Les trentenaires prennent le pouvoir

Enfin... doucement

Cet article fait suite, en quelque sorte, à un autre que j'ai commis il y a deux ans, comme le tampax vite...

D'aucuns s'étonnent peut-être de ne plus me voir commenter la brûlante actualité politique et me lancer dans des diatribes sans fin où mes convictions se disputent avec le réalisme et où l'utopie balaye d'un revers de la main l'objectivité et le pessimisme.
La raison est simple : je n'ai plus connaissance de l'actualité politique. Plus personne n'en parle. Ça et là, j'entends parler de mariage et d'EuroDisney, d'évaluations, de gros sous. Mais de politique jamais. Je ne puis donc raisonnablement commenter une actualité que j'ignore, je préfère me taire.

Je lisais récemment sur le topic HFR consacré à Kaamelott, la stupeur des participants se rendant compte de l'âge de l'auteur et de l'étendue de ses talents. Alexandre Astier est en effet un trentenaire pur jus. De ceux qui pourraient lire ce blog s'il était intéressant, de ceux qui ont grandi avec la télé, les jeux vidéos, les BD, une certaine forme de culture et d'inculture.
Son talent est d'avoir réussi à faire quelque chose de tout ça. Une série courte d'abord comique qui se mue tranquillement vers des longs métrages historiques sérieux. Une vraie oeuvre audiovisuelle qu'il a conçue de bout en bout, auteur, acteur, musicien, réalisateur...

De cette discussion m'est venue une réflexion, certes grossière et basée sur pas grand chose mais ça, vous avez l'habitude avec moi, qui tendrait à me faire penser que nous sommes en train de passer à l'ère des trentenaires, le moment où notre génération va finalement être celle qui domine les affaires qui courent en notre bas monde.
J'ai pu l'observer également professionnellement : les collègues de mon âge prennent du grade, de l'assurance et surtout sont sur une longueur d'onde étonnamment proche de la mienne, par le simple fait d'avoir une culture commune.
Les querelles de pouvoir de nos aînés nous semblent puériles, idiotes et inutiles. Le carriérisme n'est plus une valeur tendance.

Ainsi, je ne connais pas, ou peu, de gens de mon âge qui se reconnaissent dans le slogan "travailler plus pour gagner plus" (ah, vous voyez : ça tourne politique !). Tout au plus, certains arrivent à l'expliquer, à le cautionner (voire à voter pour !), mais au quotidien, ne le mettent pas en pratique.
Il y a par conséquent un décalage total entre les gens qui nous gouvernent, qui ont une voire deux générations d'écart, et ceux qui sont gouvernés.
Je me l'explique par un vécu bien différent. Nos parents ont connu à la fois la guerre et les trente glorieuses qui ont suivi. La pénurie et l'opulence. L'abstinence et la libération sexuelle. Ils ont vu le monde se développer, croître autour d'eux d'une manière inégalée dans toute l'Histoire. Ils s'imaginent que cette croissance est sans fin, qu'il suffit d'un peu de travail pour aller encore plus haut, plus vite, plus fort.
De notre côté, nous avons toujours connu un confort tout à fait correct. Et l'évolution ne nous a pas paru si franche et rapide. Même, elle a connu des hauts et des bas. Des moments de crises (chomage, grandes grêves ...), des moments d'euphorie qui se sont rapidement cassés la gueule (bulle internet)... On touche aux limites de la société de consommation et on sent bien, intrinsèquement, que tout cela a une fin, que ce n'est pas tenable en l'état.

A quoi bon s'investir dans une logique qui n'a pas d'avenir à moyen terme ? Serai-je plus heureux si je brasse plus de pognon, si je voyage plus loin, si c'est pour ne pas voir mes proches ? Le trentenaire moyen connaît la réponse à ces questions, et fait ses choix en conséquence, transformant ainsi petit à petit la société dans laquelle il vit, parce qu'il commence enfin à en avoir les moyens et à atteindre la masse critique qui en a ras le bol de suivre ses parents.

Notre vraie adolescence, c'est maintenant.

Commentaires

1. Le jeudi, 17 janvier 2008, 13:42 par Raf

+1, j'ai 30 ans et je me reconnais effectivement dans ce que tu dis. Par contre, je ne suis pas persuadé qu'on soit forcément représentatifs de l'ensemble des trentenaires. On cotoie naturellement des gens qui viennent du même milieu que nous, ont les mêmes revenus, vivent dans le même environnement et pensent comme nous ... A voir si quand on aura 40 ans, une fois qu'on commencera peut-être à avoir les moyens de faire bouger les choses, on n'aura pas changé de point de vue!

