Une petite nouvelle (attention, sous-titre à double sens).

Le billet ci-dessous est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existés serait parfaitement fortuite et indépendante de ma volonté. Pour ceux qui ne l'ont pas encore remarqué, j'aime bien écrire des histoires, de temps en temps.

Nous sommes dans le train de 6h12, arrivée prévue à Paris Gare de Lyon à 8h53. En face de moi, dans le compartiment, mes deux collègues, Roger du service contentieux, et Michaël de la comm', contemplent le paysage d'un air distrait. De temps à autre, ils jettent un regard discret sur les jambes interminables de la charmante personne qui est assise à mes côtés. C'est Jessica, la stagiaire de la compta. Michaux, son chef de service lui a demandé au dernier moment de nous accompagner pour le stage à Paris.
Le thème : les "relations humaines au bureau". C'est un de ses séminaires où l'on est censé apprendre à communiquer correctement avec ses collègues, tenir une réunion constructive, passer au-delà des relations hiérarchiques classiques... De la foutaise, vraisemblablement, mais je n'ai pas pu y échapper, moi non plus : cela fait cinq ans que je suis dans la boite et j'ai encore zéro jour de formation à mon compteur, ce qui pourrait "nuire à mon avancement", dixit mon chef de service. Roger quant à lui profite de chaque occasion pour glander en dehors du bureau tandis que Michaël est un noceur fini qui sort chaque soir jusqu'au bout de la nuit, la tête explosée par diverses substances licites et illicites qu'on trouve plus facilement à Paris que dans notre vieille province.

Pour engager la conversation tout à l'heure, Roger a sorti le grand jeu du séducteur :
- C'est joli Jessica comme prénom.
- Je suis d'origine italienne, j'ai habité à côté du Vésuve, dont j'ai d'ailleurs gardé le tempérament.

Le ton était donné.

Entouré de cette paire de joyeux drilles et de cette jeune fille, qui ne peut laisser insensible, je m'apprête à passer trois longs jours, loin de ma femme et de mes habitudes. Je suis marié depuis deux ans, ce qui ne m'empêche pas de compter chaque fois les jours qui nous séparent de nos prochains moments intimes. C'est une obsession sans doute, un vice. Mais, si vice il y a, il me semble sain dans la mesure où je suis toujours fidèle et respectueux en amour.
Et justement, ce déplacement tombe particulièrement mal pour moi : cela fait des nuits que je n'ai pas pu toucher ma femme. Cela a commencé par la pause mensuelle règlementaire de cinq jours, inévitable voire idiote, quand on sait que cela est provoqué par l'arrêt inutile de la pilule pendant une semaine, juste pour retrouver un cycle qui ressemble à "avant". Une pause immédiatement suivie par un herpès mal placé, dissuadant de tout contact avec l'autre pendant quelques jours.
Lorsque la pharmacienne m'a tendu le minuscule tube de 2g de Zovirax, je me suis exclamé "Vous plaisantez ?!" en essayant de lui faire comprendre par des gestes non-obscènes que compte-tenu de la surface à traiter, la quantité de produit était ridiculement sous-dimensionnée.

Le cuir inconfortable de ces sièges de seconde classe me rappelle que la gêne est encore perceptible : ça me gratte grave ! Je n'ose pas imaginer ce que diraient les deux zigotos en face de moi s'ils savaient combien et de quoi je souffre. Depuis que Jessica est sortie du compartiment pour aller aux toilettes, les commentaires machos succèdent aux remarques graveleuses sur la tenue de la stagiaire. Ils lui prêtent même une aventure avec le contrôleur, lors de l'arrêt en gare de quelques minutes tout à l'heure. Il faut dire que la fille a une de ces voix grave, mais suave, qui rentre directement en résonance avec les testicules. Une chose est sûre : ils ne regrettent pas d'être venus, et ils établissent déjà leur plan d'attaque pour les deux soirées qui s'annoncent.

