Ou comment encourager les comportements sociaux douteux.

Un truc dont on parle finalement assez peu, c'est l'échelle des salaires, et sa pertinence. J'ai grandi dans une famille ouvrière où les gens étaient considérés comme déjà très aisés quand ils touchaient un salaire de 10.000 FF par mois. Mon tout premier salaire, il y a dix ans, était déjà au-delà de ça, et j'ai bien sûr évolué depuis. Et cette place presque usurpée, je ne la dois qu'à une seule chose : j'ai fait des études. Et encore, des études faciles et accessibles, pas de grandes écoles avec sélection drastique.
Bref, cinq ans d'efforts tout à fait mesurés après le bac, pour une vie professionnelle entière d'aisance relative, c'est donné. Je ne saurais trop conseiller aux jeunes de continuer leurs études aussi longtemps que possible, et dans la voie qui leur semble la plus facile et la plus intéressante pour eux.

Car aujourd'hui, l'échelle des salaires, telle que je la perçois de ma place est très distordue. Les emplois non qualifiés sont payés une misère et évoluent lentement, alors que les postes plus "importants" sont bien mieux payés dès le début et suivent une courbe de progression qui n'a rien à voir, comme s'il était nécessaire d'accentuer des inégalités de salaires déjà flagrantes.

Au-delà du salaire, c'est toute une série d'avantages qui arrivent avec les "responsabilités" (notez les guillemets). Les primes diverses, les voitures de fonctions, puis les invitations "d'affaire", les logements et tout ce qui peut éviter à ceux qui ont déjà le plus gros revenus de débourser un centime pour vivre.
Le revenu disponible est ainsi encore plus inégal selon les classes sociales. Impôts pris en compte.

Les différences de salaire s'expliquent, et je ne crois pas à une société où tout le monde gagnerait la même chose. Mais on peut légitimement se demander si de tels écarts sont justifiés et s'il ne serait pas plus judicieux, d'une façon globale, soit d'augmenter les revenus des plus pauvres, soit de réduire ceux des plus riches, soit les deux en même temps, pour gagner en efficacité.
La motivation du salaire permet sans doute, pour une part, aux travailleurs d'être efficaces. De la même manière qu'une récompense ou même une simple reconnaissance motive un enfant à finir ses devoirs (ou sa soupe !). Mais à partir d'un certain niveau, l'écart est tel qu'il devient une source de frustration. Le fossé qui sépare les uns des autres, et la difficulté pour passer d'un monde à l'autre deviennent tels, qu'ils agissent au contraire comme des freins à l'efficacité, et au bien-être social. Tout se passe comme si l'on souhaitait organiser la lutte des classes, alors qu'à mon sens, elle ne profite à personne.

Un autre effet pervers du système est d'encourager des comportements individuels qui vont à l'encontre des valeurs humaines. La plupart des dirigeants ont une vie de merde, et font un gros tas d'heures pendant lesquels ils oublient jusqu'aux prénoms de leurs gosses. Ce comportement là, cette façon de délaisser femme et enfants est encouragée par une récompense toujours plus importante.
Je me pose la question, sincèrement et d'une façon globale, pour la société française : ne serait-il pas plus souhaitable et rentable d'avoir deux personnes qui font 40 heures, plutôt qu'une seule qui en fait 70 et payée deux fois plus ? Combien de divorces évités ? Quel impact sur le climat social si d'un coup le PDG d'une entreprise ne touche plus que 5 fois le SMIC au lieu de 10 ? Combien d'enfants sauvés de l'échec scolaire grâce à papa et maman à l'heure pour faire les devoirs ? Combien de suicides en moins ? Combien de dépressions à décompter du trou de la Sécu ? Combien d'erreurs dues à la fatigue évitées ? Combien d'accident de la route en moins en sortant du bureau à 21h ?

Mais qui peut changer une échelle qui s'est constituée sur une base floue depuis la nuit des temps ?

Commentaires

1. Le lundi, 1 juin 2009, 22:18 par Arnaud

Mettons un peu de polémique !

Autant je suis assez d'accord avec certaines de tes questions en fin d'articles. Je les trouve pour certaines pertinentes.

Autant je trouve ton analyse sur les études et sur la correspondance avec l'échelle des salaires un peu surfaite. IL faudrait un peu que tu sortes de la fonction publique ou ce que tu dis est vrai et encore.

Dans le secteur privé, ce n'est pas toujours le cas. J'ai pour ma part, après 5 années d'école dont deux préparatoire que je ne recommande à personne plus 1 année de fac supplémentaire en sortant de l'armée, commencé ma vie professionnelle au smic.
IL m'a fallut 8 ans d'ancienneté pour arriver au 10 000 F comme tu dis ! Et pourtant, j'avais un boulot de cadre, et des techniciens avec l'ancienneté gagnaient bien plus que moi.
Donc il faut parfois éviter de généraliser.

Pour ma part, je trouve effectivement qu'un grand nombre d'avantage viennent surtout brouiller les cartes entre le pauvre gars qui va aller à la chaine ses "35" heures par semaine et le cadre qui va avoir pleins d'avantages à côté et qui va travailler "70" heures. (j'ai mis des guillemets car je pense que l'on pourrait aussi raisonner sur le travail effectif? efficace ?)
Sinon, je conseillerais aux jeunes de faire surtout ce qu'ils leur plait car ensuite, le travail que l'on va faire, c'est pour un bon moment. Donc autant se faire plaisir et je pense que cela peut valoir tout l'or du monde !

