Ce matin j'imagine un dessin sans nuage (c)

Quentin se réveille, il est 8h30. Depuis que des chercheurs ont démontré le lien entre santé et respect des cycles de sommeil, plus personne n'utilise de réveil-matin.
Il déjeune de produits locaux et de fruits de saison qui exhalent une odeur appétissante et fraîche, propice au réveil calme et serein. Les premiers rayons du soleil parviennent jusqu'au fond de sa cuisine qui a été conçue, comme le reste de sa maison, pour s'adapter au rythme des saisons : des ouvertures larges au sud pour capter même le soleil bas d'hiver, tout en se protégeant du violent soleil d'été grâce à des stores horizontaux ; très peu de fenêtres au nord, par contre, pour se protéger des vents glaciaux qui sont d'ailleurs déjà brisés par un rempart de résineux judicieusement placés. Des arbres fruitiers et différents feuillus sont placés intelligemment autour de la maison de manière à apporter fraicheur et saveur sucrée.

Ce matin, comme il fait beau, il décide de se rendre à son travail en bicyclette, c'est plus agréable, surtout depuis que la grande piste cyclable bordé d'arbres centenaires a été refaite. Pour parcourir les 10 km qui le sépare de son lieu de travail, il met dix minutes de moins en vélo qu'en voiture.
Hier, il y avait trop de vent, il avait donc choisi de prendre le bus, qui lui aussi bénéficie d'une voie réservée lui permettant de gagner de précieuses minutes sur le même trajet en voiture.
Il préfère néanmoins le vélo, quand les conditions sont bonnes, parce que son employeur octroie un "crédit-temps" d'une heure par jour pour ceux qui viennent au travail en deux-roues, non motorisé. Il faut dire que de cette manière, l'entreprise n'a pas eu besoin de prévoir un parking pour ses employés, et a pu réduire son bilan-carbone de moitié.

Quentin est cadre dans une fabrique de vélo, ça ne s'invente pas, son entreprise possède le label "équitable", qui garantit un partage raisonnable des bénéfices et mêmes des salaires. Cela ne signifie pas que les salaires sont tous égaux, mais simplement que l'écart entre le plus bas et le plus haut des salaires est plafonné. Grâce à ce label, l'entreprise bénéficie d'une aide de l'Etat conséquente, qui lui permet d'être très compétitive, même vis à vis de la main d'œuvre étrangère.
La fabrique de vélo se fournit exclusivement auprès de fournisseurs locaux, ce qui la rend totalement indépendante des coûts de transport, et notamment de la fluctuation du cours du pétrole.

En arrivant devant l'usine, Quentin aperçoit quelques collègues qui laissent leurs enfants en bas-âge à la crèche interne à l'entreprise. À chaque pause, les parents peuvent rendre visite à leur progéniture et s'assurer que tout se passe bien, le temps d'un câlin régénérateur. La productivité de l'entreprise a enregistré une hausse significative depuis que la crèche a ouvert ses portes : les parents-employés n'hésitent plus à rester 10 minutes de plus pour finir leur travail en cours, et la santé physique et mentale des enfants et des parents est devenue plus solide.

A midi, Quentin se rend à la Cantine Inter-Entreprises Bio (CIEB) qui se trouve à cinq minutes, à pied. Il y découvre régulièrement des légumes oubliés (des panais, des topinambours, des rutabagas, ...) cuisinés avec un talent indéniable. Ils sont cultivés à quelques centaines de mètres de là, dans un jardin du réseau Cocagne (des jardins maraîchers biologiques à vocation d'insertion sociale et professionnelle). La livraison se fait chaque jour, par charrette tirée par deux chevaux. Si bien que les légumes que Quentin mange le midi étaient encore en terre le matin même.

Une partie du temps de travail est consacrée aux relations entre équipes. En général, au retour de la cantine, et pendant une petite heure, les employés sont invités à partager un moment de convivialité. Autour d'un café, d'un jeu de société ou d'un instrument de musique, des liens se créent entre les employés de toute catégorie sociale, permettant l'émergence d'une ambiance de travail tout à fait exceptionnelle.

