Jean-Jacques Goldman - Les années Warner - Lætitia

Après quelques semaines d'hibernation totale, je reviens avec une vieillerie sans nom, à côté de laquelle vous ne pouvez pas passer. J'ai déjà dit ou laissé entendre plusieurs fois dans ces colonnes mon admiration sans borne pour cet auteur-compositeur-interprète qui a fait un peu plus que m'apporter du bonheur musical. Par certaines facettes de sa personnalité, il a quelque part construit la mienne. Cela méritait bien que j'y consacre un nouvel article "Face B", le dernier datait d'avril 2006.

Je vais donc vous parler aujourd'hui de Lætitia, un titre sorti en 1978, alors que Goldman n'était encore qu'un membre parmi d'autres du groupe Taï Phong, qui faisait du rock progressif et dont le single le plus connu reste Sister Jane. Tous ceux qui s'intéressent un petit peu à Goldman savent qu'il faisait partie de ce groupe avant d'avoir une carrière solo. Ceux qui s'intéressent beaucoup à Goldman, n'ignorent pas qu'à cette époque, il se faisait déjà les dents pour une carrière solo en parallèle, et c'était un fiasco. Trois quarante-cinq tours sortent entre 1976 et 1978, et restent parfaitement méconnus du grand public. "Lætitia" est la face B de l'un de ses quarante-cinq tours foirés, c'est vous dire si je suis allé le chercher loin dans les déchets goldmanien. Et ben figurez-vous que moi je l'adore cette chanson.

On y entend un JJG avec une voix suraiguë, presque chevrotante, décrire la vie d'un anonyme bougre un peu bêta qui se trouve en déphasage complet avec la société qui l'entoure. Autant dire que je me suis identifié tout de suite. C'était moi.
J'ai toujours eu un faible pour les chansons naïves, mais qui racontent joliment une histoire simple. Etudions les paroles de plus près :

Et quand les soirs d'hiver je rentrais chez moi
J'aimais bien le son de la neige sous mes pas
Je voyais la lumière de la chambre de loin
Tu me crois pas mais le froid je le sentais moins

L'ambiance est posée d'emblée, cet homme est un romantique. J'adhère.

ça pouvait être, tu sais, ces soirs de cafard
Des journées qu'on oublierait bien, des journées noires
Mais je voyais la lumière de chez nous de loin
Et j'oubliais un peu et je me sentais bien

Romantique et blasé, incompris.

J'avais Lætitia, J'avais Lætitia, J'avais Lætitia
Je l'avais près de moi
J'avais Lætitia, J'avais Lætitia, J'avais Lætitia
Je l'avais près de moi

Le refrain, d'une naïveté touchante. Donc, la fille, elle s'appelle Lætitia, vous l'avez compris.

Je suis pas bien malin on me l'a répété
Depuis toujours j'ai préféré plutôt rêver
Chez moi on ne pardonne pas d'être fragile
ça ne se faisait pas d'être aussi malhabile

Au bureau aussi ils se moquent tous de moi
Tu comprends, je fais pas les choses comme il se doit
J'aime pas leurs blagues idiotes et puis je ne bois pas
Mais quand je rentrais les nerfs à bout tant de fois

Rêveur, idiot, sensible, et sobre. C'est tout moi, ça. Mais je suis certain que beaucoup de monde peut s'identifier à cette description, et quelques années plus tard, c'est ce que tout le monde faisait avec la Goldmania des années 80. Le chanteur a toujours été très simple, très proche des gens. Et c'est ce qui lui a valu ce succès.
D'ailleurs, les maisons de disque, pas folles, en 1984, elles ressortent un album avec les 45 tours ratés dessus, "Les années Warner" qu'elles appellent ça. Et les imbéciles comme moi, ils l'achètent et ils trouvent ça bien.

J'avais Lætitia, J'avais Lætitia, J'avais Lætitia
Je l'avais près de moi
J'avais Lætitia, J'avais Lætitia, J'avais Lætitia
Je l'avais près de moi

Six jours déjà que j'attends ici dans le noir
Lætitia est partie, c'était vendredi soir
Elle a laissé un mot "Adieu, oublie-moi"
Et je ne comprends pas et je guette ses pas

J'ai briqué la maison pour qu'elle ne trouve pas
Le désordre et la poussière quand elle rentrera
De peur de la manquer j'ai pas osé sortir
J'ai la tête qui tourne, parfois j'entends son rire

Et j'attends Lætitia, J'attends Lætitia, J'attends Lætitia
Depuis si longtemps déjà
J'attends Lætitia, J'attends Lætitia, J'attends Lætitia
Lætitia qui ne vient pas

Et là, c'est le drame, l'incompris chronique se fait larguer sauvagement par l'amour de sa vie. Trahison. Malheur suprême. Tristesse. On sent l'homme au bord du gouffre, la chanson se termine sans que l'on sache s'il en réchappe. C'est beau. J'aime les chansons naïves ... et tristes. Elles me permettent de relativiser mon propre sort.

