A ne pas confondre avec "Toutes des salopes"

Si cela n'avait pas nuit à mon fabuleux jeux de mots en sous-titre, j'aurais ajouté au titre "Tous journalistes !".
Deux catégories de personnes me semblent en effet sur estimées chez nous (mais peut-être est-ce pareil ailleurs), ce sont les élus et les journalistes. A l'approche des élections municipales, j'en profite pour remettre une couche de démocratie participative en tentant un angle d'approche un poil différent.

"Les français sont des veaux" (c)
Invariablement, lorsque j'évoque l'idée de permettre à tout un chacun de décider, non pas d'élire un représentant, mais de voter directement pour des idées, on me rétorque que le français moyen est à ce point débile qu'il en serait bien incapable, et que la politique de la France serait alors bien mal conduite.
C'est un argument qui ne tient pas la route. Déjà parce qu'aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, ce sont les français qui élisent les représentants, et disons que dans la plupart des cas, ils le font correctement. C'est à dire qu'ils n'élisent pas celui qui leur promet monts et merveilles, la fin des impôts, une croissance à deux chiffres et des femmes nues et dociles. Ils votent, en majorité pour des hommes et des femmes "raisonnables", la plupart du temps.
Et ces hommes et ces femmes "élus", si l'on exclut la bande d'énarques qui nous gouverne, les maires, députés et autre représentants d'intercommunalité, ne sont que des gens "normaux", qui n'ont pas étudié les sciences politiques, n'ont pas appris la gestion publique, n'ont parfois que peu de notion de finances. Ils sont professeurs, artisans, retraités, ouvriers, cadres, ... Et ce sont eux, qui votent les lois, prennent des délibérations, oeuvrent au quotidien pour leurs concitoyens.
Mieux que ça : ce sont sans doute les politiques les plus appréciés des français, disponibles, proches des gens, efficaces.

Précisément, le grand atout de ces personnes, c'est d'avoir gardé un pied dans la réalité des choses du terrain. La fameuse combo "Député-maire" n'est pas là par hasard, c'est une excellent manière d'avoir un pied dans les deux mondes : celui qui décide et légifère au niveau national, et celui qui est au courant de ce qui se passe dans la vraie vie.

Le travers du fonctionnement actuel, c'est que, précisément, on ne peut être spécialiste en tout. Légiférer sur les OGM, le nucléaire, les impôts..., pour un député anonyme et non formé pour ça, ça me semble un peu hors de portée. On constate d'ailleurs ces travers régulièrement sur les projets de lois très techniques (DADVSI, purin d'ortie...).
Les élus qui nous représentent sont donc "limités" par leur propre capacité à analyser les dossiers qui ne sont pas dans leur domaine de prédilection. Une limite qui serait levée si l'on permettait à tous les français de s'exprimer sur les sujets pour lesquels ils se sentent concernés ou engagés.
Seuls participeraient ceux qui le souhaitent, probablement en majorité des gens soit compétents dans le domaine, soit directement concernés par les enjeux. Que les autres personnes, non concernées, ne participent pas n'a au final que peu d'importance. Je trouve même ça plutôt sain.

Bref, l'argument qui consiste à trouver les français trop niais pour gouverner se retourne bien plus contre le fonctionnement actuel que contre une hypothétique démocratie participative.

Un référendum par semaine
L'autre tarte à la crème qu'on me sert souvent, c'est le mode de fonctionnement d'une telle démocratie. Les référendums donnant les résultats que l'on sait, et avec un coût non négligeable, les multiplier à l'envi serait assez peu souhaitable. Je le concède volontiers, et pour cause, je ne pense évidemment pas que c'est une solution jouable. D'abord parce que le scrutin majoritaire a d'énormes défauts que j'ai déjà abordés ici. Le principal et non des moindres, c'est qu'il ne permet pas de dégager le meilleur compromis. Il s'agirait donc d'être un peu plus nuancé que "pour ou contre les OGM", et de permettre à des "experts" de tous bords, de proposer un certain nombre de choix possibles que les électeurs auraient à classer dans un certain ordre, plutôt que d'en choisir un au détriment de l'autre.
C'est une méthode qui est déjà utilisé dans certains pays, dont l'Australie, je crois, pour éviter les problèmes de "vote utile" et autres dérapages démocratiques qui décrédibilisent tout scrutin un peu sérieux.

Cela suppose, au préalable, qu'on se dote de moyens modernes pour recueillir les votes de chacun, et là aussi, on m'oppose régulièrement deux arguments qui ne tiennent, à mon sens, pas debout.

D'abord, le fantasme qu'un vieux serait incapable de voter sur un ordinateur. Mais alors comment font-ils pour utiliser leur carte de crédit, leur magnétoscope, leur autoradio ou leur GPS ? Et pour ceux qui réellement sont infoutus de faire tout ça, n'y a-t-il pas moyen de leur apprendre une fois pour toute, ou de leur faire un formulaire papier à lecture optique ? Ou encore de les laisser tomber car ils représentent une minorité qui n'aura de toute manière que faire des choix qui seront opérés ?
Une variante consiste également à prétendre que tout le monde n'a pas un ordinateur chez soi. Parce que tout le monde a un isoloir et une urne, par exemple ?