Au passage, si tu veux lire un peu de vraie politique, je me permets de te conseiller le livre de Pierre Larrouturou intitulé "le Livre noir du libéralisme" qui offre une analyse et des propositions intéressantes, assez proches de tes idées à mon avis.

2. Le jeudi, 17 janvier 2008, 14:48 par artesien

Merome, ça fait une bonne année maintenant que je lis ton blog, mélange d'impertinence et de reflexion intéressante : je suis fan.
Bon fini les fleurs et revenons à nos moutons... G presque 30 ans, je bosse en moyenne 50 h par semaine pour un contrat qui en annonce 35... Cherchez l'erreur... (je précise que les heures sup' ne sont pas payées, sinon l'économie du secteur privé s'écroulerait !!!) Alors le coup de "travailler plus, pour gagner plus" n'est pour moi et pour une grande majorité de techniciens et cadres du privé qu'une vaste connerie, cette phrase est vraiment prise comme étant une injure directe : comment travailler plus, sachant qu'on le fait déjà ? Donc, pour toute cette génération de trentenaire qui "travaille déjà plus, pour gagner comme ceux qui travaillent moins" et bien oui, c'est vrai, on a pas envie de rayer le parquet avec nos dents de requins pour faire nos preuves : on se fatigue déjà bien assez pour gagner notre croute, on va pas y laisser notre peau, non plus !!!
Effectivement c'est pas tendance d'etre carrieriste car nous donnons déjà bien assez! Et notre assurance et savoir-faire touchent bien plus de domaines que nos ainés, ne serait que parce que nous faisons parti de cette génération qui sait à la fois rédiger, calculer, présenter, gérer des réunions avec clients et politiciens, mener des reflexions rapides et efficaces, resister à la pression... Un peu comme notre scénariste de Kamellot: nous sommes multi-tâches !!!!En conclusion, moi, je prône le "Travailler moins pour vivre mieux" comme nos voisins nordistes, ça c'est l'avenir !!!!

3. Le jeudi, 17 janvier 2008, 20:00 par Filou

@ artesien : j'approuve en grande partie ton comm mais j'ai du mal à comprendre un truc. Je suis entré dans la vie professionnelle y'a seulement 1 an et demi certes mais j'y suis c'est déjà pas mal à pas 23 ans.
Mais honnêtement, perso, jamais un patron ne me forcera à bosser 50h payées 35. J'irai même à dire, qu'à part si c'est pour ma propre boite dont je suis le gérant, jamais j'irai dépensé 50heures hebdomadaire à un travail salarié, tu vis quand ?
Donc tu dis prôner le travailler moins pour vivre mieux mais tu fais le contraire et honnêtement jme fais p-e des illusions mais quand on est cadre, à 30 ans (dépend des secteurs après) on a tout à gagner à se vendre auprès d'autres boites qui paieront si ce n'est moins en tout cas pour le travail réalisé.
J'aimerai vraiment que tu expliques cette capacité à courber le dos pour subir ces heures sup', ca me dépasse totalement.

4. Le vendredi, 18 janvier 2008, 14:04 par Bob

Bon, pour reprendre ici un bout d'une conversation que j'ai déjà eue par ailleurs avec Merome... Pour le cas particulier d'Alexandre Astier, on peut être admiratif devant ses divers talents que nous-mêmes ne possédons pas, mais si ça se trouve lui-même serait tout autant admiratif devant nos propres compétences. Il n'est pas fondamentalement plus doué que nous, il a simplement consacré ses efforts à des domaines différents et qui ont fait de lui un personnage plus médiatisé que la moyenne, c'est tout.

Et on va probablement en voir apparaître d'autres comme lui, au fur et à mesure que les stars d'hier cèdent la place d'une manière ou d'une autre. C'est un bête phénomène mécanique. Notre génération comporte un pourcentage de personnages publics sensiblement identique aux précédentes. Rien de bien extraordinaire là-dedans.


Pour les politiciens, c'est la même chose : jusqu'à aujourd'hui on s'est toujours senti en décalage avec la classe dirigeante en bonne partie parce que celle-ci a toujours été d'une autre génération (plus un facteur également importante de différence sociale entre "eux" et "nous" mais ce n'est pas le propos ici). C'est encore le cas aujourd'hui, la plupart des gouvernants politiques ou économiques ont une cinquantaine plus ou moins tassée. En-dessous de ça, ce sont des exceptions.

