A quelques mois des élections présidentielles, essayons de prendre un peu de hauteur et d'analyser les derniers scrutins importants. Je sais, je l'ai déjà fait mille fois ici, mais on va essayer de trouver un autre angle d'attaque, vous voulez bien ?
Volontairement, je vais limiter l'analyse à deux cas d'école : le 21 avril 2002, dernière élection présidentielle, et le 29 mai 2005, référendum sur la Constitution Européenne.
Qu'ont fait les électeurs lors de ces deux scrutins ? Ils ont fait péter (en tout cas, ils ont essayé) la bipolarisation. Ras le bol. Les bons d'un côté, les méchants de l'autre ? Assez. On n'en veut plus. On veut un bon film, avec un vrai scénario.
Les journalistes et les médias, comme moi, ont cherché à comprendre et expliquer ces anomalies dans l'histoire politique française. Je rappelle pour ceux qui n'étaient pas nés à l'époque et qui, je sais, sont nombreux à lire ce blog, que 2002 a vu Le Pen au second tour contre toute attente, à la place de Jospin, et 2005 la victoire du Non alors que non seulement tout le monde voulait qu'on vote Oui, mais en plus personne n'était véritablement convaincu par son vote, dans les deux camps.
Tout a été dit, et son contraire, à propos de ces élections, mais très peu de voix se sont élevées contre le mode de scrutin. Pourtant, qu'il est inique ! Je ne vais pas en refaire la preuve, alors que je l'ai déjà faite. Soit vous êtes déjà convaincus, soit vous ne le serez jamais. Mais on peut essayer d'expliquer pourquoi ni l'UMP, ni le PS (pourtant victime en 2002) n'envisage de changer quoi que ce soit à cet état de fait.
Je crois que c'est assez confortable, pour certains, de chercher à faire perdre l'autre, plutôt que de gagner. Gagner des voix demande un effort, un programme, des idées. Tendre des pièges à l'ennemi avec l'assurance que s'il perd, c'est moi qui gagne, c'est bien plus tranquille. Une chance sur deux, c'est mieux qu'une chance sur 8 ou 10 ou 16, selon le nombre de candidats.
Pour les médias aussi, un duel est plus facile à commenter et à vendre. D'un côté les bons, qui étaient, sont et resteront les meilleurs, les gentils... et de l'autre, les méchants, qui sont aussi bêtes que de mauvaise foi. Une seule originalité par rapport au téléfilm à deux sous : c'est le téléspectateur qui choisit qui il considère comme bon ou méchant. Le scénario, lui, est malheureusement le même à chaque fois. Rien ne change. Et on s'ennuie.
Changer de mode de scrutin n'est certes pas très facile à mettre en place, d'autant plus que l'on est très pollué par nos habitudes. Grâce à l'inévitable Bob, j'ai pu tester, et vous invite à faire de même, le vote pondéré.
Déjà, il faut comprendre le fonctionnement : des points positifs à distribuer entre les candidats que l'on apprécie, des points négatifs aux autres. Ensuite, il faut imaginer la stratégie de vote, et là, c'est la vraie prise de tête : faut-il mettre plein de points à son favori ou distribuer les bons points à tous ceux à qui l'on n'est pas hostile ? Faut-il plomber carrément Le Pen ou garder un peu de points négatifs pour saquer De Villiers ?
L'exercice est d'autant plus difficile que la campagne, elle, est calquée sur notre mode de scrutin actuel. Elle est bipolarisée à mort. Le vote pondéré donne donc fort logiquement un Bayrou grand vainqueur, non pas parce que c'est le meilleur compromis, mais parce qu'il est bénéficiaire direct des votes hostiles dirigés contre Ségo et Sarko.
En imaginant que le mode de scrutin soit basé sur ce modèle, la campagne serait radicalement différente. Personne n'aurait alors intérêt à attaquer l'autre frontalement, car il s'attirerait alors les votes négatifs des partisans de son ennemi. Les évènements de ces derniers jours, qui ne grandissent pas la politique, devraient nous convaincre de l'urgence de changer quelque chose là-dedans.
Une meilleure campagne, et un mode de calcul qui permet de faire ressortir plus finement les désirs des électeurs, c'est rien moins que ça que permettrait un nouveau type de scrutin. En attendant, préparez-vous au navet du dimanche soir, les teasers qui passent sur toutes les radios et les télés en ce moment ne font vraiment pas envie. Que cela ne vous empêche pas de comparer les différents acteurs avec des outils perfectionnés.
Commentaires
Je trouve l'idée des votes pondérés plutot bonne, mais sans vouloir jouer au ptit con snob et prétentieux j'ai peur qu'une part importante même très importante ne comprenne pas ou ne veuille pas essayer de comprendre cette potentielle petite révolution dans le mode de scrutin.
La vache... L'outil perfectionné oubli l'existence de certains candidats importants. Tant pis. Ca sera pour une autre fois la modernité.
"Ils ont fait péter (en tout cas, ils ont essayé) la bipolarisation."
