vis et de clous de toutes tailles qui sont en vrac dans une boite. Cela ne m'empêche pas d'acheter à chaque nouveau chantier un paquet de vis juste comme il faut. Il y a des gens qui font la même chose pour les télécommandes ou les téléphones portables qu'ils ont égarés ou cassés. Le corollaire à cela est de veiller à inventorier et prendre soin de son matériel.

Question n°3 : Est-ce que je mesure toutes les conséquences écologiques, sociales et économiques de mon achat ?

Si j'achète un portable à un euro, est-ce qu'on n'essaierait pas de m'enfler sur l'abonnement ? Qui a fabriqué, et dans quelles conditions ce poste radio-CD qui est trois fois moins cher que les autres ? Si j'achète ce 4x4, qu'est-ce que je vais payer comme carburant et quel sera le coût d'entretien, notamment les pneus ? Si j'achète du pain et de la viande fraîche en grande surface, que vont devenir le boulanger et le boucher de mon quartier ?

Question n°4 : Est-ce que je peux emprunter ou louer l'objet au lieu de l'acheter ?

Nous avons tous dans nos garages des perceuses qui servent une heure ou deux par an, des taille-haies ou des tondeuses comme ont nos voisins tout autour. Un GPS ne sert que lorsqu'on se déplace vers une destination inconnue. Il y a parfois des trucs qu'on achète et qu'on ne sert pas, ou si peu que cette dépense était quasiment inutile.

Question n°5 : Est-ce que je peux acheter cet objet d'occasion ?

Plutôt que se précipiter dans la grande surface la plus proche, prenez le temps de vérifier sur les sites de vente d'occasion si un produit de meilleur qualité et/ou moins cher n'est pas disponible. C'est vrai aussi pour les cadeaux. Les jeux vidéo, les DVD, les livres, ne s'usent pas ou si peu. Mes enfants n'y voient que du feu ! :)

Question n°6 : Quel est le meilleur choix technique possible ?

Internet regorge de comparatifs et d'avis utilisateurs dans des forums spécialisés, dans tous les domaines, du stylo plume au séjour de vacances, vous ne pouvez plus dire aujourd'hui que vous ne saviez pas. Prenez le temps de lire et relire les spécifications et les caractéristiques, comparez les prix et la qualité du matériel ou du service.
Pensez également aux conséquences secondaires de vos achats : confortez-vous un monopole qui peut-être dangereux ? Est-ce qu'en choisissant tel produit je ne m'enferme pas dans un système dont je ne pourrai plus jamais sortir ?

Question n°7 : Quel est le meilleur choix social et écologique possible ?

Trop souvent oubliée, cette étape me paraît cruciale aujourd'hui. Chaque achat est en quelque sorte un vote pour un mode de fabrication, et ses conséquences sociales et environnementales. S'il est établi que j'ai besoin d'un nouveau salon de jardin, comment le choisir pour que l'impact écologique et social soit le plus faible ? En bois exotique ? En plastique ? En verre et acier ? N'hésitez pas à demander au vendeur d'où viennent les produits qu'ils vendent et comment et par qui ont-ils été fabriqués.
Si j'achète ce truc high tech qui a été fabriqué par des gosses chinois dans des conditions insalubres, alors je cautionne, et j'accepte (et j'encourage) le fait d'être traité, à terme, de la même manière sous prétexte de compétitivité.

Question n°8 : Où acheter ?

Sur internet ? Au petit commerçant du quartier ? En grande surface ? Au magasin d'usine ? Au grossiste quand c'est possible ? Il y a toujours plusieurs choix possible, réfléchissez à celui qui correspond le mieux à votre achat. Et réfléchissez aux conséquences à long terme de votre choix.
Mutualiser également vos déplacements. Pas la peine de sortir la voiture juste pour aller acheter un lecteur DVD. Attendez donc vos prochaines courses dans un magasin proche du lieu de vente de ce nouveau produit.

À quoi bon s'emmerder avec toutes ces questions ?

Quand vous avez répondu à ces huit questions, vous limitez forcément votre consommation, votre impact écologique et social, vous gagnez de l'argent et vous gagnez en qualité. On gagne aussi du temps : on a tous acheté une merde au supermarché en croyant gagner du temps, et on a dû retourner dans un magasin spécialisé pour acheter le bon outil ou la bonne pièce.

Commentaires

1. Le jeudi, 4 novembre 2010, 16:50 par Fil

Quand je vois la conclusion qui commence par "Quand vous avez répondu à ces 8 questions" se poursuivre par "On gagne du temps", heu... :-) Pour remettre dans le contexte quel pourcentage de choses achetées retournent auprès du SAV ? 1 %, 2 % ?

Tu prêches pour les convaincus avec cet article, ce qui est très bien hein. Pour les demi-convaincus comme moi, les pas convaincus du tout comme Allègre ou les jmenfoutistes comme Mickael Vendetta, cet article aura que peu d'utilité, voire même il sera contre-productif à mon avis.

