"Un jour, il s'est mis à pleuvoir..." (Forrest Gump)

Lorraine, un de ces quatre printemps

Parti à pied pour l'aïkido. Pas fait deux cents mètres que le ciel se déchaîne. Tant pis, trop tard pour remonter prendre un parapluie. De toute façon je suis déjà trempé, et il est probable que le vent aurait vite fait de me le retourner. Un pâté de maisons plus loin, la pluie redouble d'intensité. Et encore, au carrefour suivant – on n'aurait pas cru ça possible. Pour le haut, ça va : je suis à l'abri sous mon coupe-vent. Par contre pour le bas, c'est râpé : toute l'eau qui n'a pas trouvé prise en haut finit bien par arriver quelque part. Pantalon dégoulinant, chaussures noyées. Plus un centimètre de sec sous la ceinture. Mais mouillé pour mouillé, il n'y a plus qu'à avancer. Vingt minutes sous les cordes. Dans le parc, les allées sablonneuses sont aux trois quarts mangées par de larges flaques. Le toboggan vide ruisselle tant qu'il peut. La capuche qui goutte sur mon nez. Enfin, la porte du dojo. Étendre les affaires, même si ça ne servira sans doute pas à grand-chose. Judicieusement protégé sous plastique, mon matériel est à peu près sec, c'est déjà ça de pris. Au moins maintenant je suis bien réveillé pour attaquer le cours du matin.

Guadeloupe, il y a deux ans et demi

Balade sur les falaises de la côte. C'est en voyant les premiers nuages que l'on se prend à douter de la combinaison bermuda – T-shirt – sandales prévue pour la journée. Les autres sortent coupe-vents et capes de pluie sous le regard amusé des guides, juste avant que la douche tombe. Premières gouttes. On grimace un peu par réflexe, mais en fait la pluie est tiède, presque chaude. À peine le temps de se retrouver à dégouliner et l'averse fait de nouveau place au soleil. Les guides avaient bien raison de ne pas s'en faire : on sèche en moins de cinq minutes pendant que les autres marcheurs commencent à étuver doucement sous leurs imperméables. On peut voir les nuages se masser au large, le grain suivant qui progresse vers nous à vue d'œil, mais cette fois on sait à quoi s'en tenir. Une nouvelle fois, cinq minutes de douche, quinze de soleil. Les averses se succèdent au même rythme tout au long de la matinée, et chacune nous amuse un peu plus. Quand d'aventure il pleut un peu plus fort, on fait mine de s'abriter un instant sous un bosquet d'arbustes, et puis on se remet en marche sous les gouttes en rigolant à gorge déployée.

Lorraine, hier soir

Il avait fait lourd toute la journée. Un soleil qui plane au-dessus d'un tapis de nuages sombres. Atmosphère moite et pesante d'un ciel paresseux, qui se fait menaçant pour faire preuve de bonne volonté, mais sans y mettre une réelle conviction. C'est alors que le centre-ville commençait à se vider que les premières gouttes ont enfin commencé à parsemer les trottoirs. Mais visiblement le cœur n'y est pas : au lieu de la drache tant espérée, celle qui aurait ramené un peu de fraîcheur, c'est juste un maigre crachin de fin d'après-midi, dont la moitié au moins est séchée avant même de toucher terre par le soleil qui perce le plafond gris. Même pas de quoi rentrer son linge. Il faut croire que pour le ciel aussi c'est la fin de la semaine, trop fatigué pour faire encore des efforts. Mais au bout du compte, on trouve quand même bienvenues ces éclaboussures qui estompent la chaleur dégagée par la marche, alors que l'on s'éloigne de la foule et des rues commerçantes. Bientôt, l'odeur du bitume chaud et humide monte du sol et engloutit la tombée du jour.

Guadeloupe, deux jours plus tard

Des cordes, épaisses, tressées de grosses gouttes bien grasses, qui tombent sans discontinuer depuis le lever du jour. Ciel bas et couvert. Il n'est plus question des giboulées de l'avant-veille : ce coup-ci c'est parti pour durer la matinée. La randonnée du jour tombe – c'est le cas de le dire – à l'eau : hors de question de traverser une rivière par ce temps. On peut quand même aller voir l'une des trois chutes d'eau du parcours. La moitié du groupe préfère rester à l'abri dans le mini-bus. Faire six mille kilomètres pour rester dans une boîte de conserve ? Drôle d'idée. De toute façon on est déjà trempés d'avoir simplement mis le nez dehors, alors pourquoi faire les choses à moitié ? Une fois sous le couvert de la forêt, les arbres géants retardent l'essentiel du déluge et le redistribuent par petites rigoles depuis leurs larges feuilles d'un vert intense. Les sons de la pluie se fondent peu à peu dans ceux du torrent tout proche. Quelques minutes plus tard, nous sommes au pied de la chute, majestueuse, puissante et continuellement renforcée par l'averse. À sec, ça n'aurait probablement pas été aussi grandiose.

