La météo reste le sujet de discussion le plus facile à utiliser. Le réchauffement climatique va simplifier nos relations sociales !

Pour moi qui suis un asocial invétéré, trouver des sujets de discussion avec des semi-inconnus est un stress récurrent. Le plus souvent accaparé par mes rêveries, mes projets personnels ou un bug récalcitrant à la ligne 3012 d'un script PHP qui en compte dix fois trop, je suis déjà incapable de réagir du tac au tac, si la rencontre et la discussion qui s'instaure sont inattendues.

Exemple typique : quand je fais mes courses, et que je me retrouve, au détour d'un rayon, nez à nez avec un voisin ou un collègue, les deux premières minutes, je rame ne serait-ce que pour retrouver le prénom de mon interlocuteur. Bien souvent, je lui dis bonjour (même si on a passé la journée au bureau ensemble, ou que je l'ai salué en partant de chez moi), puis je rame seul au milieu d'un océan de banalités, affrontant avec effroi les gros blancs qui s'installent pour une éternité, finissant par me rendre contre que, oui, c'est bien un paquet de papier toilette - 12 rouleaux - double épaisseur que je suis en train d'embrasser comme si c'était un doudou protecteur.

Selon les interlocuteurs, la discussion sera orientée différemment. M'inspirant de certains individus qui semblent à l'aise en toutes circonstances, qu'ils soient à poil dans un vestiaire, ou en costard cravate au milieu d'ouvriers de la métallurgie en grêve, j'ai pu identifier un certain nombre de sujets de discussion qu'il est possible d'aborder, en fonction de la provenance de son homologue. Le truc en fait, c'est de rapidement se remémorer ce qu'on peut bien avoir de commun avec son interlocuteur, même lorsque c'est difficile tellement l'autre est manifestement débile et fier de l'être.

Les voisins :
On partage avec les voisins un territoire géographique. Même si votre pelouse est peaufiné à l'opinel, petit modèle, et que c'est la forêt vierge à côté, il n'en reste pas moins que son terrain jouxte le vôtre, à votre grand désarroi, d'ailleurs. Il s'agit donc de trouver un sujet consensuel qui se rapporte à ce point commun, ce qui n'est pas simple. Les querelles de voisinage étant célèbres, il ne s'agirait pas de commettre une faute diplomatique juste parce que l'adjectif qualificatif qui vous est venu spontanément en pensant à son gazon était "pourri". Selon l'âge du sujet, et la différence avec le vôtre, les sujets vont varier un peu. Avec le vieux croûton, il peut être opportun d'essayer de lui faire cracher l'emplacement de cette foutue borne de délimitation qui est sujet de litige avec l'autre voisin, le jeune qui a emménagé en même temps que vous. Avec le jeune, en revanche, évitez ce thème et préférez-lui celui du bricolage et de l'entretien interminables qui sont la plaie du propriétaire foncier moyen, sans oublier de s'interroger sur les espérances de vie du vieux croûton, pour gérer au mieux le bout de terrain qu'il va laisser derrière lui.

Les collègues :
On passe finalement plus de temps avec ses collègues qu'avec ses propres enfants. Pourtant, déjà, les enfants, c'est chiant ! C'est dire ! Au bureau, pas besoin de chercher de sujet, le travail quotidien ou les frasques et déboires des collègues des autres services fournissent un terreau propice aux vilipendages les plus féroces.
En dehors du bureau, c'est plus tordu, car il s'agit de trouver un sujet qui ne rappelle pas trop le boulot parce que ça gonfle, et qui plus est, éviter que la discussion ne dérape sur une de vos énormes conneries non avouables qui vous vaut la moquerie de la moitié de la boite, mais qui n'est miraculeusement pas encore arrivée aux oreilles de votre femme.
L'idéal, c'est d'avoir un bouc émissaire. Un collègue universellement reconnu pour être une chiasse à vivre, et le charger comme un âne bâté, qu'il est d'ailleurs.

