Exercice de politique-fiction : que dirait un président idéal (pour moi) au soir de son élection ?

En mettant le bulletin qui porte mon nom dans l'urne, vous le savez, vous n'avez pas voté pour moi, mais pour un projet de société. Aussi, vous ne serez pas surpris de me voir rapidement abandonner le pouvoir que vous m'avez confié au profit des citoyens, comme cela devrait être la règle dans toute démocratie qui se respecte.
Nous sommes donc en route vers la VIème république, et si je devais la résumer en quelques mots, je choisirais les trois qui forment notre devise officielle depuis la IIIème république : Liberté, égalité, fraternité.

En effet, c'est autour de cette devise que nous allons bâtir ensemble notre projet de société, en ajoutant la notion de "durabilité", sans laquelle nous nous heurterons inévitablement au mur écologique.
Chaque action politique, chaque geste citoyen, seront donc évalués à l'aune de ces grands principes érigés en valeurs essentielles. Seront encouragés, à tous niveaux, les comportements qui, globalement, vont dans le sens de ces valeurs, et découragés les initiatives qui, à l'inverse, les bafouent.

Concrètement, cela signifie par exemple au niveau économique, que le coût réel, incluant le coût écologique, des biens et des services devra être payé par son utilisateur. La TVA, injuste, sera remplacée par une taxe écologique, faisant augmenter mécaniquement le prix des produits et services énergivores ou polluants, tandis que les biens de consommation sains et produits dans le respect des Hommes et de la Nature seront totalement détaxés.
Cela aura pour effet de relocaliser la production, car le coût du transport de marchandises sera tel qu'il ne sera plus compétitif de délocaliser. Au niveau international, un lobbying forcené sera opéré auprès de l'OMC au nom de l'éthique et de l'écologie, afin d'imposer la transparence quant aux conditions de productions des biens manufacturés, que cela soit en matière de conditions de travail ou au sujet de l'empreinte écologique du processus de production.
Toute forme de publicité sera interdite, et les budgets colossaux ainsi dégagés permettront aux entreprises d'engager des actions pour moraliser leurs pratiques.

Les employeurs, chacun à leur niveau, seront encouragés à tendre vers une gestion éthique de leur entreprise, correspondant au projet de société. Le montant considérable des subventions versées aux entreprises sera conditionné à la mise en œuvre de mesures pour lutter contre les inégalités. L'écart entre le salaire le plus élevé et le moins élevé au sein de l'entreprise pourra par exemple être un indicateur de gestion éthique, avec d'autres indicateurs écologiques, comme la consommation d'énergie ou de matière première brute. Les entreprises de recyclage et de réparation des biens de consommation seront aidées.
Aux chefs d'entreprises qui seraient ennuyés par de telles orientations, je serais tenté de dire, selon la formule consacrée : "La France, tu l'aimes ou tu la quittes". Nous avons suffisamment de compétences parmi nos concitoyens pour nous permettre de faire partir ceux qui n'adhèrent pas aux principes défendus par notre devise.

Je prévois par ailleurs une réduction drastique du budget de l'Etat et des collectivités, par exemple, les trois quarts des frais de fonctionnement de l'Elysée disparaitront suite à la vente des nombreuses demeures résidentielles, et l'abandon de services gratuits jusqu'ici réservés aux membres du gouvernement. Les retraites et autres avantages honteux des élus seront réajustés ou supprimés.
Les dépenses prévues, y compris le remboursement de la dette étalé sur une dizaine d'années, seront intégralement couvertes par l'impôt, qui sera ajusté chaque année aux dépenses. Un impôt sur le revenu dont le taux d'imposition sera d'autant plus fort que le revenu est élevé, de manière linéaire, sans tranches et sans escaliers.