Le train stoppe sa course lentement, je jette un oeil sur le plan de métro pour trouver la ligne qui nous amènera jusqu'à l'Hôtel du Beau Repaire où nous passerons nos deux nuits. C'est à deux pas du lieu de formation, ce que je souhaitais, au grand dam de Michaël qui aurait voulu un hôtel plus proche du centre ville. L'accueil des participants a lieu à 10h00, ce qui nous laisse largement le temps de passer poser nos affaires à l'hôtel. Je laisse le choix des chambres à mes comparses, n'ayant aucune arrière-pensée pour ma part. Ils choisissent fort logiquement les deux chambres de part et d'autre de celle de Jessica, qui s'en amuse d'ailleurs ouvertement devant le maitre d'hôtel. Je suis à l'étage en-dessous, peinard.

La première journée de formation est ennuyeuse à mourir : après le traditionnel tour de table de présentation, nous avons eu droit à une partie très théorique sur les codes relationnels selon les cultures. Personnellement, j'en ai un peu rien à secouer de savoir que les esquimaux se frottent le nez pour se dire bonjour, ou que les Papous arborent des étuis pelviens - encore que je serais curieux de savoir comment se conjuguent l'étui pelvien et le zovirax, parce que visiblement, nos tissus modernes ne sont pas adaptés !
A 17h00 nous sommes libres et désoeuvrés, prêts à meubler une première longue soirée. Je choisis de passer prendre une douche à l'hôtel, alors que mes collègues cherchent un bar en attendant de chercher un restaurant. Passionnante occupation du stagiaire loin de chez lui. Nous décidons de nous retrouver deux heures plus tard en bas de l'hôtel.
Une douche et un coup de téléphone plus tard, j'attends patiemment en bas de l'immeuble en lisant un magazine. Ils arrivent un quart d'heure après, tous trois passablement éméchés et sans doute plus complices aussi. Je le sens d'ailleurs bien pendant tout le repas, alors que je m'acharne à découper ma pizza trop sèche, je vois mes deux mâles en rut qui s'efforcent à faire de même avec une seule main, l'autre trainant sous la table sans doute à la recherche d'une cuisse offerte et dénudée.

Je décide de rentrer immédiatement après le dessert, mes collègues, eux, poursuivent la nuit dans un night club tout proche.
Je les entends rentrer vers 2 heures du matin, alors que j'ai passé un temps fou à zapper sur les chaines câblées proposées par l'hôtel. Je regarde assez peu la télé d'ordinaire, mais pour tuer le temps dans une chambre d'hôtel, il faut avouer que c'est pratique. Ils arrivent donc bruyamment à l'étage au-dessus, en riant. La voix particulière de la stagiaire perce la dalle de béton d'une manière assez étonnante, on peut entendre presque distinctement chacun de ses mots.
Rapidement, le dialogue tourne au râle de plaisir. Je ne sais pas lequel de mes collègues a conclu, mais ce fut diablement efficace, une affaire rondement menée. Pas évident de se concentrer sur le "Très chasse" que diffuse TF1 à cette heure, avec pareils bruits de fond. J'éteins la télé, et m'enfouis sous l'unique traversin dont la chambre est munie.
Satané herpès ! Ça me gratte !

Le lendemain matin, au petit-déjeuner, j'essaie de deviner, à leur tête, lequel de mes deux comparses a fini dans la chambre de la demoiselle. Ce n'est pas simple car ils se sont tous couchés tard, quoi qu'il en soit. A la pause de 10 heures, profitant d'une absence de Jessica, mes deux collègues me prennent à part :
- Il faut que tu nous aides !
- Vous aidez ? Mais à quoi faire ?
- Cette nana est une diablesse. Hier soir, à deux, on n'en est pas venu à bout.
- A deux ?!
- Chut ! Oui, à deux. Ce soir, il faut que tu nous aides !
- Mais comment ?
- Ben viens avec nous !
- Ça va pas, je suis marié, moi !

Sur ces paroles, la stagiaire revient, sa jupe rouge fait encore dix centimètres de moins qu'hier, alors qu'hier, ça frôlait déjà l'indécence. Je digère lentement les informations que je viens d'apprendre, je sens comme une odeur de pommade chaude et des démangeaisons. Merde, le Zovirax !

Je passe le reste de la journée à essayer d'oublier ce que j'ai entendu. Mais lorsque le formateur nous propose de développer notre confiance en les autres, en acceptant de se laisser tomber en arrière en fermant les yeux dans les bras d'un autre élève, c'est moi qui ai réceptionné Jessica, et joui d'une vue imprenable sur le décolleté rebondi de l'italienne qui a fini sa course la nuque contre l'anneau de mon ceinturon.