La famille proche :
Avec la famille proche, on partage tout, les sujets sont donc multiples et variés, à commencer par le fait de raconter ce qu'on a fait dans la journée, pendant cette si longue absence ou toi et moi n'étions plus vraiment nous, et si tu savais comme tu m'as manqué, passe-moi le pain.
Rapidement, la discussion s'installe autour d'un sujet de débat unique : "Pourquoi, finalement, sommes-nous bien mieux que tous ces autres cons qui nous gravitent autour ?". Et les réponses ne manquent pas, évidemment...

La famille éloignée :
Plus on élargit le cercle familial, plus on risque de tomber sur des individus qui n'acceptent pas cette supériorité pourtant évidente décrite au paragraphe précédent. Il s'agit donc de ruser pour leur faire accepter, de fait, qu'ils ont tort. L'éducation comparée des enfants est un excellent moyen d'y parvenir, surtout si vous avez pensé à assommer les vôtres avec une marche de vingt kilomètres avec des sacs à dos de douze kilos le matin. Cela aide à calmer les après-midi chez mémé, et on peut alors s'offusquer en toute honnêteté du cousin Kévin qui est en équilibre précaire sur la commode à côté du vase bleu, ou du cri strident de la petite Jennyfer qui se lamente depuis que votre dernier s'est endormi sur son nounours. Faudrait quand même voir à pas le réveiller, il dort comme un ange. Ils sont comme on les élève, vous savez...

Les parents d'élèves :
Dans la cour d'école pendant une dizaine de minutes avec les autres parents, à attendre que les rejetons sortent de classe, quoi dire si ce n'est que l'instit est encore à la bourre, qu'il y a trop de devoirs, et que c'est pas la semaine de quatre jours qui va arranger le niveau scolaire déjà tellement bas que même le redoublement est considéré comme une promotion.
Comme dans le tas, il y a aussi le voisin qui a poussé le vice jusqu'à faire des gosses en même temps que vous, il n'est pas inutile de lui rappeler l'attitude de son fiston à la dernière fête de l'école, quand il a uriné sur le père Noël parce qu'il ne lui avait amené qu'un bête livre. Avec un peu de chance, cela lui fera prendre conscience qu'il n'est pas non plus de bon ton de ruiner le grillage qui vous sépare en grimpant dessus comme sur une échelle.

Les commerçants / artisans / vendeurs / professionnels :
Comme ils rendent un service, hors de prix, certes, mais que vous êtes bien incapables de faire vous-même, il s'agit de se montrer empathique. De s'inquiéter du fonds de commerce, de ses marges et de ses bénéfices, même si ses bénéfices à lui, c'est vos trous dans vos comptes à vous.
Comme il ne faut jamais s'avouer vaincu, en profiter pour glisser une allusion ou deux à son confrère d'en face qui pratique de meilleurs prix, ou rend un meilleur service, ça le mettra en confiance pour la prochaine fois...

Les amis :
Le problème avec les amis, ce n'est pas tant de trouver des sujets de discussions, mais de trouver comment les faire partir, au bout d'un moment. On partage par définition un certain nombre d'idéaux, de concepts, mais quand il est 3h00 du mat' et que la petite va se réveiller dans quatre heures à peine, il n'y a plus d'amitié qui tiennent, c'est dehors !
Il est alors temps de sortir la question infaillible : "Dis-donc, t'as une nouvelle montre ?"

Les membres du club :
...de tennis, de foot, de l'amicale des anciens véliplanchistes de Montcuq, ils partagent avec vous UNE activité, et du coup ont l'impression de vous ressembler en tout point... S'ils savaient ! Le plus simple avec eux et de se limiter à des discussions centrées sur le thème qui vous rapproche, même si au bout d'un moment, la planche à voile aussi, ça finit par vous gaver.

Voilà d'où viennent mon stress et mon angoisse de parler avec des gens, et encore, c'est bien pire au téléphone.