Ta dernière question par contre aura un certain écho auprès des 3 catégories sus-citées.
Plus globalement, l'argument "pour les générations futures" lasse grandement je pense. Les gens ont assez de problèmes eux-mêmes (superficiels peut-être, à tes yeux et comme chacun a sa propre paire d'yeux) pour pas s'en créer d'autres par rapport aux générations futures.

Désolé...

2. Le jeudi, 4 novembre 2010, 18:43 par Merome

@FilGB : je te souhaite d'être père un jour. Il va t'arriver des choses que tu ne soupçonnes même pas. Et ce n'est pas de la condescendance. Je pense qu'il y a une catégorie de gens que tu ne cites pas, c'est ceux qui sont un peu sensible, mais ne voient pas trop comment s'y prendre, qui n'ont pas fait la démarche jusqu'au bout pour se rendre compte que le problème écologique et social va jusque là.

Sinon, sans penser aux petits enfants que tu n'auras peut-être pas, es-tu d'accord pour dire que si tu achètes un truc qui a été fabriqué dans des conditions déplorables, alors tu cautionnes la chose, et tu encourages les industriels à aller plus loin, y compris pour ton propre job ?

3. Le jeudi, 4 novembre 2010, 19:31 par Fil

Si tous les parents devenaient écolo et/ou décroissants à la naissance du 1er, ça se saurait :)

Alors, dans la catégorie des "demi-convaincus", on peut séparer p-e ceux qui ont l'impression d'avoir fait le tour du sujet (comme moi) et ceux qui n'ont pas encore eu l'impression d'aller au bout de leurs efforts utiles pour le problème dont on parle.
OK, il y a encore de la marge pour eux, et ton article en ce sens sera utile.

Mais je crois vraiment qu'à un moment, il faudra pour "passer la 2nde" que l'exemple vienne d'en haut, des gouvernants, Français et au niveau mondial. Si ça n'évolue pas à ce niveau-là, les gens arrêteront leur "croissance" d'efforts écologiques et énergétiques. Ils en feront pas moins, mais ils en feront juste pas plus et ce plafonnement est à mon avis bien plus proche que tu ne le voudrais.

C'est là (aussi) où je trouve les décroissants utopistes. Le changement proné est trop brutal, il faut d'abord passer par une écologie proche de la société actuelle pour petit à petit tendre vers un modèle plus équilibré entre ce que nous consommons et ce que la Terre peur nous fournir. Je sais ce que tu vas me dire : "on a pas le temps". Je te répondrai alors "bah on va tous crever alors."

4. Le jeudi, 4 novembre 2010, 21:01 par Merome

@Fil : intéressant commentaire. Plus ouvert que d'habitude :)

Tous les parents ne deviennent pas écolos, mais tous les parents ou presque deviennent "responsables". Avoir la responsabilité d'autrui, tout le monde ne le vit pas de la même façon, mais ça met certaines choses en perspective et dans le cas de la prise de conscience écologique, ça aide assurément.

Que l'exemple vienne d'en haut n'est pas forcément nécessaire. Ce serait évidemment tellement mieux, plus efficace, mais il ne faut pas rêver. En attendant, on n'a pas eu besoin de leur exemple pour se mettre à internet, à trier nos déchets, à donner aux restos du cœur ou je ne sais quoi. Quand les élites auront compris l'écologie, ce sera grâce aux citoyens, et malheureusement pas le contraire.

Les décroissants ne prônent pas un changement brutal. C'est le constat qui est brutal. Le changement va prendre des années et pourrait être accompagné par exemple par une taxe carbone progressivement de plus en plus dissuasive. Il est bien entendu hors de question, même pour les décroissants les plus extrémistes, d'interdire le pétrole du jour au lendemain, par exemple. Même si dans l'absolu, c'est peut-être ce qu'il faudrait pour éviter de trop gros dégâts.

5. Le vendredi, 5 novembre 2010, 11:24 par Marti

Superbe article! On devrait tous se poser ces questions avant d'acheter. Et ça ferait de sacré économies!

Je me dis cependant que toutes ces question devraient cependant se poser aussi à l'échelon supérieur, celle de la production.

6. Le vendredi, 5 novembre 2010, 21:40 par Eric

Le problème, c'est que la compulsion d'achat est rarement raisonnable. Et même si on est convaincu de l'inutilité ou de la nocivité d'un objet, ce n'est pas ce qui empêchera l'achat, le plus souvent.

7. Le vendredi, 5 novembre 2010, 23:06 par Stef

Et puis c'est bien d'acheter beaucoup, ça relance la croissance et l'économie.

8. Le samedi, 6 novembre 2010, 10:26 par Merome

Stef : Troll détecté et neutralisé.

9. Le vendredi, 25 février 2011, 11:34 par valerie - poele à bois

Tout à fait d'accord avec ta démarche Merome.
J'ajouterai juste une citation de Gandhi :“Be the change you want to see in the world.” Notre pouvoir d'achat, de consommateur, c'est au même titre que nos votes, une manière d'agir, plus concrète peut être, pour changer le monde à notre échelle

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1. Le lundi, 16 juillet 2012, 12:02 par Pearltrees

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