La société de l'information à la veille d'un scrutin majeur

Imaginons ce que pourraient être les classes sociales, si elles étaient appliquées au monde de l'information.

Avant propos
L'article ci-dessous ne doit pas être interprété comme une critique ou un jugement de valeur sur les classes sociales que nous connaissons. Il s'agit avant tout de faire un parallèle (idiot, j'en conviens) entre la Société (globalement) et la société de l'information comme on l'appelle parfois dans les journaux pour crâner. Il y a également un arrière-goût ironique et une auto-dérision qui sera, j'espère, perçus par tous comme il convient.

Puisque nous sommes à l'ère de l'information, avec ses autoroutes et les bouchons qui vont avec, il est fort logique qu'un nouvel ordre social se matérialise à la lumière des différences d'accès à ces nouvelles richesses. Ainsi, on peut discerner d'ores et déjà plusieurs catégories "socio-informationnelles", qui sont autant de classes pour une éventuelle prochaine lutte.

Le chômeur de l'information est un exclus du système. Il ne s'informe tout simplement pas, parce qu'il n'en a pas les moyens, intellectuels ou financiers. Tout juste est-il au courant de la victoire de Sochaux sur Monaco en 1/8eme de finale de la coupe de France parce qu'un copain supporter lui a dit ce matin à la pause. Il se fout bien de savoir pour qui il va voter puisqu'il ne sait même pas qui se présente ni qui est au pouvoir actuellement. Il n'a d'ailleurs jamais bien compris l'intérêt de la démocratie, à partir du moment où il peut se payer un néon fluo pour mettre sous sa "206 Touch" avec des autocollants en forme de flammes sur les portières.

L'ouvrier de l'information s'informe en regardant le journal télévisé de TF1. Ou pire : il regarde le JT de France 2 en croyant que c'est mieux ! Il sait mieux que quiconque le nom des peoples qui supportent les candidats de gauche ou de droite. Il s'est intéressé à la couleur des robes de Ségolène et s'est moqué de la taille de Sarkozy qui porte des talonnettes. Ce qui lui donne de solides bases pour choisir son bulletin.

Le technicien de l'information a compris que la télé présentait une vision déformée de la réalité par la sélection des images. Il écoute la radio, où des chroniqueurs talentueux lui décryptent l'information politique comme personne. Il se moque volontiers de l'ouvrier de l'information qui ne sait même pas qu'il y a, non pas deux, mais trois partis politique en France, celui de François Bayrou étant souvent oublié des informations télévisées.

Le cadre de l'information est abonné à Le Monde, Libération et Le Figaro. Il sait bien que non seulement la radio ne fait que courir après le scoop depuis que la télé lui a pris une part de marché importante, mais aussi qu'il faut multiplier les sources pour avoir une information de qualité. Il s'est amusé des phrases en créole de Ségolène et s'est inquiété de l'enquête ADN pour le scooter du fils Sarkozy. Il peut ainsi argumenter correctement sa position dans les débats qui ont lieu à la fin des repas de famille.

Le Cadre sup' de l'information ne lit que Marianne et le Canard Enchainé. Tous les autres médias sans exception étant, c'est bien connu, à la solde de l'UMP et du PS. Profondément contestataire, il a un esprit de contradiction à toute épreuve. Il sait que Ségolène n'est pas toute blanche même si elle apporte vraiment quelque chose de nouveau au PS, ni Sarkozy tout noir, même si son utilisation des moyens de l'Etat pour sa campagne est inadmissible. Il sait aussi que le FN rôde, et que les altermondialistes sont infoutus de trouver un candidat commun. Pourtant s'ils y étaient arrivés, il aurait voté pour ce candidat.