Les députés seront tirés au sort parmi des volontaires inscrits, mais leur rôle se cantonnera à l'enregistrement formel des décisions prises lors de débats nationaux qui auront lieu en permanence dans les institutions locales et sur internet. Des référendums permanents seront organisés et pourront être à l'initiative des citoyens. Une vigilance permanente et une transparence totale devra être maintenue dans ce domaine pour que chacun puisse vérifier le bon déroulement des débats et des scrutins. Les codes des systèmes de gestion électronique seront tous accessibles au public et sous licence libre. Il n'y aura pas de machine à voter "boite noire" mais un système de comptabilisation automatisé permettant les systèmes de vote à plusieurs choix possible, type Condorcet.

L'information et l'éducation seront des chantiers prioritaires. Tout au long de sa vie, chacun pourra se former gratuitement, et/ou dispenser des cours dans les domaines qu'il maitrise. Les locaux et matériel des collèges, lycées, universités pourront être utilisés jour et nuit à cette fin. D'une manière générale, la mutualisation des moyens sera la règle pour rentabiliser au maximum chaque investissement public.
La recherche se verra consacré un budget conséquent avec comme objectif prioritaire de rendre l'accès à l'énergie propre aussi peu coûteux que possible. L'accès à cette énergie devra être libre et indépendante, chacun pouvant maitriser s'il le souhaite sa production d'énergie.

Le budget militaire sera réduit au maximum, afin simplement de garantir la sécurité du territoire. Cela permettra de financer des transports publics gratuits et aussi propres que possible. La construction de routes et d'autoroutes sera suspendue et le budget correspondant sera utilisé pour l'entretien des infrastructures existantes.

Si j'avais la prétention et le talent de mes adversaires énarques (qui ont perdu cette élection), je vous promettrais la fin du chômage pour demain et la prospérité pour après-demain. Je peux juste affirmer qu'un projet de société dont les bases sont solides et indiscutables, ne peut mener, à terme qu'à un cercle vertueux. Au contraire, le modèle non durable, injuste, inéquitable adopté par la plupart des pays industrialisés aujourd'hui ne peut que mener au désastre.
La France fut parmi les premières nations à abolir l'esclavage alors que c'était, d'un point du vue purement économique, une aberration. J'aime l'idée que la France puisse être le premier pays à mettre en avant l'éthique et l'égalité. Ce serait par ailleurs une suite logique à la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et une belle façon de redonner à notre pays le rôle de précurseur qu'il a eu par le passé.

Commentaires

1. Le jeudi, 16 septembre 2010, 13:39 par Lilian

Concernant le chômage, si on passe dans un monde sous contrainte énergétique forte, il y a beaucoup à parier qu'il y aura besoin de nombreux bras supplémentaires :
- agriculture (de proximité)
- artisanat (isolation massive des habitations par exemple)
- etc.

Sinon je vote avec les 2 mains pour ton discours / programme.

Qu'est-ce que tu penses du fait de demander (par écrit) au futurs présidentiables leur positionnement quant au problème énergétique à venir et qu'ils auront très probablement à gérer pendant leur mandat ?

2. Le jeudi, 16 septembre 2010, 14:27 par kelux

C'est un discours qui globalement me plaît j'ai juste deux petites remarques.

Sur l'échelle linéaire pour le taux d'imposition. Je trouve totalement stupide (et injuste) le système actuel d'escalier. Mais pourquoi pas une échelle exponentielle ? Si bien que gagner 1 million par an ou 2 millions ne changera pas grand chose finalement pour celui qui touche ce salaire. Et donc, de fait, cela rendrait caduque de tels salaires (puisque le million supplémentaire entre 1 et 2 millions partirait quasiment totalement dans l'impôt).
En revanche avec une échelle linéaire, tu n'empêches pas ce genre de pratique (si ce n'est par ton indicateur entre le salaire maximal et minimal, mais certaines entreprises pourraient choisir de s'asseoir sur un indicateur pour continuer de toucher un salaire exorbitant). D'ailleurs cet indicateur ne permet pas non plus de régler le problème des professions libérales (pas dépendant d'une entreprise, si je ne m'abuse).