Oui, et ça serait vraiment bien qu'un courant d'opinion aille dans ce sens, en rappelant ce fait tout simple : rien ne nous oblige à ne raisonner qu'en termes bipolaires. Il se peut qu'au second tour, on puisse voter pour d'autres personnes que les deux "principaux". Il faudrait qu'on le dise, qu'on fasse comprendre que ça ne tient qu'à nous. Si tous, on décide de refuser de voter pour eux, il y aura d'autres personnes pour qui voter au second tour. Ca devrait être évident pour tout le monde... mais visiblement ça n'est pas encore assez le cas. Comme en mai 2005, on ne nous faisait croire que la seule alternative, c'est le Oui... Finalement, nous avons été assez nombreux à faire le pari du Non. Ca serait cool, vraiment, de renouveller l'expérience, en allant à l'encontre de tous les sondages.
@Filou : c'est en prenant les gens pour des cons qu'on finit par leur confisquer le droit de s'exprimer... (attention, ironie) "Parce qu'en fait, le monde actuel est tellement complexe... comment voulez-vous que le peuple puisse comprendre l'impérieuse nécessité des décisions qu'il faut prendre." Genre supprimer le code du travail... ou d'autres pécadilles du genre.
bah déjà que y'a 25 % d'abstention avec un systeme de vote ou faut juste mettre le nom de son candidat dans une enveloppe, j'imagine même pas si le systeme se complque ce que ca va donner.
Perso, j'ai une idée à mon bas niveau de gamin de 22 piges : à partir du moment où le résultat de votes BLANCS (et je dit bien blancs et pas nuls (absence de vote, abstention)) est comptabilisé et qu'il dépasse le score du "meilleur" candidat, l'élection est annulée.
les élections seront tjs un pb surtout en France ont peut tjs perfectionner le système mais si déjà on utilisait le système actuel a 100% ça serait mieux.
Pour moi le plus gros pb en France c'est pas la présidentiel mais le vote pour nos députés qui au final sont presque plus important niveau décisions.
Car les magouilles lors de ces elections obliges les electeurs a voter pour des parties qu'il ne soutienne absolument pas.
par exemple de voter pour les communiste ou vert quand le PS a fait un pacte avec eux pour qu'il puissent avoir un certains nbr de députés (pareil a droite avec ump/udf) alors que si on compare au élections présidentiel il ne devrait pas en avoir autant et que des parties comme le FN sont au final pas représenté dans l'hémicycle alors ok le fn c'est les méchants (réaction de primaires mais bon passons) mais si les gens qui votent ne sont jamais representés bah franchement c'est pas comme ça que les gens vont s'intéressait a aux débats.
Et ça c'est vraiment prendre les gens pour des cons par contre.
j'entends déjà les 1ere réactions mais évitons de partir en couille tout de suite merci filou
Suffit de regarder la loi DADVSI pour voir qu'on est tous des "citoyens-experts", au moins dans certains domaines. Et donc à nous tous, on couvre tous les domaines de compétences de nos ministres et autres gouvernants.
Je suis en train de lire un bouquin sur les présidentiables de 2007 (pas celui de Duhamel qui a oublié Ségolène Royal, un autre ), j'ai appris des choses intéressantes sur Arlette Laguiller, ou plutôt sur son parti, dans lequel tout le monde à un nom de guerre, dont le chef est connu seulement depuis un bouquin de 2002...
Je pense que plus de la moitié des gens (bon d'accord, ça fait pas beaucoup) qui votent Arlette ignorent totalement cet état de fait. Et pour le FN, j'imagine que c'est comparable. Les gens votent pour une idée qu'ils se font d'un homme ou d'un parti, mais leur représentation, au final dans les assemblées, est bien loin de tenir ses promesses...
Comme quoi tu te fais une vision de moi bien erronée cheuz... Je suis globalement d'accord avec toi sur le manque de représentativité de l'assemblée nationale (sans parler du sénat, escroquerie nationale). Des élections à la proportionnelle permettrait p-e aussi de briser cette putain de bipolarisation politique !
Sinon Merome, je suis étonné par tant d'utopisme... Tout faire par referendum ce serait un non-sens complet, même si c'est dans l'absolu ultra-démocratique, ce serait selon moi tres dangereux, surtout vu le pouvoir d'influence des médias actuels
"Le pouvoir des médias est sur le déclin. Le dernier référendum l'a justement prouvé."=> interpretation à la mérome... ca fait des années que les médias essayent de flinguer lepen, et il ne fait que monter, tu ne tires que les conclusions qui t'arrangent pour étayer tes thèses.
Plutot que de parler de Le Pen (j'en ai des nausées), est ce que, merome, tu pourrai me donner un exemple détaillé et développé d'alternative au referendum systématique, j'ai peur de ne pas comprendre...;)
Mérome : m'enfin, ca fait 30 ans que ca dure, alors nous sortir l'exemple du tce comme si c'était un fait nouveau, ca me fait rire, d'où l'exemple que je cite!
Semantiquement, mon exemple prouve qu'il n'y a rien de nouveau la dedans..
"et ca passe sur toutes les chaines en meme temps",b euh ?
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