Le directeur général de l'information s'est aperçu que même Marianne et le Canard Enchaîné diffusaient une opinion, et qu'elle était différente de la sienne. Il diffuse donc sa propre opinion avec ses propres moyens et les trois commentaires qu'il a à chacun de ses articles de blog prouvent que ses idées ne sont pas si mauvaises. Il a voté non au TCE parce qu'à l'article VIII, paragraphe 3, il y avait une faute de syntaxe qui pourrait laisser penser que les libertés individuelles ne seront pas respectées avec ce traité. Il est intimement persuadé que les 55% qui ont voté non comme lui l'ont fait strictement pour la même raison. Depuis, il appelle de ses voeux un 6eme république, ou même une 7ème, si ça ne suffit pas.

L'énarque de l'information ne se préoccupe plus de l'information : il crée lui-même l'information et sait qu'elle sera relayée à la télé, à la radio, dans la presse écrite et sur les blogs sans qu'il n'ait d'effort particulier à produire. Il décide un jour que les robes de Ségolène sont trop blanches pour être honnètes, le lendemain que les RG ne doivent pas être tout net sur leurs enquêtes dans l'entourage des ennemis politiques de Sarkozy qui est décidément très petit, comme gars. Il sort ensuite un sondage qui montre que Bayrou est le vrai troisième homme, pour voir comme les classes inférieures réagissent. Il agite Hulot devant les caméras, puis il agite Bové, pour voir ce que ça fait. Il fait croire enfin aux directeurs généraux de l'information que la campagne se joue sur internet.

Tout ce petit monde n'a qu'une vision tronquée, déformée de la réalité des choses, mais qui lui convient parfaitement. En Mai, il votera ou ne votera pas, mais en étant persuadé de faire le bon choix. Et le résultat de ce choix collégial deviendra... une information qui sera tronquée, déformée et relayée dans chacun des classes à sa manière.

Commentaires

1. Le jeudi, 1 février 2007, 19:44 par jcm

Dans tous les cas nous aurons devant l'urne une sorte de crétin majeur... bardé de ses certitudes qui ne valent définitivement rien...

Ou bien loin des urnes d'autres crétins certains que le scrutin ne vaut rien...

A croire que notre "fabuleuse intelligence" fait des humains les plus stupides des animaux...

Faut remarquer au passage que le putois, le renard, le gavial, le pic épeiche, le gnou... et les autres n'ont jamais trouvé utile de se fatiguer à "travailler", construire, inventer, se faire la guerre, toutes activités absolument indispensables à notre vie, car génératrices "d'informations" très "chaudes" dont nous sommes si friands...

J'aurais aimé être un orignal au XIII ème siècle...

2. Le jeudi, 1 février 2007, 22:20 par Filou

plaisant à lire mais tellement d'ironie dans cet article qu'il en devient difficile à commenter de facon intéressante...

le meilleur exemple ?...bah ce commentaire là :D

3. Le jeudi, 1 février 2007, 23:25 par moi

Les sondages des présidentielles sont le reflet de la société de l'information d'aujourd'hui : une belle propagande !
M. Bayrou crédité de 14% alors qu'il avait moins de la moitié de ce score il y a quelques jours c'est à mourir de rire ; plusieurs millions de français ont changé d'opinion comme ça par enchantement, le candidat Bayrou n'ayant pas fait d'annonce particulière je me trompe ? Ou alors je fais parti des chomeurs de l'information.

Ne chercher pas la véritable information auprès des médias "de base". C'est sur le net que ça se passe les enfants. Vive le web 2.0 !

4. Le vendredi, 2 février 2007, 08:02 par Merome
Filou et "moi" : la leçon à tirer de l'article, c'est qu'il ne faut pas se croire plus malin que les autres sous prétexte qu'on connait les défauts des autres médias que l'on utilise plus pour s'informer. Chaque source d'infos a ses défauts et son orientation. Non seulement il faut multiplier les sources, mais garder son esprit critique, même lorsque la source nous paraît ultra-fiable.
5. Le vendredi, 2 février 2007, 09:32 par marzi

@moi : enfin, ca se recadre : ce matin, JMLP à 16% dans le sondage. Ceux qui croient encore que Bayrou est le troisieme homme vont tomber de haut dans qq semaines..

