Par Merome, bac (à langer) +7, option famille nombreuse.

Aujourd'hui, je fais du Dolto. A force d'observer mes propres enfants et ceux des autres, j'ai échafaudé ma théorie sur l'éducation qui ressemble sans doute à celles d'autres théoriciens du milieu, qu'ils ne viennent pas m'accuser de plagiat, je ne les ai pas lus !

Pas de théorie valable sans une bonne métaphore de la mort qui tue, j'ai choisi l'image du cadre pour illustrer mon propos. Je m'explique :

L'enfant, pour grandir dans de bonnes conditions, a besoin de savoir où sont les limites du raisonnable, ne serait-ce que pour se positionner lui-même dans cette société hostile et sanguinaire.
Imaginez que l'on vous parachute dans une île déserte, votre premier réflexe va être sans doute d'en faire le tour pour vous rendre compte de la mouise dans laquelle vous vous trouvez. Au passage, vous découvrirez en arpentant l'île ce qui sera nécessaire à votre survie, tout comme l'enfant apprendra la vie en se heurtant aux bords du cadre que vous aurez gentiment placé autour de lui.
J'insiste, sur le "gentiment", car il est en effet sain et nécessaire de placer des limites, sans quoi votre enfant ira les chercher ailleurs, les limites. Il ira se frotter d'abord aux limites légales (délinquance...) , puis aux limites physiques (drogue...) s'il n'a pas trouvé le cadre que vous avez placé autour de lui.

Tout le talent du parent parfait que je ne prétends pas être, va donc consister en la mise en place du cadre qui va bien, ni trop serré, ni trop large, ni à côté... Et, autant le dire tout de suite, c'est un véritable casse-tête. Faisons ensemble le tour des pièges les plus courants :

Chaque cadre est unique, car chaque enfant est unique :
Piège monstrueux de la fonction de parent : ce qui marche pour un gosse ne marche pas pour le suivant. Entre un garçon et une fille, il y a des différences que je ne détaillerai pas ici par pudeur, mais entre deux garçons ou deux filles, les différences sont aussi énormes. La tentation est pourtant grande d'appliquer l'éducation qu'on a reçue à ses propres enfants, ou d'appliquer les mêmes recettes pour tous ses enfants. Ben non, ça marche pas. Ce serait trop facile.

Le cadre trop étroit :
Plein de bonne volonté, vous souhaitez que votre enfant soit parfait, pas comme le morveux du voisin qui a encore tiré les moustaches de votre chat en se poilant. Le cadre est donc façonné de manière à ce que l'enfant ait suffisamment d'espace pour se nourrir et dormir, et encore, pas trop, parce que l'excès en tout est un défaut.
L'enfant va naturellement déborder du cadre à la première occasion, quand vous n'aurez plus les yeux dessus. Et une fois passée cette frontière, va aller tout droit vers le cadre légal et s'y cogner joyeusement.

Le cadre trop large :
Que je sous-titrerai "cadre royal", puisqu'il correspond à la notion d'enfant-roi chère aux soixante-huitard et autres babas-cool. Ici, l'enfant nage dans un océan de liberté dont il ne trouve les bords que très rarement, et de façon tout à fait aléatoire. Pour reprendre l'analogie de l'île, imaginez vous tout seul dans le Sahara avec pour mission de dessiner les contours de l'Afrique, bonne chance !
L'enfant n'ayant pas de limite, ou si peu, il franchit fréquemment la limite de l'espace vital de ceux qui l'entourent, ses parents en premier, mais ce n'est que bien fait pour eux. Mais les personnes extérieures également. J'en connais même qui vont jusqu'à casser des vases chez autrui, si c'est pas de la graine de délinquant, ça !