Commentaires

1. Le mercredi, 3 octobre 2007, 09:19 par Nath

Le pire de tout quand on est un asocial reconnu par la sécu (séances de psy remboursées, ouf !), ce sont les "illustres inconnus rencontrés au mariage du cousin truc" avec lesquels la recherche du "point commun" se révèle souvent être le parcours du combattant !

2. Le mercredi, 3 octobre 2007, 11:52 par Filou

C'est après la lecture de ce genre d'article que je me dis, finalement, y'a pire que moi :-D

3. Le mercredi, 3 octobre 2007, 13:57 par Stef

Excellent cet article dans le pur style Meromesque :p Même si je me sens pas trop concerné , je suis plutôt a l'aise pour raconter n'importe quoi a n'importe qui, pas inutile parfois dans un boulot de contatct...

Nath : J'ai une anecdote amusante a ce propos. A un mariage d'une amie , son cousin a la table , vendeur en cosmétique commence a parler de son boulot et a critiquer les acheteurs , dont...les pharmaciens. Je lui dit rapidement qu'il y en a 2 a la table pour éviter qu'il s'enfonce trop , il rabat alors sa verve sur les esthéticiennes , comme...ma voisine de table ! ^^ La femme du cousin en question était dépitée , elle l'a regardé comme si c'était un gros boulet mais l'ambiance a été quand même excellente car on a préféré rire de cette entrée en matière impressionnante !

4. Le mercredi, 3 octobre 2007, 13:59 par Merline

Je pense avoir une idée en cequi concerne ta référence en matière de collègue bâté, et tu as raison ;-)
Alors, arrête de vouloir me le refiler et de m'énerver

5. Le mercredi, 3 octobre 2007, 14:38 par Filou

j'ai oublié de dire un truc à propos de cet article, c'est difficile dans les longs articles comme ca de relever qqchose qui a fait rire, mais le coup du
"finissant par me rendre contre que, oui, c'est bien un paquet de papier toilette - 12 rouleaux - double épaisseur que je suis en train d'embrasser comme si c'était un doudou protecteur."
j'ai pas pu m'empêcher de pouffer de rire, mon collègue m'a demandé ce qui se passait ^^

6. Le mercredi, 3 octobre 2007, 15:25 par Merome
Merline : L'autre jour, il m'a demandé comment je faisais pour te garder longtemps comme ça dans mon bureau. Moi je dis, t'as une ouverture ! Et lui, il a déjà un appart ! Fonce !
7. Le jeudi, 4 octobre 2007, 13:41 par MarcVador

Que dire des relations aussi furtives qu'obligatoires dans un ascenseur...
Entre la meteo et les chiens ecrases, la conversation se limite vite au bonjour, au revoir..

8. Le jeudi, 4 octobre 2007, 15:40 par Schtrounch

Waouh! c'est pi etre la deuxième fois que je viens sur ton site.Tu fais fort, je croyais qu'il y avait que Filou pour écrire des articles aussi long. Je l'ai lu jusqu'au bout (car parfois même souvent je me décourage à la moitié)
Bref, j'ai bien aimé ton article. Tous les sujets de conversations ou l'aisance que t'as avec les gens dépend du feeling. C'est comme les entretiens! ^^
Moi ce qui m'a fait sourire c'est l'histoire de la montre avec les amis. J'y penserai la prochaine fois que je fais une soirée chez mi.
Bon voilà après avoir parler pour rien dire.
Je trouve q'un mot à dire.
Ciao ciao

9. Le jeudi, 4 octobre 2007, 17:37 par Filou

Mazette ! ca te réussit vraiment nono de revenir en Ardèche ! Mon dernier article je t'en voudrai pas si tu le lis pas lol, je crois pas qu'il t'intéresse :-P

10. Le lundi, 8 octobre 2007, 08:37 par Merome

Copieur : arretsurparoles.free.fr/i...

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/367