6. Le vendredi, 2 février 2007, 10:08 par Bob

... et ceux qui croient encore aux sondages feraient bien de se souvenir qu'un sondage d'opinion ne veut strictement rien dire et n'a aucunement le caractère représentatif dont les instituts essaient de l'affubler.

Souvenez-vous il y a 5 ans au soir du premier tour : devant caméras et micros, les directeurs d'instituts de sondage étaient là à se raccrocher aux branches, piteux comme une Madame Soleil qui viendrait de se ridiculiser en public, "ah ben celle-là on ne l'avait pas vue venir, bla bla bla, marge d'erreur, bla bla bla, incertitude, bla bla bla, le terrain était trop lourd et les candidats avaient mangé des cochonneries avant la course, bla bla bla, on vous a raconté des craques mais c'est pas notre faute si vous les avez crues".

On peut faire dire tout et n'importe quoi à des statistiques issues d'un échantillon "représentatif" de 800 à 1000 personnes (taille habituelle des populations utilisées dans les sondages politiques); on nous lance des chiffres hyper-précis à deux décimales alors que derrière il y a des marges d'erreur de plusieurs unités; les journalistes et sondeurs eux-mêmes entretiennent (sciemment ?) la confusion dans le vocabulaire, entre les points, les pourcentages... la réalité est qu'on verrait à peine la différence si ils pondaient leurs chiffres avec un seau de dés.

En fait on devrait écrire çondage. Avec un c comme çon.

7. Le vendredi, 2 février 2007, 11:14 par Merome
Ceci dit, le résultat du scrutin, à 20h00 le dimanche soir, c'est un sondage qui le donne. "Bull-BVA" dans le temps, c'était :)
8. Le vendredi, 2 février 2007, 12:30 par marzi

Pas tout à fait comparable : c'est les résultats de certaines circonscriptions tests, déjà dépouillées donc, qu'on extrapole sur la france entière. Donc, sur l'extrapolation, il y a la marge d'erreur, mais elle est bien moindre car il n'y a pas l'effet 'je vote le pen mais je dis que je vote sarko' d'un vrai sondage avant l'election.
Et donc, les marges d'erreur constaté sur le chiffre donné à 20h et le résultat final reste très limité.

9. Le vendredi, 2 février 2007, 13:40 par Merome
Il me semble qu'il y a aussi un sondage "sortie des urnes" qui entre en ligne de compte.
10. Le dimanche, 4 février 2007, 00:15 par Arnaud

On s'éloigne un peu du sujet dans ces derniers commentaires !
Enfin, pour ma part, j'ai énormément de mal à me ranger dans une catégorie.
Je ne sais pas si vous avez vu jeudi soir, il est passé (je ne sais plus sur quelle chaine) un documentaire (journalistique sans parti pris) sur la France d'après-guerre du départ de Gaulle en 1946 jusqu'à son retour en 1958 (la 4ème république quoi).
Et bien, en extrapolant ;) je dirais que dans ce cas, c'est l'homme et ce qu'il est et non pas sa politique qui a fait changé la France. Il n'y a pas de droite ni de gauche la dedans mais seulement le pouvoir charismatique d'un homme.
En 1958, Les gens ne se sont pas retrouvés avec plus dans leur assiette d'un coup mais ils ont eu Confiance et c'est elle qui a fait le reste.

Ce qu'il faut c'est un homme ou une femme qui redonne confiance aux gens, c'est tout ! Personnellement, je n'en vois, pour le moment aucun(e) qui se présente.

C'est marrant comme l'histoire peut nous éclairer sur le présent et je l'espère aussi sur l'avenir ;) Et la, je pense que le Web 2.0 comme vous l'appellez pourra nous servir.
Enfin, Merome, la 5ème n'est pas si mal ! Le problème n'est pas là !

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