A la fin de la journée, nous rentrons tous à l'hôtel. Sur le trajet, Roger passe dans une pharmacie pour acheter du Dexeryl, spécialement indiqué en cas de brûlures légères... Le Vésuve a fait une nouvelle victime ! Il ressort de la pharmacie avec un tube de pommade énorme, que je ne peux m'empêcher de comparer avec mon tube à moi. Je suis jaloux.
De retour dans ma chambre, comme la veille, j'en profite pour passer un coup de fil à ma chère et tendre. Malheureusement, quelques minutes après, des gémissements se font entendre à l'étage au-dessus. C'est pas vrai qu'ils remettent déjà ça ?! Pour éviter tout incident diplomatique, je coupe court à la discussion en prétextant l'irruption d'un collègue dans ma chambre. Enfin, ce soir au moins, je serai tranquille, me dis-je.

Naîf que j'étais ! Le soir, ils recommencent de plus belle ! Comme il est encore relativement tôt et que je n'ai pas sommeil, je monte le son de la télé et essaie de me changer les idées. "9 semaines 1/2" sur TF1, "Sex intentions" sur France 2... Le sort s'acharne. Il faut tenir encore un jour !
Deux heures plus tard, l'éruption du volcan italien à l'étage au-dessus n'est toujours pas calmée. Je zappe sur Canal et tombe sur une rediffusion du porno du mois. Mais c'est pas vrai ! Lachez-moi la grappe à la fin !
La bonne nouvelle, par contre, c'est que les démangeaisons s'estompent, je suis guéri, enfin.
Demain, je rentre à la maison, et je pourrais rattraper le temps perdu.

Le lendemain, je ne pense plus qu'à ça. La mine déconfite de mes trois compères me laissent penser qu'ils ont continué leurs cochonneries bien après que je me sois finalement endormi en regardant la chaine Disney. Je pense qu'ils ont effectivement bien progressé dans le domaine abordé par le stage. Les relations humaines, la théorie, la pratique, ils ont tout fait. Ce soir, c'est mon tour. La fête du slip.
Bon, je vais essayer d'être adroit et laisser un peu de temps à ma femme avant de commencer à lui arracher ses vêtements, c'est plus poli. Quelques minutes suffiront pour qu'elle me raconte ses journées sans moi et moi les miennes sans elle. Passé ce délai, je ne donne pas cher de sa peau.
Dans le train du retour, je monte en pression. Roger sort toutes les dix minutes pour aller se tartiner de Dexeryl aux toilettes, les deux autres dorment comme des loirs, un filet de bave s'écoule lentement des lèvres entrouvertes de Michaël.

Je peaufine le scénario dans ma tête. Elle va venir me chercher à la gare, on pourra discuter dans la voiture sur le chemin du retour et à l'arrivée chez nous : paf ! Net et sans bavure, pas de perte de temps. Et peut-être bien rebelote après le repas si je me sens en forme, y a pas de raison !
Le train arrive en gare, je guette la présence de ma femme sur le quai, comment est-elle habillée ? Hmm, la jupe bleue, le petit décolleté, ça se présente pas mal du tout ! Ce que je n'ai pas vu immédiatement par contre, c'est ses parents, derrière elle. Ce n'est qu'en descendant du wagon que je réalise : mais qu'est-ce qu'il foutent là, ceux là ?
Je prends un air faussement souriant :
- C'est gentil d'être venus me chercher en gare ...
- Je n'ai pas eu le temps de te le dire au téléphone hier, mes parents viennent passer quelques jours chez nous !
- Chez nous ! Mais ils vont dormir où ? On n'a qu'une chambre !
- Ben sur un lit de camp, dans notre chambre, pour quelques jours, ça va bien aller...
- Oui, ne vous inquiétez pas, ajoute ma belle-mère croyant me rassurer, on peut se contenter d'un lit de camp !
- Oh ce n'est pas pour vous que je m'inquiète... Je veux dire, c'est pas pour le lit, mais pour le ... la promiscuité, vous comprenez, on va un peu se marcher dessus. Vous ne seriez pas mieux à l'hôtel ?
- Mais enfin, on ne va pas faire coucher mes parents à l'hôtel ?!
- Tu as raison, dans ce cas, allons à l'hôtel, nous, et laissons-leur notre appart pendant quelques jours ?
- Il n'en est pas question, intervient mon beau-père. Et puis, je me suis pas fait chier à mettre le matelas de camping dans la bagnole pour rien !

