"Tout se joue avant quatre ans", mon oeil

On lit souvent dans les manuels éducatifs à destination des parents que "tout se joue avant X ans", remplacer X par la valeur qui vous arrange. Pourtant, avant un certain âge, il est bien difficile de se souvenir de quoi que ce soit.
A quand remontent vos tout premiers souvenirs ? Pour ma part, je me souviens de la veille de l'entrée à l'école maternelle, et du jour-même. J'avais donc quatre ans et demi, en septembre 1979... Cela ne nous rajeunit pas. Je me souviens bien de cette chose étrange sur laquelle la maitresse nous demandait d'entreposer nos vêtements. Comment appelait-elle ça, déjà ? Un porte manteau, je crois. Je n'avais jamais rien vu de tel avant. Et j'avais donc gentiment (j'étais gentil à quatre ans), posé ma veste de survêtement à plat au pied de la petite étiquette qui portait mon nom...

C'est un souvenir clair, précis. D'autres encore plus anciens sont plus flous. Je m'entends dire "Manman papere" en agitant les bras pour qu'on me descende enfin de ma chaise haute. Je me vois aussi m'introduire subrepticement dans le lit de mes parents au petit matin, alors que mon petit lit bleu était encore à côté du leur. Mais c'est plus flou, et surtout, je ne sais pas dater cela aussi précisément que le jour de la rentrée.

A partir de ces constats, il y a un truc qui m'a déjà fait plusieurs fois flipper, maintenant que c'est mon tour d'être parent. Avant quatre ans, nos gosses n'auront que peu de souvenirs de nous et d'eux. Pourtant, 4 ans, pour nous, adultes, c'est long, même très long dans le rôle de parent. C'est une éternité. On a l'impression d'avoir laissé des morceaux de nous dans les péripéties éducatives qui nous ont fait douter ou parfois réjouis. Et de tout ça, ils ne se rappelleront pas. Pas distinctement en tout cas. Pas consciemment. Bien sûr, ils n'oublieront pas la technique de la marche ni les autres enseignements majeurs de cette période, mais de nous, de notre image, de notre voix, ils n'auront plus rien.

Autrement dit, si par un malheur quelconque, vous deviez être séparé de votre enfant de moins de quatre ans pour une longue durée, imaginez vous qu'il ne se souviendra pas ou peu de vous, de votre apparence. Sans même parler de tel drame : de ces instants privilégiés où la communion filiale est forte, des bisous-calins du dimanche matin quand on a le temps, des regards complices échangés au gré des jeux quotidiens, des grimaces et contorsions de la bouche effectuées pour aider à faire avaler la purée de carotte immonde, de tout cela, il (ou elle) n'aura pas de souvenirs.
Et pourtant nous tellement.

Commentaires

1. Le dimanche, 16 décembre 2007, 21:13 par Nath

Sans doute, mais quel plaisir après de les repartager avec eux en feuilletant un album !
Certains épisodes de ma petite enfance me sont plus précieux parce qu'ils m'ont été racontés avec des étoiles dans les yeux et un sourire sur les lèvres que si je m'en étais rappelée moi-même.

2. Le lundi, 17 décembre 2007, 11:28 par Hiva Oa

Tu te sépares de ta femme Merome ?

3. Le lundi, 17 décembre 2007, 16:04 par Merome
Hiva Oa : ce n'est pas au programme, non.
4. Le vendredi, 21 décembre 2007, 15:29 par Steh

Je me souviens de ma premiere journee de ma deuxieme annee de maternelle. C'est mon plus vieux souvenir. Apres, j'ai des bribes de souvenirs de mon enfance. Je me rappelle de certaines maisons ou j'ai pu habiter. Mais je ne pourrais dire si je m'en rappelle parce qu'on m'en a parle ou si ca vient de ma memoire.

Pire, je me rend compte que je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mes annees de colleges ou lycees par exemple. A nouveau, j'ai des souvenirs precis, mais je ne saurai pas vous dire ce que j'y faisais pendant toute une journee entiere. Et vous, vous vous souvenez ce que vous avez fait en 4e?

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