Donnez-moi un centimètre de neige et je paralyse le pays.

Vendredi, 16 heures. Je me mets en route vers Neuchâtel pour aller passer le week-end chez Torg, pour boire des bières et jouer comme des débiles pendant trois jours. Temps normal de trajet par bonnes conditions météo et circulatoires : trois heures trente.

Un peu de blizzard autour de Charmes, suivi d’un subit calme plat avec coin de ciel bleu avant Épinal. Ensuite, ralentissement : un peu, beaucoup, à la folie, et finalement arrêté, moteur coupé pendant une heure juste avant la sortie de Luxeuil parce qu’un camion s’est mis en travers de notre côté de la trois voies et quart (oui, parce que dans les Vosges, visiblement, ils ne savent pas déneiger quatre voies). Si j’avais eu mes gants, j’aurais probablement fait un bonhomme de neige sur le bord de la route.

Reprise pénible jusqu’à la bifurcation vers Belfort, enfin un peu de vitesse normale sur de la route dégagée, ouf. Au vu du retard déjà pris et des conditions météo, j’envisage presque de m’arrêter en Haute Saône pour demander asile chez Merome, mais je suis impatient de retrouver mon frère-de-Suisse et j’ai une foi naïve dans une fin de route sans nouvelle encombre.

Sorti de l’A36, on entre dans le Royaume Sorbet : ennemis de Mario Kart 64 et du pilotage sur neige s’abstenir. Je redécouvre les joies de la conduite sur route glissante, de nuit et sous fortes chutes de neige. Les rares téméraires que j’aperçois roulent à 30 à l’heure. Pourtant, ça circule très bien sans faire le kakou. Pour preuve, le car auquel j’emboîte le pas à la sortie de Maîche fait un bon 70. C’est pas mal comme ouvreur de piste donc je me cale derrière et je suis tant bien que mal, avec un ou deux dérapages mineurs, jusqu’à Morteau où la route commence enfin à se dégager un minimum.

Passage de la frontière au Locle, avec le garde-frontière qui est incapable de me dire si l’autoroute sera dégagée. Visiblement la Suisse n’est pas plus avisée que la France quand on lui annonce de grosses chutes de neige depuis la veille. Effectivement, l’autoroute n’est pas dégagée pour deux ronds, ce sont les rares voitures qui l’empruntent qui font les traces. Ce n’est que cinq kilomètres avant Neuchâtel que la neige disparaît d’un coup, il faut croire que les chasse-neiges ne sont pas autorisés à dépasser Valangin. Enfin, je finis par arriver, il était temps. Temps de trajet effectif : six heures.

Lundi, 16 heures. Je me mets en route vers Nancy pour retrouver notre chez nous. Comme il n’a pas cessé de neiger du week-end, je ne m’attends pas à être à la maison à 20 heures tapantes mais j’espère quand même que les saleuses auront eu le temps de passer.

Petit naïf que je suis.

Sur la partie Suisse, tout va bien, c’est dégagé et ça roule. Par contre une fois revenu sur la départementale pour rejoindre l’A36, d’un seul coup il se remet à neiger un bon coup, avec du blanc aussi loin que porte le regard (c’est-à-dire pas bien loin). Et c’est là que l’on découvre que la plupart des habitants du Doubs et de la Haute-Saône – deux départements renommés pour leur climat sec et aride – semblent totalement inaptes à conduire sur la neige. Je me retrouve à traîner une heure durant derrière une file de voitures qui roulent à 15 à l’heure, de jour, sur une route bien meilleure que celle sur laquelle on pouvait faire un bon 70 le vendredi soir, et de nuit encore .

Je crois bêtement que ça va s’arranger sur l’A36. Monumentale erreur : bien que les deux voies soient tout à fait dégagées, impossible de dépasser 60. C’est surréaliste. Et ça continue comme ça jusqu’à la limite nord de la Haute-Saône, où je me retrouve de nouveau bloqué pendant une heure. Presque au même endroit qu’à l’aller, le coin doit être maudit. De ce que j’ai pu voir sur la file qui vient en sens inverse, ce n’est pas une histoire d’accident, c’est juste que les gens n’osent plus (ou ne savent plus) avancer dès qu’on leur met sous les roues quinze millimètres de neige fondu. Ça doit être un effet de bord pervers du réchauffement climatique, je ne vois pas d’autre explication.

Un automobiliste également scotché sur la voie d’en face me prête de quoi prévenir chez moi que je serai à la bourre et que ce n’est pas la peine d’envoyer les hélicos de recherche. Ça finit par repartir : plus avant, aucune trace visible de quoi que ce soit qui aurait pu justifier notre halte. Ma soif de savoir ce qui peut paralyser ainsi des centaines de voitures restera sans réponse. Arrive enfin la quatre voies salvatrice qui permet de dépasser les moins aptes au Trophée Andros. À hauteur d’Épinal, la disparition finale de la neige sur la route fait cristalliser délicieusement la perspective tant espérée d’être assis sur autre chose que le siège du conducteur. Temps de trajet effectif pour le retour : 6 heures aussi.

Je sais, on va me dire que comme d'habitude, ce sont toujours les autres qui sont des mauvais conducteurs, mais là honnêtement c'est la seule explication que je vois. Bien sûr, les routes auraient peut-être pu être mieux dégagées mais n'empêche : c'était largement circulable, même pour quelqu'un comme moi qui ne suis clairement pas un pro du pilotage en conditions extrêmes. En tout cas, je suis prévenu : la prochaine fois que je dois conduire par temps de neige, je pense que je préverrai des vivres et un bon bouquin.

