La véritable faillite, c'est celle des médias. Et c'est loin d'être un détail.

Ce n'est pas les journalistes qui vont me réconcilier avec la politique ces temps-ci. Je ne leur accordais déjà pas un crédit très élevé auparavant, mais ces temps-ci, je trouve que cela dépasse l'entendement.

Ces dernières semaines, les plus gros remous politiques que l'on a pu constater dans les médias ont pour origine... des mots malheureux. Ce qu'on attend des médias, enfin, ce que moi j'en attends, c'est une analyse de fond des décisions et orientations politiques qui sont prises. Au lieu de ça, on s'intéresse à des problèmes de pure forme.

Après le mot "faillite" utilisé par Fillon pour qualifier la situation de l'Etat, puis le "détail", toujours du même auteur, cette fois c'est Fadela Amara qui a eu le malheur de dire "dégueulasse". Vous rendez-vous compte ma bonne dame ? Voilà que des hommes et femmes politiques se mettent à utiliser des mots qui ne sont pas dans le dictionnaire du parfait petit diplomate ? Et évidemment, l'opposition se jette dessus, et les journalistes suivent.
Les chroniqueurs empoignent leur dictionnaire, et nous livrent la définition exacte du mot employé, décortiquent l'étymologie du truc jusqu'à l'écoeurement. Nous voilà bien informés.

%

Il faut savoir qu'un journaliste, quand on lui montre quelque chose du doigt, il regarde le doigt (pour juger s'il est complaisant, méthodique, vengeur ou directif). Par exemple, il y a un an, le ministre de l'économie inaugurait la première pompe à biocarburant E85. Une révolution. Utiliser les plantes pour faire du carburant, les journalistes n'y avaient jamais pensé, avant. Le ministre leur montre sa jolie pompe verte, leur explique que ça va remplacer le pétrole qui pourrait manquer un jour où l'autre, et les journalistes suivent, empilant les reportages sur ce carburant de l'avenir.
Aujourd'hui, tout le monde sait que le bio carburant est une idée morte-née et les journalistes commencent à s'en rendre compte. Ils pondent alors des reportages qui disent l'inverse de ce qu'ils disaient il y a un mois, sans aucun scrupule : leur job, ce n'est pas d'éclairer le sujet, c'est de suivre les dir-com des partis politiques et des grands groupes industriels.

Dans la plupart des médias, donc, vous n'entendrez pas de réflexion de fond sur l'utilisation de l'ADN pour réguler l'immigration. Par contre, si l'un ou l'autre des acteurs politiques prononcent le mot "bite" ou "couille", nul doute que ça fera la une. C'est l'indépendance de la presse : on ne juge pas, on ne prend pas parti, donc on ne parle pas des choses qui ont un intérêt.

Il faut reconnaître que plus bas que les journalistes, on trouve certains chanteurs, à commencer par notre bien-aimé Enrico Macias, fidèle soutien de Nicolas Sarkozy il y a encore quelques mois, il s'étonne aujourd'hui du projet d'utiliser des tests ADN pour lutter contre l'immigration. C'est vrai que les journalistes ne nous avaient pas prévenu en temps utile des dérives possibles du programme de Nicolas Sarkozy. Pourtant Pascal Sevran, lui aussi soutien de Sarko, nous avait bien parlé de la "bite des noirs", ça aurait dû attirer leur attention...

Comme dit, Fadela, c'est dégueulasse.

Commentaires

1. Le samedi, 13 octobre 2007, 12:22 par Cheuz

c'est comme ça de nos jour a force de voir les politique faire du people les journaliste sont obligé de suivre.

et ça vient aussi bien de la gauche que de la droite.

Sinon pour l'ADN vivement la mise en place

2. Le samedi, 13 octobre 2007, 14:09 par Stef

Les journalistes sont vraiment plus ce qu'ils étaient... Encore heureux qu'on en a plus depuis bien longtemps en France :)

3. Le mercredi, 28 novembre 2007, 11:22 par Mikey

Tu sais Merome, j'ai fait un stage de formation dans un IUT de journalisme juste pour apprendre à bien mesurer mes mots face à un journaliste afin de limiter au mieux les dérives des articles qui pouvaient être écrits suite à une interview. Au cours de ce stage il y avait une journaliste qui nous a dit que la presse n'était que le reflet de la société dans laquelle nous vivons. Et je crois qu'elle a bien raison.

Explication : Si un journal veut vivre il doit vendre son papier et pour ça il faut que les titres et les articles plaisent aux "braves gens". Donc les journalistes recherchent coûte que coûte ce qui va faire vendre leur canard et se foutent totalement du reste.
La presse d'opinion, la vraie presse qui analyse de manière critique et constructive tel ou tel événement et qui défend des idées, ça ne se vend plus et les rédactions n'ont que deux choix : changer de style ou bien fermer boutique.

C'est sûr que de nos jours épiloguer sur la longueur des biroutes de N. Sarkosy et de F. Hollande ou sur les moeurs "immorales" d'une personnalité quelle quelle soit fera vendre beaucoup plus de papier et d'encre qu'une analyse honnête et éthique du recours aux tests ADN pour réguler l'immigration.
Triste constat.. Mais tout fout le camp. L'histoire nous montre que toutes les civilisations ont un jour atteint un appogé et puis sont tombées dans la décadence pour enfin mourir. Je crois que notre société aujourd'hui est bien partie sur la pente inexorable de la décadence.

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

1. Le lundi, 15 octobre 2007, 10:16 par Weblog des Dahus

Pour digérer la rentrée politique

Ah qu'il fut doux cet été de garder éteinte la radio, de laisser les journaux dormir chez le buraliste et d'oublier, l'espace d'un instant, toutes ces belles lois libérales qui naissent dans la chaleur d'un amphithéâtre déserté

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/370