Rien à faire, c'est râpé pour ce soir. Et pour les soirs suivants aussi. A moins que j'arrive à convaincre les beaux-parents de partir... Je sais ma belle-mère un tantinet jalouse... Ça me coûte rien d'essayer...

- Beau-papa, vous qui adorez l'Italie, il faut que je vous présente une collègue à moi que j'avais justement l'intention d'inviter ce soir à dîner, si ça ne vous dérange pas bien sûr... Jessica ?!

Commentaires

1. Le jeudi, 15 février 2007, 00:08 par Stef

Vu que tu connais désormais le prix du tube -ridicule- de Zovirax , je te propose d'en calculer le prix exorbitant au kilo.
Si tu n'y arrive pas , n'hésites pas a demander de l'aide a quelqu'un du service compta... ;)

2. Le jeudi, 15 février 2007, 00:49 par christ'M

Quelle rigolade !! trop marrant !!
Dur la St Valentin ....tintin !!!
Vive les amoureux , et bravo pour Ta fidélité !

3. Le jeudi, 15 février 2007, 05:30 par 100

Quand même la fiévre ca a du bon ;-) tu es comme les grands écrivains qui ecrivaient quand ils etaient dans un etat second :-D
C'est cool à lire le lendemain de la Saint valentin....

4. Le jeudi, 15 février 2007, 09:17 par Merome
Stef : J'ai beaucoup pensé à toi en écrivant ce truc :)
Christ'M : Les histoires sont plus belles que ceux qui les écrivent
100 : Toi, tu te lèves trop tôt pour être honnête. Tu n'aurais pas des choses à cacher dans la journée ? :)
5. Le jeudi, 15 février 2007, 10:23 par Filou

heu...et sinon t'as pas son numéro à la Napolitaine volcaNIQUE ? :-D

6. Le jeudi, 15 février 2007, 10:47 par christ'M

Mérome:
Christ'M : Les histoires sont plus belles que ceux qui les écrivent

C'est pour celà que ta verve est éloquente !!!
(oufff !!! je verifie qu'il n'y est pas de faute de frappe !!!) mdr !

7. Le jeudi, 15 février 2007, 11:00 par Merome
Je sais, j'ai une grosse verve. Ma femme me le dit souvent.
8. Le jeudi, 15 février 2007, 12:56 par marzi

... dire qu'il m'arrive de me dire que je suis un sale pervers, finalement, par rapport à toi, j'ai de la marge..

9. Le jeudi, 15 février 2007, 14:22 par Merome
Relis la définition de pervers et explique-moi en quoi ce texte, et pire, son auteur peuvent avoir quelque chose de pervers ?
10. Le vendredi, 16 février 2007, 08:24 par Marzi

Le simple fait de raconter des histoires aussi tordues que ca me fait penser à ca... maintenant, que je détourne un peu le sens de pervers, oui, tu as raison, j'aurais du employer "obsedé" :)

11. Le samedi, 24 février 2007, 00:04 par Stef

Jai bien pensé a Merome cet aprem au boulot : Une femme se présente avec une ordonnance pour son mari. Dessus figure une crème contre les mycoses et un savon d'hygiène intime , ok. Le dedit tube de Fazol contient 30 grammes de crème et il doit en appliquer matin et soir pendant 8 jours.
Elle : "Un seul tube , ça va suffire ?"
J'ai hésité a lui demander si elle était la "secrétaire" de Mérome. Je ne l'ai pas fait , j'ai eu peur qu'elle ne comprenne pas... :)

12. Le lundi, 30 novembre 2009, 12:45 par Externalisation

Votre histoire est drôle, et la stagiaire en compta, grave. Beaucoup d'histoire pour une stage !!!

Je laisse le commentaire, mais je vire le lien. - Merome

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