Le cadre trop biscornu :
A force de tâtonner, les parents construisent un cadre qui finit par avoir une drôle de forme. Intraitable sur l'attitude à table, mais permissif dans les relations humaines, sévère sur le respect d'autrui mais laxiste dans le respect de soi-même... On se retrouve rapidement avec des cadres en forme de dodécagones irréguliers... N'importe quoi.
Le risque sous-jacent est que l'enfant peinera à trouver la logique qui se cache derrière votre construction abracadabrantesque, et qu'il sera tenté de toujours demander votre avis pour savoir s'il dépasse les bornes ou non. Autonomie zéro. Confiance en soi nulle.

Le cadre complètement à côté :
Trop idéalistes, ou persuadés qu'on ne change pas une équipe qui gagne, les parents confiants ont appliqué une recette qu'ils croyaient infaillible. Le cadre est impeccable, logique, parfait, mais... l'enfant n'est pas dedans. Eventuellement, il va se heurter au bord dans le mauvais sens, en voulant y rentrer.

Le cadre fragile :
Manque de volonté ou absence de concertation des parents, le cadre en pointillé va laisser dépasser l'enfant une fois sur deux, ce qui va le désorienter sensiblement. Les limites mouvantes sont très difficiles à appréhender et on se retrouve dans le cas du cadre biscornu.

On pourrait décliner à l'infini les chausse-trappes qui attendent les parents au détour d'une action éducative. Le cadre mou, transparent, asymétrique, clignotant, agénaire (quadragénaire :) )...
L'important est de se rendre compte de l'utilité du cadre et donc de ne pas hésiter à recadrer (ça ne s'invente pas !), le gosse dès qu'il s'écarte de votre ligne de conduite.
Essayez de faire le point sur les valeurs qui vous sont chères, respect, tolérance, autonomie, confiance en soi, bien-être, générosité, gentillesse, affection ??? Tracez mentalement un cadre avec ces limites et avertissez chaque fois que ça déborde.

Voilà pour la théorie, je la tiens bien. Dommage que ça soit inapplicable en pratique ! :(

Commentaires

1. Le vendredi, 3 août 2007, 13:25 par Don

T'as pensé aux gosses qui ont pour unique désir : celui de casser le cadre. Qu'il soit large serré biscornu, adapté ou non... leur seul but est de jouer a sortir du cadre peut importe ce que cela implique. On en fait quoi de ceux là ? :D

2. Le vendredi, 3 août 2007, 13:33 par Stef

Don : Tu parles de ces gosses qu'on peut pas encadrer ? :)

3. Le vendredi, 3 août 2007, 15:59 par Nath

Il y a autant de cadres que d'enfants mais aussi de parents ! L'éducation des enfants est sans doute un des plus gros sujets de débat dans le couple (avec la répartition des tâches ménagères)...

4. Le vendredi, 3 août 2007, 16:26 par Filou

pfff que d'embrouilles !
faites comme moi, pas de gosses, pas de tâches ménagères ! :-D

...et pas de femme :-/

bon, qui a une corde à me prêter ? ^^

5. Le vendredi, 3 août 2007, 17:10 par ko

Chouette billet !

Et il faudrait aussi s'interroger sur la difficulté pour les beaux-parents de définir un cadre, qui ne soit pas le cadre parental, mais un cadre tout de même, en tant qu'adulte amené à fréquenter l'enfant, à vivre avec...

Remarque, c'est bon pour les beaux-parents pas encore parents eux-même : ça fait de l'entraînement dans l'élaboration des cadres...

6. Le vendredi, 3 août 2007, 20:35 par Bob

Est-ce que j'ai le droit de définir un cadre pour mes beaux-parents ? :)

7. Le lundi, 13 août 2007, 23:51 par Parrain

Je pense exactement comme toi, je suis le papa de trois enfants (15,10 et 8 ans) que j'élève tant bien que mal avec cette philosophie.

Je suis aussi le parrain d'un petit Gabriel de trois ans et demi, charmant, adorable, intelligent, plein de joie de vivre, déjà sportif, infatiguable, joueur, tendre,...., mais très difficile a vivre pour ses parents. Il commence même à avoir des problèmes à l'école gardienne (la maîtrese l'a déjà envoyé s'expliquer dans le bureau de Monsieur le Directeur). Ses parents sont égalements très bien ; travailleurs, disponibles, aimant pour leurs enfants (fille ainée et Gabriel).