Baissez le son, ou coupez-le, même, je vous ai fait ma version de la chanson enregistrée à la va vite sur le micro de ma pauvre webcam avec le magnétophone Windows (qui coupe au bout de 60s, une plaie, d'ailleurs il manque un bout à la fin !). Vous n'êtes pas obligé de cliquer sur "Play" :


En 1995, j'ai eu ma première adresse email, à l'université. Mon premier accès à internet, dont on abusait pendant les TP. Une de mes premières recherches dans Altavista, le moteur de recherche à la mode de l'époque, c'était pour Goldman. Je me souviens qu'une seule page perso en parlait à ce moment là, sur un site nordique (suédois ?) ou un français s'était sans doute expatrié. Un autre francophone non métropolitain était allé plus loin : Jean-François Picard, de son lointain Canada, avait créé une liste de discussion dédiée à l'artiste. Il a appelé la liste "Là-bas". Je m'y suis inscrit, nous étions une poignée, une quinzaine peut-être, au début, on apprenait tout doucement à débattre sur internet, à respecter (ou pas !) l'avis des autres sur telle ou telle chanson. L'interprétation des phrases obscures de tel refrain. Certains membres de cette liste se sont rencontrés, se sont liés d'amitié, se sont mariés même.
C'est aussi à travers cette liste de discussion que j'ai fait mes premiers pas sur IRC, sur le canal #la-bas, comme il se doit.
Jean-Michel Fontaine, un autre la-basien hyper actif a commencé à jeter les bases de ce qui allait devenir la bible de Goldman sur internet : le site parler de sa vie, qui recense un nombre impressionnant d'interviews et de documents sur le chanteur. Une référence.

Revenons à nos moutons. Goldman a mis sa carrière entre parenthèses pour s'occuper de sa famille. Le 17 novembre 2008, un coffret de ses cinq premiers vinyls était réédité. Mais rien de bien neuf à en tirer. La variété française est toujours désespérément vide sans lui...

Commentaires

1. Le mercredi, 3 décembre 2008, 11:32 par Greg

Bonjour Merome, je tombe sur ton blog par hasard en faisant une recherche sur Google et en lisant ce post, je me dis : whoua un pionner de la liste là-bas (je n'avais pas regardé ta signature encore) ! Et ensuite, ha mais oui Merome, je me rappelle ! Je suis pour ma part arrivé plus en tard, 1998 sur la liste et je postais mes retranscription de guitare, peux-être te rappelles tu ?
A bientôt, Greg

2. Le mercredi, 3 décembre 2008, 12:18 par JFPicard

Oui, Greg, je me rapelle. :D Je me rapelle aussi des explosions de la liste parce que Goldman avait sorti un album. J'avais d'ailleur du me trouver un accès internet en catastrophe lors de ma seule visite à Paris à cause justement de l'actualité Goldman. Maintenant, c'est très calme. J'espère que Goldman va sortir un album bientôt.

Jean-Francois.

3. Le mercredi, 3 décembre 2008, 13:30 par Greg

Ça alors, Jean-François, mais c'est un repère d'anciens labasiens ici ou quoi ?!!??
Toujours au Québec ? Toujours gestionnaire de la liste ?
On attends tous un nouveau, même si pour ma part j'affiche un certain pessimisme ;)

4. Le mercredi, 3 décembre 2008, 14:07 par Merome
Oui, Greg, il doit y avoir encore des partoches avec ton nom qui traînent dans mes répertoires...
5. Le mercredi, 3 décembre 2008, 18:52 par toscane

incroyable!!!! j ai 51 ans je suis jjgoldman depuis toujours et je ne connaissais pas cette chanson ( en plus bien chante!!)

6. Le mercredi, 3 décembre 2008, 20:47 par Merome
toscane : Dans ce cas, il vous faut écouter également Les nuits de solitudes, Back to the city again, C'est pas grave papa, Jour bizarre et Tu m'as dit. Toutes méritent au moins d'être entendues par quelqu'un qui apprécient l'artiste...
7. Le mercredi, 3 décembre 2008, 23:59 par JFPicard

La liste a changé vers Google groups maintenant. Elle existe, mais elle est vide; pas beaucoup d'actualités présentement sur JJG :D

8. Le jeudi, 4 décembre 2008, 17:42 par toscane

je connais pourtant toutes les chansons de jjg , j ai tous ses albums et les livres ecris sur lui : mais celle ci elle est super bien !!!

9. Le vendredi, 5 décembre 2008, 17:25 par jogger

j'écoute JJG depuis peu, par rapport à vous tous,plusieurs de ces chansons sont poignantes tel que; je voudrais vous revoir; le coureur; nuit; et bien d'autre,,, que j'écoute bien souvent en boucle, on m'a offert son dvd de un tour ensemble," merci Toscane " j'aurai aimé le voir a ce concert, BRAVO ,l'Artiste

10. Le dimanche, 7 décembre 2008, 20:17 par toscane

hum jogger ; heureusement que je t ai fais connaitre jjgoldman!!

11. Le lundi, 8 décembre 2008, 13:41 par elgines

Merci pour ce bel article, j'avais oublié l'existance de cette chanson, c'est vrai qu'elle est belle! (et bien chantée)
moi j'ai intégré labas en 98! ça date pas d'hier et c'est vrai que l'on peut y faire de belle rencontre!

12. Le mardi, 9 décembre 2008, 16:15 par ANNY

Vraiment je suis très touchée par cette remarque d'ailleurs très bien expliquée sur la chanson "Laëtitia" que j'aime tant! C'était le temps du Goldman que je préférais (presque), ne parlons pas de la période "Thaï Phong" grâce à laquelle -bien sûr- sur "Sister Jane" j'ai craqué à vie pour cette si belle voix! Ca me touche tant de voir que l'on peut craquer sur les mêmes périodes que moi.....

13. Le vendredi, 30 janvier 2009, 07:39 par Jean-Michel Fontaine

Moi aussi je suis encore vivant. :-) Ma vie professionnelle et ma vie privée ne me permettent plus de m'occuper autant de "Parler d'sa vie" qu'auparavant, mais j'ai commencé à former mon fils aîné Raphaël (bientôt quatre ans) au PHP, j'ai bon espoir qu'il prendra la suite d'ici quelques mois. ;-)

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