Deuxième argument : la sécurité des transactions. Dans un pays où l'on télédéclare massivement ses impôts, où l'on reçoit de plus en plus de communications électroniques des organismes officielles, où 14 millions de foyers sont connectés à l'internet et abusent du commerce en ligne, gèrent leurs comptes sur le site de leur banque ... On serait incapable de sécuriser un vote ?
A moins que l'on considère comme risque "acceptable" de se faire virer de son compte plusieurs dizaines de milliers d'euros par un pirate, et "inconcevable" de se faire confisquer sa voix pour voter pour ou contre le port du casque en ascenseur ?

Techniquement, les solutions existent, pour peu qu'on s'en donne les moyens.

Vu à la télé
Plus incroyable encore est le crédit que nous portons aux journalistes, en général. Jean-Pierre Pernaud, notre maître à tous, dispense la bonne parole chaque jour, et collectionne les fidèles téléspectateurs. Les exemples sont nombreux de fausses informations, rumeurs, canulars qui ont été relayés par les médias importants. Il suffit de visionner un reportage sur un domaine qui nous est cher pour se rendre compte de la déformation tragique des informations qui sont diffusées malheureusement en masse. Sans parler de la sélection de ces informations qui est parfois scandaleuse.
Les journalistes, eux non plus, ne peuvent être spécialistes en tout. Or sur les sujets pointus qui sont abordés chaque jour, c'est bien d'éclairages de spécialistes dont nous avons besoin.
L'exemple des bio carburants est une illustration manifeste des dégâts de la désinformation qui a pollué jusqu'aux programme des élus. Alors que depuis le début, on sait que ce ne sera jamais une solution, ni même une piste de réflexion dans notre cas.

Une démocratie plus juste et plus efficace va de pair avec un meilleur accès à l'information de qualité. C'est à chacun de nous, dans le domaine que nous maîtrisons, d'être sources d'informations. On ne peut effectivement pas être spécialiste en tout, mais on est par contre tous spécialistes de quelque chose, à des niveaux plus ou moins modestes, sur des sujets plus ou moins dérisoires, mais néanmoins compétents, ou avec un avis qui mérite d'être entendu de tous.
Et comble du bonheur, se faire entendre est aujourd'hui devenu à la portée du premier imbécile venu. Même un informaticien comme moi y arrive. C'est dire !

Commentaires

1. Le mercredi, 30 janvier 2008, 01:13 par Stef

Le journal télévisé de JPP -comme la plupart- je ne classe plus dans "informations" mais dans "divertissements"...
Effectivement quand je vois un sujet de santé traité au mieux avec des imprécisions et au pire avec des énormités, je me demande si c'est de 'lincompétence ou de la désinformation malhonnête ! J'imagine que les autres domaines ne sont pas mieux traités.

2. Le mercredi, 30 janvier 2008, 09:36 par Loïc F

Un jour, par hazard, je suis tombé sur ton blog. Bhin maitenant il est dans mes flux. ;)
Aujourd'hui je me décide à laisser un com' pour te dire qu'il est vraimant bien. Ton style d'écriture est très plaisant à lire.

En ce qui concerne ce post:
Sur le "fantasme du vieux", je suis d'accord avec toi, mais beaucoup plus "raisonnable"(t'y vas quand même un peu fort en voulant ejecter "une minorité"). Comme tu le dis, nous n'avons pas tous un isoloir at home, mais il est tout à fait envisageable de mettre à dispostion des citoyens tout le nécessaire en mairie(de même facon que les urnes et tout le bazard).Avec des explications bien claires et shématiques pour que tout le monde puisse comprendre.
De toute facon, c'est à la mode de nous apprendre comment il faut faire pour vivre, alors pourquoi pas comment voter?

Parcontre, toute les semaines...

3. Le mercredi, 30 janvier 2008, 12:15 par Merome
Loïc F : Merci pour ta participation, on se demande souvent qui lit véritablement le blog :) Pour ce qui est d'éjecter une minorité, comment analyses-tu le fait que les 0-18 ans n'ont pas le droit de vote ? Ca fait une sacrée sélection ! Arbitrairement, on considère qu'ils ne sont pas "capables" de discerner à cet âge. Pourtant certains ados sont moins cons que des vieillards, et surtout bien plus concernés par l'avenir de leur pays, non ?
4. Le mercredi, 30 janvier 2008, 16:58 par Loïc F

A cet âge là on est quand même vachement plus influencable. Le fait de fixer un âge : 18 ans(et c'est vrai que c'est un peu arbitraire) permet de faire murir leur raisonnement.
Alors je suis d'accord que certain ado se sentent plus concernés par l'avenir de leur pays que certains vieux (rappelons au passage qu'un vieux con, n'est autre qu'un jeune con qui a veilli)mais bon c'est comme tout...
Ce n'est pas rien le pouvoir de voter, et c'est bien d'être assez mure pour en être conscient, non?