Je ne pouvais pas croire que Gabriel puisse être difficile jusqu'au moment où, durant les congés.....il est venu passer une semaine chez moi. Je n'y ai plus rien compris, j'ai fait une régression vers l'époque où j'étais jeune père ; cris, colère, fessée, mise au lit,...... et culpabilité, questionnement, remords.

Pourquoi un petit garçon aussi GENIAL peut il devenir la pire des pestes ; mobiliers cassés, désobéisance, défit, colère, gros mots,.....

Je me suis aperçu que je découvrais mon fileul.

je pense qu'il s'agi de l'exemple parfait de ce que tu dis être "un cadre trop étroit".

En effet, la maman est parfaite, elle est très heureuse de l'éducation qu'elle donne à sa petite fille, plus agée que Gabriel. Elle veut redonner la même éducation au petit garçon. Or, elle est très exigeante (vis-à-vis d'elle même d'abord) en matière de propreté, d'ordre, de discipline, de tenue vestimentaire,...... Par exemple, pas possible de jouer dans le jardin (pelouse) le matin avant que la rosée ne se soit évaporée car les pieds mouillés salisent la maison, pas de trotinette, c'est trop dangereux. Tout doit être encadrés.

Et bien voilà, le cadre est trop étroit, GABRIEL est obligé d'en sortir pour survivre. Donc durant toute l'année, il s'attend à être puni. Donc puisqu'il est intelligent, il simplifie le problème, pas besoin de se poser la question du bien ou du mal. Il fait ce qu'il a envie, de toute façon, il sera puni.

Et ce, d'autant plus, qu'après la punition, ses parents s'en veulent, ils tentent de soulager leur conscience, donc, ils le caline.

Voici donc, notre GABRIEL, après s'être fait disputé, venant vous faire un bisou comme si ne rien n'était. Donc, de plus en plus craquant, mais comme il recommence ses bétises, les parents sont de plus en plus déçus. La colère monte, création d'un cercle vicieux.

Je vous rejoins tous, il faut mettre des limites claires aux enfants et il faut être ferme (je n'ai pas gardé de traçe de la dernière fessée que m'ont père m'a donnée), mais il faut aussi des espaces de liberté, des jeux, une prise de risques calculée et psychologiquement supportée par les parents.

Je suis désolé de ne pas avoir compris GABRIEL avant la fin de ses vacances chez moi.

Dois-je en parler à ses parents que j'estime beaucoup et dont je ne voudrais pas perte l'amitié ?

Signé : un parrain qui voudrait que tous les petits Gabriel vivent heureux.

8. Le mardi, 14 août 2007, 08:20 par Merome
Parrain : envoie les parents sur ce blog :) (je peux changer les prénoms si tu ne veux pas qu'ils s'y reconnaissent :) )
9. Le mardi, 13 novembre 2007, 23:49 par valou

moi je n'ai pas fait de cadre mais juste un tuteur pour l'aider à grandir et à pousser droit ! Je ne sais pas si c'est mieux mais çà aide ...

10. Le mercredi, 22 octobre 2008, 18:25 par kahina

Bonjour,

Je suis journaliste et je réalise un reportage sur l'éducation et l'autorité, la façon Dolto existe-t-elle toujours? . Si vous êtes disponible et concerné par ce sujet n'hésitez à m'envoyer vos coordonnées téléphoniques par mail pour qu'on puisse en discuter de vive voix. Mon mail c'est contact@enibas.fr

Merci, cordialement, Kahina.

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1. Le mardi, 14 août 2007, 09:28 par Weblog des Dahus

L'école de la Vie

Ce qu?il y a d?extraordinaire avec les enfants, c?est que l?on a toujours l?impression d?avancer tels des funambules : le moindre faux pas et c?est la chute. On beau lire « Tous se joue avant 6 ans », écouter Edwige Antier...

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