Profitant de son crédit-temps, Quentin peut rentrer à l'heure pour chercher ses enfants à l'école primaire. Après un copieux quatre heure, il les aide à faire leurs devoirs, qui sont très légers, car le rythme de travail des enfants a lui aussi été revu et adapté à leurs capacités réelles.

Une fois par semaine, Quentin se rend avec son épouse et ses enfants dans la maison communale pour débattre des sujets de société qui donneront lieu à un vote par internet en fin de semaine. Il confie ses enfants à des personnes compétentes qui se chargent de leur faire pratiquer quelques activités d'éveil, et peut, en toute tranquillité, s'informer des dernières décisions politiques et confronter son avis avec celui des autres.

Il n'y a plus d'élus et la démocratie ne s'en porte que mieux. Les citoyens sont tous égaux pour décider des nouvelles lois. La participation au scrutin n'a jamais été aussi élevée, et l'intérêt des gens pour la chose politique est de plus en plus prononcé.

Pour se divertir, Quentin écoute beaucoup de musique. Le téléchargement des œuvres musicales sur internet est possible à un prix dérisoire. Les artistes sont aujourd'hui tous indépendants et la majorité de leurs revenus provient des spectacles qu'ils organisent jusque dans les plus petits villages.

Après le repas du soir, lorsque ses enfants sont couchés, il prend un livre ou sa guitare, pour le plus grand plaisir de son épouse qui le regarde dans l'ombre d'un feu de bois.
Il s'endort, paisible, en pensant aux vacances qu'il va offrir à sa famille, à l'autre bout de la France, où ils se rendront en train cet été.

Commentaires

1. Le samedi, 18 avril 2009, 17:39 par ElDiablo

Pas mal, il n'y a que le dernier paragraphe qui tombe un peu dans le cliché macho du patriarche années 60.

Autre point à creuser, le fait qu'on travaille au final encore moins : à mon avis, ça sera le contraire, beaucoup plus de travail, notamment musculaire. Donc dans l'histoire, j'aurai bien vu le héros passer 1 heure ou 2 à travailler en plus dans le jardin collectif pour fournir un peu de sa force musculaire...

2. Le samedi, 18 avril 2009, 17:46 par Fil

Du bleu, du rouge, je me sens sage comme une image...

Merome qui cite Ilona Mitrecey, moi je suis fan \o/

3. Le dimanche, 19 avril 2009, 11:49 par Pierre

Salut,

Envoie ton Cv à Google...et le lien de cet article à mosco...

PS: faudrait mettre un peu d'huile à la chaine du vélo de Numéro 1...:-)

4. Le dimanche, 19 avril 2009, 21:25 par 100

Bonjour Mérome,


Comme le réveil a du être dur ...

++

5. Le lundi, 20 avril 2009, 09:39 par Odile

Bonjour Mérome,

Il manque un élément dans la vie idyllique que vous décrivez, mais il est de taille : c'est la mort.

En effet chacun sait que la mort fait partie de la vie, et que si d'aventure quelque savant fou parvenait à nous rendre immortels, ce serait tout simplement la fin du monde.

Alors, de quoi meurt-on dans votre monde dépollué et dé-stressé ? J'ai ma petite idée, corrigez-moi si je me trompe. J'ai l'impression qu'on y meurt d'ennui...

6. Le lundi, 20 avril 2009, 11:04 par Merome
Odile : curieux commentaire. Dois-je comprendre que la pollution et le stress font le charme et l'intérêt de votre vie actuelle ?
7. Le lundi, 20 avril 2009, 14:29 par Odile

Non, pas du tout, il faut dire que j'ai le privilège d'avoir une vie plutôt exempte de l'un comme de l'autre. Seulement, l'ennui me guette parfois... et me fait poster des messages qui peuvent dépasser ma pensée. Pardon si mon commentaire vous a heurté, j'essaierai d'être plus prudente une autre fois.

8. Le mardi, 21 avril 2009, 08:30 par Merome
Odile : heurté ? non. Surpris, oui. Mais bon j'ai l'habitude, j'ai des champions de la rhétorique et de l'esprit de contradiction qui hantent le blog :)

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