Vivement la récré

Avec trois numéros scolarisés et une secrétaire particulière dans le métier, sans compter une vingtaine d'années passées sur les bancs d'école, j'ai un peu de légitimité pour parler de l'évolution du monde éducatif, telle que je la perçois.

La mode, c'est de dire que les gosses de maintenant ne savent plus rien faire. Incapables de faire une dictée sans faute, de compter sans calculatrice, nuls en culture générale... Il paraît même qu'il y en a, en CM2, qui ne connaissent pas encore les départements avec les préfectures et les sous-préfectures. Vous rendez-vous compte ?

Pour ce qui est de l'école primaire, pas mal de choses ont changé depuis trente ans, époque à laquelle j'y entrais (la vache, dis comme ça, ça fout la trouille). Année après année, on a ajouté des matières, ou insisté sur leur importance dès l'école primaire. Le sport, l'informatique, l'anglais, ... Personnellement, je n'ai commencé ces matières qu'au collège. Mes trois numéros ont bien de l'avance sur moi dans ce domaine.
Il y a d'autres exemples qui figurent au programme, mais qui ne sont pas réalisés la plupart du temps, faute de temps disponible : les premiers secours, l'introduction au code de la route...

Dans le même temps, les horaires ont été réduits, avec la suppression du samedi matin. Notez bien que je ne suis pas contre cette mesure qui me permet d'être réveillé par mes numéros à 7h30 le matin, au lieu d'être réveillé par le réveil à 7h35. C'est le luxe.
Mais comment faire entrer plus de matières dans moins de temps ?


L'actu en patates

La dérive que je crois constater, c'est qu'une partie du travail qui était auparavant fait à l'école est maintenant assurée par les parents qui ont/prennent le temps de le faire.
Par exemple, Numéro 1 copie (quand il pense à les ramener) ses leçons de français à la maison. L'accord du participe passé avec avoir, c'est une photocopie qu'il recopie à la maison. Vous souvenez-vous d'avoir copié une leçon à la maison, vous ? Moi, non. Les devoirs étaient réduits à leur plus simple expression. Un ou deux exercices et puis basta.
Il n'est pas rare que l'on passe deux heures, le soir, pour boucler les devoirs de tout le monde. Je ne sais pas si on s'y prend mal. Mais je pense qu'on demande beaucoup aux parents, faute de temps pour tout aborder en classe.

L'inconvénient de ce système, c'est qu'il est fortement inégalitaire.
Les parents qui n'ont pas des horaires adaptés, ou ceux qui n'ont pas forcément les compétences pour suivre la scolarité de leurs enfants sont largement pénalisés.
L'effet de bord pour les parents, c'est que c'est sur eux que retombe la responsabilité de la leçon mal comprise ou mal abordée. Et cela a tendance à déresponsabiliser les enfants. C'est nous qui échouons les évaluations, et bientôt nous, parents, qui allons redoubler.

Maintenant, je pense que tout le monde est de bonne foi, dans cette histoire. Les enseignants font ce qu'ils peuvent, le ministre essaie de faire évoluer l'école au rythme de la société (par exemple : c'est évident qu'il est nécessaire de faire de l'informatique aujourd'hui), les élèves et leurs parents s'adaptent...
Mais à un moment donné, il faut accepter les conséquences de tout cela. La baisse de niveau en français et en culture générale sont des effets directs de ces évolutions forcées.

Commentaires

1. Le lundi, 18 janvier 2010, 16:26 par cultive ton jardin

"les départements avec les préfectures et les sous-préfectures"
Mon grand père était capable d'en réciter la liste entière, sans une hésitation. Il en était très fier, et pensait qu'on ne nous apprenait, hélas, plus rien à l'école.

Déjà, à l'époque (années 50) et quoique élevés dans le respect des vieux, on pensait que le pépé radotait un peu. A quoi ça nous aurait servi, il suffisait de regarder le calendrier des postes.

Aujourd'hui, moi qui ai été nourrie de calcul mental, je termine les opérations avant la calculette de la vendeuse. Instruite par l'exemple de mon pépé, et contrairement à lui, je n'en tire aucune gloire. Les jeunes de maintenant savent bien des choses que je ne savais pas à leur âge et raisonnent plus juste que je ne le faisais.

Quant au niveau... Quand j'ai passé l'examen d'entrée en sixième (eh oui, mon bon monsieur, yavait un examen), on était trois sur une section de 15. Les douze autres ont passé le "certif" et sont allées direct chez Brun emballer les biscuits. Elles savaient généralement faire une addition, une multiplication, une division même, parfois une "règle de trois". Mais pas toujours. Je me souviens que la maîtresse des "grandes" se lamentait de les voir buter sur une simple soustraction.

2. Le lundi, 18 janvier 2010, 19:02 par Etheriel

J'ai pour ma part une vision totalement différente. Pour avoir eu entre les mains le "cahier du jour" de mon arrière grand père (début 1900), les dictées étaient plutôt corsées (et je doute qu'elles aient été préparées à l'avance...), et les problèmes "de baignoires qui se remplissent / de trains qui se croisent" donneraient, j'en suis sûr, bien du fil à retordre à notre chère nouvelle génération, qui utilisent principalement ses neurones pour taper sur la calculette de l'iphone ou "rédiger" des SMS illisibles. Et je ne parle pas des jeunes bac+5 qui, dans des documents publiés largement dans le cadre du travail, ne peuvent s'empêcher de truffer de fautes leurs proses... je ne suis pas un ayatollah de l'orthographe, mais quand je lis (par exemple) qu'il y a une "recrue d'essence" d'incidents, je reste circonspect quant au niveau de maîtrise de la langue maternelle...
Et pour finir, concernant "les jeunes raisonnent plus juste que je ne le faisais", il va falloir me donner des exemples...

3. Le jeudi, 30 décembre 2010, 12:09 par Aredius

"Et je ne parle pas des jeunes bac+5 qui, dans des documents publiés largement dans le cadre du travail, ne peuvent s'empêcher de truffer de fautes leurs proses... je ne suis pas un ayatollah de l'orthographe, mais quand je lis (par exemple) qu'il y a une "recrue d'essence" d'incidents, je reste circonspect quant au niveau de maîtrise de la langue maternelle..."

Quand les employés de base se révolteront-ils devant les écrits des pédants NAC sortis des écoles postérieures ? qui écrivent par exemple "un CV en bon uniforme".
Je connais une grande banque qui, suite aux réactions des gens de la base, paye une société de conseil, fort cher, pour relire ses textes. Laquelle société paye pas cher des instits pour faire le boulot.

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