Avertissement : ceci est une fiction. Toute ressemblance avec ... etc.

La vache ! Ça me reprend. Souvent le vendredi. Ça commence par un mal de tête dès le matin au lever, suivi d'une journée de merde, entouré de cons. J'arrive péniblement au soir, gavé de paracétamol dont le goût acide me revient en bouche à chaque expiration.

Je rentre chez moi, tard, vingt heures, parfois plus. J'ai laissé mon bureau allumé et l'ordinateur, sans doute. Je m'en fous. La femme de ménage éteindra. A-t-on encore une femme de ménage ?
L'appartement est sombre et vide. Mal rangé. Un logement de con de célibataire. Des canettes vides dans la poubelle. Le journal télé ouvert sur la table basse criblée d'auréoles de cul de bouteilles.
La télé est en veille, je l'allume et le zombie que je suis s'installe dans le canapé qui est en face. Et puis j'attends.

J'attends que mes yeux rougissent avant de cligner. Plus ou moins consciemment, je me ruine la cornée les yeux grands ouverts devant l'écran trop lumineux.
J'attends que ça passe mais je sais que ça ne passera pas. Je force ma concentration sur l'image. Une infime partie de moi y croit encore. L'énorme majorité du reste de moi sait pourtant ce qu'il va se passer.
Et puis, paf ! L'image traverse mon esprit. Ça dure quoi ? Un millième de seconde ? Peut-être encore moins que ça. Une image subliminale. Sublime. Minable.
À partir de là, c'est la descente aux enfers assurée. Mon esprit cède petit à petit à la force incontrôlable. L'image revient, occupe maintenant tout l'espace. Cela dure des secondes entières puis des éternités de minutes. C'est comme une obsession. On y pense une fois et on ne peut plus s'en défaire jusqu'à la fin.

Mes muscles luttent, mais c'est le cerveau qui décide. Il m'emmène devant le placard. Il sait très bien qu'il ne faut pas le faire. Il sait très bien que chaque fois c'est pire, et que chaque fois empirera les fois suivantes. Trouble obsessionnel compulsif, me voici devant le placard. Un coup d'œil dans le miroir au fond du couloir pour être sûr de bien me détester tel que je suis. J'ouvre le placard et je prends l'objet. Impeccablement rangé à sa place, toujours, alors qu'il n'y a pas une paire de chaussettes assorties dans les tiroirs, ni une casserole propre dans toute la cuisine.

Je retourne devant la télé que j'éteins. Mon cœur s'accélère. Mon cœur est un con de masochiste. Je contemple l'objet longtemps avant de l'ouvrir. Je souffre. Bon Dieu qu'est-ce que je souffre ! Faut-il être con pour se faire mal à ce point ! J'ouvre.

J'ouvre les vannes lacrymales et je me noie sous les flots. Je laisse échapper un sanglot. Je tourne les pages. Là, il avait trois ans. Ici avec ma... avec sa maman. Ce regard juste dans l'objectif. À chaque fois il m'uppercute. Photo de famille à quatre, avec le retardateur. Et déjà cette connerie dans mes yeux, ce regard de lâche. Le regard de celui qui s'inquiète du retardateur et du côté technique du moment.

Les gosses étaient petits, pas intéressants. Ma femme s'en occupait et moi j'étais au boulot. Une place correcte, mais rien de transcendant. Ça ne m'empêchait pas d'y passer ma vie. Comme ce soir, je rentrais tard. Les petits étaient au lit, elle avait préparé le repas. Une vie bien rangée et j'ai tout fait péter. Trop de contraintes. Trop stable. J'étais d'humeur détestable.
J'ai profité d'une broutille pour monter dans les tours. Ça faisait déjà un moment qu'on ne se regardait plus. Plus le temps. Plus l'envie.
J'ai bouclé ma valise et je me suis cassé. J'ai même pas fini de la vider. Ça fait cinq ans qu'elle traine sous mon lit.
La première année, je n'ai rien regretté. Plus de contraintes, j'étais de nouveau libre d'aller et venir chez moi, d'écouter de la musique tard, de rester au bureau ou d'aller boire un coup. Ça s'est compliqué ensuite.

Au boulot, je suis devenu chiant. Personnel et perfectionniste. Mes relations se sont raréfiées. Je persécute ma secrétaire. Ça se trouve, c'est du harcèlement, je ne me rends pas bien compte. Je mène la vie dure aux stagiaires et aux jeunes embauchés. C'est mon seul passe-temps.

