Ils sont partout depuis quelques temps.

Vous les connaissez forcément : lui vend des dessins, il vient juste de sortir de prison, même si en fait il y a bien dix ans que vous le voyez toujours en train d’essayer de refourguer ses mauvaises photocopies sur la place du marché. Celui-là a juste besoin d’exactement 3 euros 67 pour avoir de quoi acheter son billet de train et rejoindre sa pauvre mère malade, mais même 50 centimes ça l’avancerait – il pourrait quand même être un peu plus prévoyant : il était déjà dans le même cas il y a trois jours, et aussi la semaine dernière... Les trois jeunes, ils vendent des barres de nougat pour financer une fête dans leur cité avec Clara Morgane en invitée d’honneur, 8 euros pièce (ben ouais, faut pas croire qu’elle se déplace gratos hé) et c’est bête : ils n’ont pas de quoi vous rendre la monnaire sur le billet de 20 qui vient de quitter votre portefeuille de pigeon. Ici, c’est une pétition pour les droits de l’homme, ou de la femme, ou des ornithorynques, et forcément c’est seulement quand vous signez que vous constatez que la feuille comporte une case « montant du don » juste à côté de celle pour la signature...

Je ne vais pas vous faire toute la panoplie, vous les avez forcément déjà croisés. C’est toujours un peu gênant, à la longue on finit par connaître tous ces vieux trucs et en même temps on n’ose pas passer pour un rapiat, et puis si ça se trouve celui-là est vraiment dans la dèche… enfin, vous connaissez le tableau. Mais ils n’ont qu’à bien se tenir, car la nouvelle génération est en train d’arriver pour leur piquer la place. Plus politiquement corrects, plus propres sur eux, parfaitement irréprochables dans leurs causes et leurs motivations, ce sont les tapeurs du 21e siècle.

Ils sont jeunes, ils sont fun. Ils sont en équipes de 4 ou 5 et investissent stratégiquement les grandes places, les avenues de commerces, les carrefours des zones piétonnes et autres lieux de fort passage. Ils portent des coupe-vents aux couleurs criardes et improbables (avantage : on peut les repérer de loin). Ils sont armés de prospectus, de fiches d’inscription et de stylos prêts à l’emploir pour les remplir. Vu de loin, on pourrait croire que c’est un nouveau genre de mafia flashy, mais il s’agit en fait... de démarcheurs pour diverses ONG !

Bon j’imagine qu’elles ne se sont pas toutes donné le mot pour faire pareil toutes en même temps. Il y a sans doute quelque part un génie du marketing qui a eu l’idée de ces brigades de tapeurs institutionnalisés et qui loue ses services aux ONG en gérant le planning de manière à ce que personne ne se marche sur les pieds : les oiseaux mazoutés le lundi, les unijambistes de guerre le mardi, les enfants maltraités mercredi parce que c’est le jour des enfants, les crève-la-faim le jeudi, les lépreux le vendredi et le samedi c’est relâche, ouf.

Qu’on ne se méprenne pas : loin de moi l’idée de cracher dans la soupe des ONG, qui pour la plupart essayent de se démerder au mieux avec des moyens limités pour effectuer à la place des gouvernements démissionnaires un travail difficile et occasionnellement dangereux. Je donne d’ailleurs tous les mois quelques dizaines d’euros à l’une d’elles, simplement c’est un choix que j’ai fait chez moi, à tête reposée, pas au coin d’une rue alors que j’ai autre chose à l’esprit et une gentille jeune fille qui essaye de me faire culpabiliser en m’accusant d’être favorable à la destruction de l’environnement (« argument de vente » parfaitement aberrant et néanmoins rigoureusement authentique, récolté sur un trottoir parisien) sous prétexte que je ne voulais pas me mettre à la bourre pour écouter son argumentaire.

Donc en gros je voudrais simplement que quelqu’un m’explique pourquoi des ONG parfaitement respectables ont besoin de recourir à ces méthodes d’arnaqueurs à la petite semaine – ou de marchands de tapis, voyez ça comme vous voulez.

Commentaires

1. Le jeudi, 17 avril 2008, 13:30 par Merome

Un peu mou du genou ton troll, y a même pas de commentaires désobligeants.
Pour ma part, je suis régulièrement harcelé par les Artistes Peignant de la Bouche et du Pied. C'est une association d'artistes handicapés qui nous envoient plusieurs fois par an par la poste des extraits de leur oeuvres, sur des calendriers, des cartes postales,... Je dois reconnaître qu'il m'arrive d'utiliser leur papeterie à quelque occasion, du coup, on a commis l'erreur (?) de leur envoyer un don. Depuis, ils ne nous lâchent plus.
L'embêtant c'est qu'ils font des envois que j'imagine couteux, par la poste, et que si l'on ne se fend pas d'un don, on a l'impression que c'est eux qui nous le font, le don, ce qu'on ne mérite évidemment pas vu notre situation privilégiée. Donc jouer sur la bonne conscience des gens, c'est bas, c'est dommage.

2. Le jeudi, 17 avril 2008, 15:43 par Stef

Les associations auquelles je donne sont choisies sur 2-3 criteres :
- je suis sûr qu'elles existent (j'ai été démarché une fois par un CAT n'existant nulle part...) et dans la mesure ou je prend le temps de vérifier, qu'elles ont réellement un but humanitaire, social ou médical.
- don direct a l'organisme et jamais ni dans la rue ni en espèces
- pas de pression par chantage a la culpabilité ou a la sensiblerie (je ne sais pas si le mot existe mais je voulais dire "sensibilité" + péjoratif et négatif :) )

A Auxerre y a une vingtaine d'année il existait un mendiant au centre ville qui se faisait déposer et récupérer matin et soir par une grosse berline Mercedes. Tres drole et pathétique a la fois :)

3. Le jeudi, 17 avril 2008, 18:58 par ymo

Tu l'as déjà vu monter dans sa mercedes, parce que ça fleure bon la légende urbaine ça non ?
A Belfort, on a eu pendant des années un mendiant bossu qui œuvrait aussi au centre ville et dont la rumeur disait que dans la vraie vie il était droit comme un i et que justement il habitait dans une super maison et roulait en mercedes.

Je dois bien avouer que je ne l'ai jamais suivi pour vérifier, mais en voyant le pauvre type j'avais comme un doute.

4. Le jeudi, 17 avril 2008, 19:19 par Etheriel

ymo> Si tu parles du bossu qui "stationnait" en face du Quick de l'époque (maintenant c'est Armand Thierry), et qui interpellait tous les passants, ben il est mort (il s'est noyé je crois).

5. Le vendredi, 18 avril 2008, 11:46 par Stef

Je ne l'ai pas vu personnellement, mais mon grand-père l'a vu, et c'est la derniere personne a colporter des ragots ou légendes. Il en était ecoeuré parce qu'il lui donnait souvent une petit pièce et qu'il avait l'impression de s'être fait voler sa compassion...

6. Le lundi, 21 avril 2008, 08:33 par ymo

Etheriel > Oui je parle bien de lui. Je savais qu'il etait mort mais pas qu'il s'etait noye.
Moi je pense que c'etait surtout un pauvre type qui n'a pas eu de chance comme il y en a tant.

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