5. Le mercredi, 30 janvier 2008, 17:56 par MarcVador

Slt Mérome,

Moi aussi ça fait un bon moment que je lis ton blog (depuis, en fait,le post du chauffage en granulés, c'est dire!)
Je suis souvent de ton avis et admire ta prose qui n'est pas sans rappeler par moments des dialogues de feu Audiard...

Néanmoins, je ne suis pas non plus un admirateur béat et je ne te suis pas sur certains trucs.
Le vote electronique:
Je ne sais plus si tu avais vu cette info, mais aux dernières elections, il y a eu des tests avec des machines à voter... On attend encore le résultat de ces tests, mais c'est surtout le fait que tout ce petit matos, qui a du couter l'équivalent du PIB de la Goucounie sub-saharienne a été installé, et maintenu par des boites privées!
Non que je sois un féroce défendeur des fonctionnaires, mais il me plait à penser que s'il y a un truc qui doit rester dans la sphère publique, c'est bien, entre autres, ce type de job!

Le référendum:
Ah voilà une idée qu'elle était belle! Le dernier organisé est l'exemple en or massif de la mauvaise foi politique.
Malgré ce qui a été dit à la télé (informations? quel humour) les gens s'en sont emparés de ce fameux traité... et ont exprimé leur choix!!!
Et au final, il revient par la fenetre!!! (je fais court!)

Quant aux députés et au système démocratique actuel, je ne dirai qu'une chose; On est en démocratie que le jour des éléctions... Après, ces soi disant représentants du peuple n'en font qu'à leur bon vouloir (ou presque, il s'agit quand même de durer un peu)

6. Le mercredi, 30 janvier 2008, 20:09 par Loïc F

"On est en démocratie que le jour des éléctions..."

Non mais ça c'est clair. Loin de dire le maitenant banal "tous des pourris" mais bon, disons que les belles idées s'envolent vite.

C'est vrai qu'il n'y a pas trop eu de retour quand au vote electronique, mais sans passer par une machine faite exprès, un site internet "hyper mega" sécurisé avec identifiant du type le num d'electeur pourrait faire l'affaire...
Du coup, les mairies pourraient s'équiper avec de PC qui ne proposeraient que la connexion à ce site...

7. Le mercredi, 30 janvier 2008, 20:58 par Merome
MarcVador : oui, toi je t'avais déjà repéré, un pilier de l'article sur les granulés :) Et cela ne t'oblige effectivement pas à être toujours d'accord avec moi ! Même ce fourbe de Bob à qui j'ai offert généreusement ces colonnes pour y écrire ses états d'âme me contredit régulièrement, c'est dire si je suis open :)
Plus sérieusement, j'ai suivi (de loin) l'affaire des machines à voter, et ce n'est clairement pas au point, je me rappelle tout aussi bien les machines américaines qui avaient donné un résultat plus que contestable aux dernières présidentielles. Pour autant, je ne considère par la chose impossible à fiabiliser et sécuriser. Je le répète : des tas de choses beaucoup plus importantes se passent sur le net, ou tout simplement par des traitements automatisés, des fichiers informatiques... Dans beaucoup de domaine, cela nous a simplifié la vie, on l'oublie trop souvent.
Il me parait aussi important que ce "service" soit assuré par des fonctionnaires de l'Etat. Question de neutralité. Et que tout soit vérifiable par après (un listing papier des votes confié à un organisme de confiance, la possibilité de revoir son vote, de le modifier avant la fin du scrutin, ...)
8. Le mercredi, 30 janvier 2008, 21:36 par Nath

J'ai cru au vu du titre que tu allais justement nous parler du vote de la modification de la constitution qui va être adoptée comme un gros bras d'honneur aux français le 04 février prochain...
Sarkozy nous assomme de "les français m'ont élu à 54%, il faut respecter le choix des urnes" mais quel score avait atteint le "non" au référundum sur la constitution européenne ?
C'est à peine si on aura droit à une rapide allusion lorsque cela sera fait...
Et là, tous les députés sont à mettre dans le même bateau, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. N'était-ce pas François Hollande qui avait promis lors des élections présidentielles qu'il tiendrait compte du choix des français sur le sujet ?
Voilà qu'il s'assoit sur ces belles paroles en essayant de nous faire croire que la gauche ne peut rien faire...
Alors ce seraient ces individus qui permettraient de donner la parole aux citoyens ? Là, malheureusement, je n'y crois pas un seul instant.
Mais qui sait ? Il faudrait peut-être tenter des exp"rience à l'échelle locale...

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/403