C'est comment là-haut ?

Le coup de téléphone est arrivé le 30 mai en début d'après-midi.

Ça faisait un peu plus de trois semaines qu'on savait qu'il allait arriver, ce putain de coup de téléphone. Trois semaines à redouter cet appel, sursauts et accès de panique à chaque sonnerie : je n'osais plus appeler à la maison ou sur le portable de ma femme pour ne pas lui faire subir ça une fois de plus, on avait déjà bien assez de toute sa famille qui appelait chez nous en rafale.

Trois semaines à se précipiter sur les combinés dès la première sonnerie, pour voir l'appelant le plus tôt possible et se rassurer que ce n'était pas encore pour cette fois-là. Pas maintenant, pas déjà, pas tout de suite, pas encore, pas possible, on n'a pas eu le temps de... Mais on savait de toute façon que ça serait forcément trop tôt et qu'on n'aurait jamais le temps de. Que ce coup de téléphone allait arriver un jour et qu'on n'y pouvait rien. Trois semaines dans à attendre l'échéance, inconnue et pourtant inévitable. Ambiance irréelle.

Et puis progressivement on a fini par le vouloir, presque par l'espérer. Parce que ça ne pouvait plus continuer longtemps comme ça, parce qu'il ne fallait pas que ça continue longtemps comme ça. Parce que maintenant que le mal était fait et puisqu'il fallait que ça sonne, autant que ça sonne maintenant.

Parce qu'on se faisait une raison, même si on savait que ce n'était pas possible de s'en faire une, pas vraiment. Parce qu'on avait quand même un petit peu eu le temps de, pas assez bien sûr puisque ça ne serait jamais assez, mais suffisamment quand même pour ne pas trop regretter. Parce que « c'est mieux comme ça », comme on dit...

Parce que le cancer est une maladie de merde, tout simplement.

Le coup de téléphone est arrivé le 30 mai en début d'après-midi et la Terre s'est arrêtée de tourner.

La plus belle sépulture que l'on puisse lui faire, c'est de garder toujours dans notre cœur tous les bons souvenirs que l'on a d'elle.