Concernant l'asemblée tirée au sort, en fait j'ai une proposition qui rassemble un peu celle-là et celle sur les débats nationaux.
Il s'agirait de tirer au sort parmi les citoyens (volontaires, éventuellement), de manière à avoir un éhantillon représentatif de la population française, de les rassembler et leur faire défiler une série « d'experts » sur le sujet pour que les citoyens connaissent bien les tenants et les aboutissants. Ensuite ils pourront débattre entre eux des mesures à prendre.
J'ai rien contre un débat national mais j'ai peur que peu de gens aient du temps à y consacrer et que finalement ceux qui donnent leur avis ne soit pas représentatifs.
Il y a quand même un problème dans ma proposition : c'est comment sont choisis les experts à faire défiler...

Bon, quand est-ce qu'on met ça en oeuvre ?

3. Le jeudi, 16 septembre 2010, 14:40 par Merome

@Lilian : Demander aux présidentiables de donner leur position sur l'énergie ? Il me semble que l'expérience de Hulot a bien montré la limite de l'exercice. Tout le monde ou presque a signé son pacte, mais il n'est resté que du vent. C'est plutôt à nous de juger les programmes en fonction de ce qu'ils mettent en avant.

@kelux : J'ai dû mal m'exprimer : "le taux d'imposition sera d'autant plus fort que le revenu est élevé, de manière linéaire". C'est l'augmentation du taux d'imposition qui est linéaire et pas l'impôt lui-même. Je pense que tu es donc d'accord avec moi :)

Concernant les débats nationaux, je ne sais pas si c'est un problème qu'ils n'intéressent pas toute la population. Sur Hadopi, par exemple, si seuls ceux qui y comprennent quelque chose se prononce, cela me semble plus sain que si c'est les députés dont la moyenne d'âge dépasse 50 ans qui décident.%%%
Imagine un portail d'e-democratie qui catégorise tous les débats en cours, tu ne vas que là où ça t'intéresse, tu t'investis plus ou moins selon l'importance que tu y accordes et au final, plusieurs propositions et un vote à plusieurs choix classés pour dégager le meilleur compromis.

J'élude exprès les tonnes de réglages qu'un tel système nécessiterait. C'est juste un principe général de fonctionnement.

4. Le jeudi, 16 septembre 2010, 18:32 par kelux

@Merome ah d'accord, au temps pour moi le taux d'imposition qui augmente de manière linéaire, ok :)

Le problème avec un portail d'e-democratie c'est que ça exclut certaines personnes qui ne savent pas forcément se servir d'un ordinateur ou qui n'ont pas de temps à y consacrer.
L'exemple d'Hadopi est un peu biaisé puisque ce sont des informaticiens qui ont protesté sur la toile. A priori l'utilisation d'un ordinateur ne leur pose pas de problème et ils peut leur arriverde passer un peu de temps sur un ordinateur ;)

Débattre c'est sympathique mais comment procéder au vote ensuite ? À la manière du brainstorm Ubuntu (http://brainstorm.ubuntu.com/) ?
Comment s'assurer que l'UMP ne mobilisera pas ses troupes en masse pour faire voter les idées qui leur plaisent ? :)

Après que le système actuel ne convienne pas du tout, je pense qu'on est d'accord.
- l'élection législative n'est pas démocratique (l'UMP a la majorité absolue, ça ne reflète pas l'opinion des électeurs.
- les élus sont nommés par leur parti et il peut être enclin à choisir les plus dociles. Ainsi les élus ne représent pas leurs électeurs mais leur parti. Et ces mêmes élus n'auront pas forcément peur de ne pas se faire élire mais plutôt de ne pas se faire désigner par le parti.

5. Le jeudi, 16 septembre 2010, 18:51 par Merome

kelux : J'avais posté un truc sur les machines à voter, il y a longtemps. Les dérives que tu signales sont des risques qu'il faudra gérer. Je suis certain qu'il y a des solutions techniques qui allient simplicité et transparence. Si l'UMP mobilise ses troupes, alors il faudra qu'en face, on mobilise les nôtres, c'est déjà le cas dans les scrutins actuels. Mais surtout, il faut veiller à ce que personne ne puisse bourrer les urnes.