Commentaires

1. Le mercredi, 26 mars 2008, 14:58 par Merome
On a tous fait ce genre d'expérience malheureuse et on s'est tous demandé qui était le con qui faisait exprès de rouler doucement pour nous embêter. Lorsque, sorti de derrière mon volant, j'arrive à réfléchir posément à la question et à m'enlever de l'idée que je suis le seul à conduire correctement, j'arrive à la conclusion suivante : un ralentissement, même minime, conduit inévitablement à une congestion du trafic.

Et j'en veux pour preuve, bien que ça n'ait rien à voir, que lorsqu'on est tous arrêté à un feu, et que le feu passe au vert, ben le dernier de la file commence à bouger longtemps après le premier. Chacun gardant ses distances de sécurité, on ne se meut pas tous en même temps.
Sur la neige, la vigilance impose une réduction de la vitesse ET une augmentation des distances de sécurité. D'où congestion inévitable, même sans couillon qui a eu son permis chez Emmaüs.

Ensuite, on ne s'en rend pas toujours bien compte, mais notre réseau routier est dimensionné assez finement pour un trafic normal. Il suffit que l'on s'écarte de la norme, à l'occasion d'une manifestation quelconque, ou un évènement climatique inopportun, pour que les limites soient atteintes, et c'est la boule de neige, si je puis dire.
2. Le mercredi, 26 mars 2008, 15:21 par Arnaud

Je suis assez d'accord avec Merome. Nous somme tous de mauvais automobilistes au regard d'autres, tous à notre niveau.
Je rajouterai juste que pour le déneigement, il faut rarement s'attendre à des miracles. En effet, les chasse-neige ne pase pas avant que la neige ne tombe (c'est puissant comme remarque, vous en conviendrez) et dès qu'il y a plus de 3 cm de neige (ce qui est tombé en 10 minutes dans le doubs), le trafic est tellement congestionné qu'il ne peuvent pas atteindre leur cible.
Maintenant, bob, tout est bien qui finit bien, tu as réussi à faire l'AR sans encombre et en plus, j'espère que tu as pu profiter d'un bonne bière ;)

3. Le mercredi, 26 mars 2008, 15:37 par Bob

Certes. Mais bon, ça fait du bien d'extérioriser la frustration de rester en rade pendant une heure sans savoir pourquoi :)

4. Le jeudi, 27 mars 2008, 13:55 par Stef

Je compatis, je suis remonté lundi soir de l'Isere a Auxerre sur l'A6 au milieu des retours de WE parisiens et curieusement j'avais aussi l'impression de "mieux" conduire.
D'un autre coté ce n'est pas moi qui doublait a gauche, zig-zagait entre les files en espérant gagner 2 metres ou collait a 10cm du pare-chocs arriere en espérant que la voie se dégage comme ça... C'est surement pour ça. :)

5. Le vendredi, 28 mars 2008, 15:57 par Filou

C'est fou tout ça, y'a neigé un peu tout le w-e dernier sur Isère/Savoie, pas eu un pète de neige sur les routes :)
Pourtant je suis à peu près sûr qu'il neige plus souvent en plaine sur le Nord Est (Bourgogne-Franche Comté-Alsace-Lorraine) qu'en Rhône-Alpes.
Y'a des DDE en France qui bossent encore moins que celles de Rhône-Alpes, truc de fou ! lol

6. Le vendredi, 28 mars 2008, 18:50 par Arnaud

Filou, la DDE n'est plus en charge du déneigement. Maintenant, c'est redescendu à l'échelon départemental pour la plupart des routes.

7. Le vendredi, 28 mars 2008, 20:32 par Merome
Arnaud : précisément, la DDE, c'est pas la Direction DEPARTEMENTALE de l'Equipement ?
8. Le dimanche, 30 mars 2008, 14:47 par Arnaud

Je précise, au niveau du département (conseil général. Ce n'est plus l'état qui a cela en charge. Ce n'est donc plus la DDE !

9. Le dimanche, 30 mars 2008, 22:48 par neige

Quelle chance vous avez eu de voir de la neige, de la vraie ! Elle me manque, j'ai quitté les Vosges il y a longtemps, la neige fait partie de ma vie, chaque année, pendant des mois, ce blanc, ce silence, le craquement sous les pas, la luge, les jeux. L'hiver blanc me manque. Vous en avez pris plein les yeux j'espère (et pas seulement râlé !)et moi je ferme les yeux pour la voir, la toucher, l'aimer tout simplement. Comme la neige me manque.

10. Le lundi, 31 mars 2008, 08:58 par Bob

Ah ça, entre Villiers-le-lac et Maîche, c'était blanc absolument partout, devant, derrière, à gauche, à droite, dessus, dessous. C'était chouette. De toute façon à la vitesse où on était scotché, on avait largement le temps de profiter du paysage :)

11. Le lundi, 31 mars 2008, 11:57 par Steh

moi, j'ai pas bougé du week-end. Im-pec-cable!

12. Le lundi, 31 mars 2008, 12:00 par Bob

Ouais, tu as même prétexté l'enneigement pour ne pas te pointer au bureau lundi dernier, alors que ton collègue qui habite deux cent mètres plus haut que toi est venu sans problème.

Ouais ouais ouais... :)

13. Le lundi, 31 mars 2008, 12:31 par Torg

Il a beaucoup neigé la semaine dernière. ça a bien fait iech ma femme, mais ça a amusé mon fils étrangement. Mettre les moufles pour être sûr de pouvoir la toucher. Mais elle n'a pas tenu. Dommage pour lui.

Moi, m'en fous. Neige ou pas, le reste continue.

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