Un week-end pluvieux, je n'avais rien à faire. Je suis tombé sur la carte mémoire de mon appareil photo. Je les ai toutes imprimées. Toutes. J'en ai fait un album qui m'obsède tous les vendredi soirs.
Un soir, je le sais, ce sera l'overdose. Ces quelques photos auront raison de moi. Je suis trop faible. Je suis trop lâche. J'espère juste qu'ils ne sauront jamais à quel point.

Commentaires

1. Le samedi, 13 mars 2010, 17:14 par cultive ton jardin

"J'espère juste qu'ils ne sauront jamais à quel point."

Et trop orgueilleux?

2. Le samedi, 13 mars 2010, 19:19 par Tassin

Ouch... pourquoi tu nous sors un texte pareil?

3. Le samedi, 13 mars 2010, 19:25 par Bob

Quelqu'un que tu connais ? :)

4. Le dimanche, 14 mars 2010, 08:22 par Merome

Pure fiction pour la forme. Je ne sais même plus ce qui m'a inspiré. Ah si, peut-être une chanson de De Palmas.

5. Le dimanche, 14 mars 2010, 13:21 par agase

Tu ne voudrais pas aller travailler chez France télécom ?
Tu es mur
:)

6. Le lundi, 15 mars 2010, 00:13 par christ'M

pff aprés être revenue faire un tour sur le blog, je mets un commentaire sur un vieux post d'y a trois ans !! lol !
Bon je refais un tour sur fourmix.....pfff baah je m'en retourne aux royaumes !
23h56
Je quiite ma second life médiévalo- bizarroïde et reviens faire un tour ici , c'est vrai j'aime lire ce blog !!
trop marrant parfois , qui donne à reflechir ! comme si je reflechissais pas assez.....mais c'est cool aussi avec l'inspiration des autres !!
Bon ce soir , je tombe sur ce post , ça va il est pas rance de trois ans !
ben dis donc , elle est belle la pure fiction !!!
lol !
Arfff, entre la télé qui cause des derniers résultats des régionales et cette lecture ....je regarde autour de moi^^
Table basse avec aussi des traces de cul de cannette, un cockail qui a tourné au fond du verre, encore des cartons jamais déballés, un cendier plein qui pu à côté de moi , et la vaisselle qui attend dans l'évier !!
Noon !! tout ça n'est qu'un rêve ! loin d'une réalité qui ne serait touché des gens dont on se dit :
Putain il arrive à tout faire !!!
Arfff!!! bon moi je crois qu'il est tant parfois de lacher le clavier...... aller se glisser sous la couette en n'éteignant pas la lumière du couloir pour laisser passer un peu de lumière par la porte de la chambre de ses mouflets !!
Aller retrouver celle ou celui qu'on aime encore ou que parfois on voudrait pouvoir aimer un peu plus ....pis d'aller .....dormir ......
demain 6h30 le put''' de radio reveil va sonner sur un blabla de france inter juste histoire de nous relier à ce qui nous attend.....
Revenir au monde ....quel monde ...?
Bon aller je vais me coucher .....celà est une pure fiction où en est le début.........???
Heuuuu.........on est beaucoup comme ça.......

7. Le lundi, 15 mars 2010, 09:49 par Bob

Tôt ce matin, j'ai compris ce billet. J'avais sur mon ventre mon nouveau petit radiateur portatif, 4 kilos et demi, irradiant à poings fermés la digestion de son biberon nocturne. La télé montrait le défilé des politicards de tout bord faisant le bilan du scrutin de la veille, le son coupé compensé par une banderole en bas de l'écran faisant défiler quelques bribes et citations au milieu des résultats.

C'est là que j'ai compris. L'homme de ce billet, c'est moi. Mes vendredis à moi sont les soirs de scrutins. Mon ablum photo, c'est ma carte d'électeur. À chaque élection c'est plus fort que moi : je la sors, je la regarde, je sais que je vais me faire du mal mais j'y vais quand même.

Et après, pour me punir, je les regarde se glorifier de leurs résultats miteux, prétendant que La France A Parlé alors que plus de la moitié des inscrits ont préféré faire autre chose. Ça me donne envie de pleurer, de vomir, de pouvoir tirer dans la télé des coups de fusil qui remonteraient le faisceau satellite à l'envers et ressortiraient par les caméras et faire place nette de tous ces machins calcifiés jusqu'a la moëlle.

Quand je suis suffisamment éœuré, je coupe la boîte à cons. Les ronronnements de ma chaudière me ramènent heureusement à une réalité toute autre. Il est temps de retourner au lit. La vraie vie attend dehors.

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