Et donc, de même, au fur et à mesure que ceux en place finiront par passer la main (sans doute plus par la force des choses que par leur bon vouloir), on finira par voir arriver au pouvoir des gens de notre génération : enfin, on aura un gouvernement culturellement en phase avec nous... et ce seront donc les 80 % restants de la population qui pourront à leur tour râler sur des dirigeants avec qui ils n'ont rien en commun.

Franchement, le gouffre entre la classe dirigeante et le bas-peuple, c'est loin d'être une nouveauté. Ça fait des siècles que c'est comme ça, indépendamment du système politique en place et des progrès sociaux qui sont arrivés par ailleurs. Je vois mal comment notre génération aurait plus de chances que toutes les précédentes de changer quoi que ce soit à cet état de fait.

5. Le vendredi, 18 janvier 2008, 14:19 par Merome
La différence entre Alexandre Astier et nous, c'est que lui nous "cultive" et nous divertit. Ce qu'on ne lui rend pas, malgré tout le talent qu'on a pourtant (!).
Enfin, je crois que tu voies dans ce billet une portée qu'il n'a pas. Je ne fais que prendre acte du changement "naturel" que tu décris. Fatalement, un jour où l'autre, le monde est conduit majoritairement par une génération de gens. Je note, je constate, ou au moins, j'ai l'impression que le temps de notre génération à nous est venu, ou commence doucement. Et forcément, c'est le temps auquel nous serons les mieux adaptés, nous autres nés dans les années 70.
Et donc, puisque cela semble être notre heure, tâchons de ne pas gâcher ça avec de fausses bonnes idées, et ne pas répéter les erreurs du passé. Voilà résumé l'article avec un autre angle d'approche. Te convient-il mieux ?
6. Le vendredi, 18 janvier 2008, 14:21 par Bob

En gros, tu dis : "chouette, le temps passe" ? :) C'est profond. Vraiment :)

Je vais avoir du mal à faire un article plus balaise que ça, je pense ;)

7. Le vendredi, 18 janvier 2008, 14:22 par Merome
Presque : je dis : le temps passe, maintenant c'est à nous de jouer, prenons bien la mesure de nos responsabilités. Tu saisis ?
8. Le vendredi, 18 janvier 2008, 16:27 par Bob

Moui... je ne dois simplement pas être dans le bon état d'esprit aujourd'hui, je suppose ;)

9. Le vendredi, 30 janvier 2009, 07:53 par Jean-Michel Fontaine

A écouter d'urgence sur ce thème : "Adulescent" de Guillaume Aldebert. www.youtube.com/watch?v=3...
(...)

Tout est allé si vite on a rien vu venir
Entre Giscard et Mitterrand
Mes copines sont devenues mamans
Je retrouve leur sourire imprimé
Dans le petit cadre noir et blanc
A l'effigie du nouveau né

Un peu moins jeune, un peu plus vieux
Tout juste assis entre les deux
Dans le tumulte stéréo
Un peu adulte un peu ado

(...)

La nostalgie n'est plus l'apanage des baby boomers
Quand cette idée me hante
Ces derniers me disent
Que leurs années soixante
Sont un peu nos eighties

(...)

Bon, moi, je suis déjà un "vieux trentenaire" (bientôt 37 ans) et le doyen d'une société de 25 personnes dont la moyenne d'âge est de 29 ans... Mon patron a 30 ans.

La plupart des vingtenaires et des trentenaires qui travaillent en France qui me sont proches ont choisi leur emploi autant pour les avantages (nombre de RTT), l'intérêt du poste et l'ambiance de l'équipe, que pour le salaire ou les possibilités d'avancement de carrière. Quitte à partir s'ils s'aperçoivent qu'ils ont été grugés sur l'un des points qu'on leur faisait miroiter. :-)

Sinon, je suis totalement d'accord avec ton analyse.

Idée pour un prochain billet (si ce n'est déjà fait, je ne viens de passer qu'une heure sur ton blog depuis deux ans et demi) : les trentenaires et leur famille.

"Le bébé" d'Aldebert, "La berceuse" de Bénabar ou "Dors mon fils" des Fatals Picards. Des versions post-modernes, mordantes et lucides à la fois de la vraie vie de famille, bien loin du "Dors bébé dors" de Jean-Jacques Goldman. :-))

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/399