2. Le mardi, 2 juin 2009, 08:20 par Merome
Arnaud : j'ai bien dit "l'échelle des salaires, telle que je la perçois de ma place". Et puis moi, j'aime pas trop les articles polémiques. Ton commentaire me choque.
3. Le mardi, 2 juin 2009, 09:26 par Arnaud

tant mieux !

4. Le mardi, 2 juin 2009, 10:11 par Marzi

"cinq ans d'efforts tout à fait mesurés après le bac" => tss, tout ca parce que tu as bien choisi tes binomes successifs :)

"Combien d'accident de la route en moins en sortant du bureau à 21h ?" => ah oui, mais ca limite la taille des bouchons à 17h :)

5. Le mardi, 2 juin 2009, 10:27 par galunto

Franchement, c'est très naïf de croire qu'il suffit de continuer les études le plus longtemps possible pour avoir un accès aisé au monde du travail. Combien de bac +5 en rade aujourd'hui ? Et même parmi ceux qui travaillent, combien sont ceux qui ont pu éviter le déclassement ?

Bon, ceci dit, et pour rejoindre Arnaud, la fin du post est plus pertinente que le début. En ce qui me concerne, je n'arrive pas à comprendre les cadres qui sont prêt à échanger encore un peu plus de leur temps libre contre encore un peu plus d'argent. Je ne les comprends pas, mais je ne les plains pas non plus ; ce sont des victimes consentantes, qui raisonnent à courte vue, sans penser à toutes les conséquences fâcheuses qu'un accroissement de leur temps de travail aura sur leur vie personnelle. Pour répondre à Arnaud, sur la fin de son commentaire, les 35 heures ne sont pas un "avantage" que l'ouvrier aurait sur le cadre en contrepartie d'un salaire moins élevé : les 35 heures hebdomadaires, c'est tout simplement la durée légale du travail, à savoir une norme à respecter, qui a été le fruit d'une volonté politique. Toute dépassement de ces 35 heures est à considérer comme une anomalie.

6. Le mardi, 2 juin 2009, 14:33 par Merome
galunto : je ne crois pas avoir dit "un accès aisé au monde du travail". Je parlais d'aisance financière, quand on a trouvé un job. Pas de la facilité de trouver un boulot.
Cela dit "Les diplômes n'empêchent pas d'être chomeurs", c'est une légende urbaine. L'étude INSEE qui en parle.

Plus on a fait d'études, moins on est chômeur.
7. Le mercredi, 3 juin 2009, 00:55 par Stef

Je rejoins tout a fait ton avis, surtout la 1ere partie, (même si c'est un peu résumé). Il me semblerait logique de valoriser un peu plus le travail, quel qu'il soit, et de plafonner les salaires a un certain niveau, juste avant d'atteindre l'indécence qu'on voit quelque fois...

Pour la suite, nous avons là aussi fait notre choix : nous (ma femme et moi) avons la chance de pouvoir gagner tres bien notre vie avec des horaires "normaux" (un grosso-modo 35h, rarement plus). Il nous serait possible de gagner encore plus (en travaillant plus) mais nous n'y voyons qu'une perte de qualité de vie. Quel intéret d'avoir de l'argent qu'on aurait pas le temps de dépenser ?
J'ai conscience que ce choix confortable (et la situation qui l'est aussi) n'est pas possible pour tout le monde et sais apprécier ma chance. (réussite ?)

8. Le mercredi, 3 juin 2009, 08:14 par Merome
Stef : C'est donc pour ça que ma pharmacie est toujours fermée : les pharmaciens sont des gros fainéants pétés de tunes :)
9. Le mercredi, 3 juin 2009, 10:59 par Stef

Mais non , c'était juste le mois de mai et ses xx jours fériés... :)

(ouvert du lundi au samedi chez moi, t'as qu'a venir jusque la ! ^^)

10. Le mercredi, 3 juin 2009, 14:15 par Don

C'est peut-être pour ca que tout le monde voudrait être fonctionnaire :)
Et ca, ce n'est pas une légende urbaine.
Travailler moins et gagner plus c'est possible: lachez votre PME et devenez fonctionnaire :).
Malheureusement, les places sont chères...

11. Le jeudi, 11 juin 2009, 10:29 par clo

Stef: -->reste à savoir ce qu'on considère gagner trés bien sa vie ;-)
Certains ne seront jamais satisfaits de leur salaire, dautres trouvent que c'est déjà pas mal!
Avec mon mari nous avons, aprés 5 ans d'études dont 2 de prépa eu la chance trouver facilement du travail. Nous sommes satisfaits de la qualité de vie que nous avons. Et c'est bien là le principal je crois! Clairement notre diplome pourrait nous permettre de gagner plus (en travaillant plus ou ailleurs qu'en province) reste à savoir pour quoi faire (si on ne fait que travailler finalement on n'a pas besoin de bcp d'argent... plus le temps de pratiquer moults loisirs couteux ;-)

12. Le jeudi, 11 juin 2009, 22:27 par Stef

Je dis "tres bien" parce que c'est largement au-dessus de la moyenne d'un ménage moyen français.
Mais nous sommes d'accord sur le "commençons par dépenser ce qu'on gagne avant de penser a travailler plus" ! :)

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