Lorraine, automne dernier

Celui-là, on a eu le temps de le voir arriver. Une énorme masse de coton noirâtre, qui s'avance et grossit en tournant sur elle-même. On a vu des effets spéciaux bien moins réussis que ça. Il est quinze heures mais il fait déjà nuit. Au loin sur le plateau, on voit en avant-première le déluge d'ampleur biblique qui va bientôt nous tomber sur le nez. De grandes bourrasques de vent font plier les antennes de télé sur les toits et agitent les frondaisons du parc voisin. Deux portes qui claquent, on se dépêche de fermer les fenêtres. Le plateau a bientôt disparu derrière un rideau opaque qui progresse vers nous à vue d'œil en avalant la ville mètre par mètre. En bas, quelques piétons se pressent dans l'espoir futile d'échapper à l'orage, mais il est trop tard : le temps de le dire, et on est dessous. Visibilité nulle des deux côtés de l'appartement. Vacarme de la pluie contre les vitres, bientôt remplacé par celui de la grêle, qui nous fait fermer les volets. Bougies, plaid et chocolats chauds. Cette pluie-là s'apprécie mieux de l'intérieur.

Ailleurs, demain ou un autre jour

Qu'il pleuve : on trouvera bien quelque chose à en faire.

Commentaires

1. Le samedi, 9 août 2008, 19:00 par Merome
On voudrait savoir éviter la pluie
Entre les gouttes se glisser
Deux, trois nuages et l'on court à l'abri
On n'aime pas trop se mouiller

(...)

Faudrait pas s'éloigner, rester dans son coin
Une averse et l'on risque d'être surpris
Pas de jolie vie, de joli chemin
Si l'on craint la pluie

(...)

Autant apprendre à marcher sous la pluie
Le visage offert
Le visage offert

http://www.deezer.com/track/596861

C'est ce que je me chante quand je me prends un bel orage sur mon vélo :/
2. Le samedi, 9 août 2008, 19:03 par Merome
Et j'ajoute : http://www.deezer.com/track/897749
3. Le mardi, 12 août 2008, 02:10 par Filou

L'occasion est trop tentante : www.deezer.com/track/1108...

Une chanson à la mélodie aussi précise que la trajectoire de la goutte de pluie qui vient de quelques milliers de mètres d'altitude et qui finit... dans mon oeil. Comme un bon pied-de-nez à toutes ces gouttes de collyres qui n'ont jamais voulu y aller.

4. Le mardi, 12 août 2008, 17:07 par Jack

J'ajouterai
www.deezer.com/track/1888...

5. Le mardi, 19 août 2008, 21:30 par Torg

J'aime bien la pluie, mais pas n'importe quand.
Plusieurs anecdotes.
La plus nostalgique.
Dans les Vosges, dans les villages, la pluie a une odeur qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Celle de la campagne, l'odeur de pluie sur la route chauffée par le soleil estival, qu'on ne peut pas retrouver en vile, polluée inexorablement.
La plus tempétueuse. (tiens en écoutant Brel et ses gouttes de pluie venues de pays ou il ne pleut pas :) )
Une fois, en revenant du boulot, a Nancy, avec un copain, et ma copine (devenue femme). Vers 17 heures. Une de ces averses d'ete, incroyable, qui vient comme l'orage en montagne. Le nuage, gros. La pluie faible puis forte assez vite. Moi, sur mon velo, mes compatriotes, a pied. La pluie qui redouble d'intensite. Et puis moi de dire "ouais, allez-y encore un peu" comme pour braver les elements, en repensant au lieutenant Dan, de Forrest Gump, en haut de son crevettier. Et la pluie, de nous tremper jusqu'au os, tous les trois. On avait fini par s'abriter sous une entree d'HLM, celles des annees 70, avec juste une avancee de deux metres sur le chemin qui mene a la porte.
Arrives a la maison, j'avais prete des serviettes a tout le monde.
La plus bruntrutaine.
Pas plus tard qu;aujourd'hui. J'avais le temps ce matin de faire les courses, mais ma femme et mes enfants peuvent aussi aller les faire il fait une matinee magnifiquement ensoleillee. Jusqu'a 16 heures, heure a laquelle les enfants dorment encore, et donc trop tot pour sortir faire des commissions. Alors on les attend, et il pleut. Bien sur ma femme ne veut plus sortir en ville sous la pluie, et encore moins avec les enfants. Comme la goutte de pluie , le fait de devoir sortir sous elle me pend au nez.
La difference, c'est que la je dois aller sous elle, alors que j'aime bien la pluie lorsque c'est elle qui vient sur moi.. Un peu comme avec les femmes :)

6. Le mardi, 19 août 2008, 21:59 par Merome
rhôôô ! je suis outré...
7. Le mercredi, 20 août 2008, 13:47 par Don

De mémoire pour la chanson de Goldman, mérome, je suis pas certains qu'il parle de météo ;)
Mais je me doute que tu le sais déjà... :)

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/469