6. Le vendredi, 17 septembre 2010, 17:00 par Tassin

Intéressantes tes propositions. Je rajouterai du point de vue économique :

- Rétablissement des droits de douane aux frontières en fonction des produits (plus c'est productible en France, plus c'est taxé à l'entrée sur le territoire) -> relocalisation progressive de l'économie
- Abolition des conventions Européennes de 1973 qui interdisent aux États d'investir à taux zéro auprès de la banque centrale. (Ce qui supprime quasiment le problème de la dette)
- Créer un fond d'investissement national pour le développement économique (pas la croissance hein ;-) ) ce qui permet d'office de se passer d'investisseurs privés (et racketteurs) pour la création d'entreprises.
- Renationalisation du secteur bancaire (cf ci-dessus) et de l'électricité (ainsi que de la Poste)
- Mise en place de la gratuités des biens de base (eau, électricité, chauffage, transports en commun...) à hauteur de 50% de la consommation moyenne actuelle et renchérissement progressif de la consommation supplémentaire (suppression de la problématique "survie" des petits revenus)
- Revenu d'existence garanti de 18 ans à sa mort, cumulable avec les revenus du travail.
- Ces 2 dernières mesures permettent de quasiment supprimer toutes les aides sociales (RSA, Alloc...) sauf celles relatives aux enfants et personnes à charge.
- Semaine de 32h (4x8h de base)
- Retraite à régime universel basé sur le nombre de trimestres travaillés avec un coefficient correspondant au salaire de l'époque (cumulable avec le revenu d'existence)
- Revenu maximal à hauteur de 10 fois le revenu d'existence.
- Programme de construction logement social massif (fini la spéculation immobilière)
- Reconversion du monde agricole progressif vers les techniques douces avancées (BRF, semi direct...)
- Arrêt du programme TGV et programme ferroviaire normal massif, cycliste et TC efficace permettant à chaque Français d'avoir la possibilité de vivre sans voiture.

Bon bah rien qu'avec ça on divise par 2 l'empreinte écologique de la France en 30 ans, on élimine presque la misère et le mal-emploi, on augmente la qualité de vie de tous les Français.

Ce ne sont que quelques idées de base...

7. Le vendredi, 17 septembre 2010, 17:03 par Tassin

Ah j'oubliais une des plus importantes :

- Interdire la pub pour la vente de produits manufacturés.

Vous aurez noté au passage que les simples propositions 2 et 3 ci-dessus peuvent se nommer tout bêtement : Sortie du capitalisme :-)

8. Le vendredi, 17 septembre 2010, 19:10 par Merome

@Tassin : j'ai veillé dans mes propositions à expliquer le financement de tout ça (on prend ici pour mettre là). Comment envisages-tu le financement de tes propositions, par exemple, le revenu garanti à partir de 18 ans ?

9. Le lundi, 20 septembre 2010, 14:26 par Tassin

@ Mérome :

Pour commencer, à travers la hausse du niveau d'impôts sur les revenus dans un premier temps (dernière tranche d'impôts à 99% et prise en compte des revenus du patrimoine/capital). Mais sachant que je proposais de passer à une forme de capitalisme d'état (cf points 2, 3 et 4), à terme les revenus du capital privés seraient quasi nuls.

Et puis ce revenu garanti veut aussi dire baisse des salaires pour un même emploi (par exemple les 900€ du revenu garanti cumulables avec les 600€ du nouveau SMIC) ce qui permet d'augmenter les cotisations d'entreprises. Grosses économies sur la bureaucratie des allocations et aides diverses puisqu'elles n'a plus lieu d'exister.

Le financement est un faux problème une fois sortie du cercle vicieux de la dette.

10. Le mercredi, 27 octobre 2010, 15:12 par Marti

Je rêve de ce discours du futur élu! =) Ajouté à cela les propositions de Tassin et je me retrouve dans une société idéale!

J'ai bien peur que ce ne soit pas encore le cas à la prochaine élection...

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