Critique du livre de Franz-Olivier Giesbert

Comme je ne lis que quelques livres par an, je suis dans l'obligation d'étaler toute ma culture sur le blog à chaque fois que j'arrive à en terminer un. La tragédie du président est sorti le 10 mars 2006, ce qui vous donne une idée du temps qu'il a passé sur l'étagère de mes toilettes, seul endroit où je parviens à parcourir quelques pages sans être interrompu.
A ma décharge, mon père l'a lu avant moi, puisque je lui avais offert, ce qui n'a fait qu'empirer ma lenteur de lecture.

Il s'agit donc d'un bouquin sur la vie du (feu ?) Président Chirac, écrit par un journaliste sur la base d'entretiens "off", comme on dit, et de véritables interviews, de Chirac, bien sûr, mais également de tout le microcosme politique qui sévit en France depuis une bonne trentaine d'années.

La forme
Le livre se veut informatif et journalistique, bien sûr, mais avec une dose romanesque et sensationnaliste. Il s'agit là de brosser un portrait original du chef de l'Etat, impertinent, nouveau, presque indiscret, à partir de paroles qui n'ont pas été prononcées publiquement, ni même dans le dessein d'être publiées un jour (on peut d'ailleurs légitimement s'interroger sur le côté immoral de ce principe). Pendant trois ou quatre pages, on y croirait presque. Ou plutôt, on se surprendrait à croire que cela va apporter vraiment un éclairage nouveau sur le visage du Président.
En réalité, rien de très sulfureux ne transpire des pages du bouquin, et ce qui ressemble le plus à des scoops ne me semble pas d'une authenticité véritable.

L'auteur ponctue en effet son discours d'innombrables renvois en bas de page pour expliquer en quelles dates et parfois circonstances les propos ont été tenus. Il y en a deux ou trois à chaque page. A chaque fois, on fait l'effort de chercher la référence en bas de page et à chaque fois ou presque, on tombe sur un bête "Entretien avec l'auteur le XX/XX/XXXX". Un auteur qui parle d'ailleurs de lui à la troisième personne, et pas que dans les bas de page. Je trouve ça assez bizarre. Un peu prétentieux.

Et donc, je reviens aux soi-disant "scoops", dès qu'un dialogue entre deux politiciens est relaté (par exemple : une discussion Chirac/Sarkozy), ou même lorsqu'on nous apprend l'avis de Chirac sur tel ou tel politicien à telle époque, là, point de référence en bas de page, rien. Qu'est-ce à dire ? Que les propos n'ont pas été tenus, mais qu'ils ont été inventés par l'auteur ? Qu'ils ont été vraisemblablement tenus mais pas en ces termes exacts ? Qu'ils ont été rapportés à l'auteur par une source non divulguée ?
Tout cela est pour le moins étrange. Je veux bien croire que Chirac et Sarkozy se détestent, mais leur prêter des échanges d'amabilité comme j'en ai vues dans ce bouquin, sans preuve, ça me semble ... trompeur. Qui sait ce qu'ils se sont dits lors de la formation du gouvernement actuel, quand Sarkozy était sur la liste des prétendants à Matignon ? Franz-Olivier Giesbert, ni aucun autre journaliste, à ma connaissance, n'était à l'Elysée ce jour-là. Pourtant, on a une reconstitution de leur échange dans La tragédie du Président. Bizarre.

Le fond
Sur le contenu même, si l'on en croit l'auteur en tout cas, Chirac, c'est Mitterrand, ni plus ni moins. Et Chirac et Mitterrand forment ensemble ce qui a ruiné l'avenir de la France à force d'immobilisme et de complaisance avec les français.
Psychologiquement, l'auteur dresse un portrait peu flatteur du Président, obnubilé par son objectif, écrasant sa famille et ses amis politiques (qui n'en sont pas) pour y parvenir. Nombreux sont les politiciens qui en ont fait apparemment les frais. Juppé est sans doute le plus connu et celui qui s'en est le mieux sorti. On n'en dira pas autant de Séguin ou Jospin, même si pour ce dernier, on peut le comprendre, puisqu'il était son ennemi politique.

On apprend finalement également pas mal de choses sur ceux qui l'ont entouré pendant toutes ces années ainsi que sur les bons ou mauvais choix qui ont été faits pendant son "règne". Notamment, le coup fameux (fumeux ?) de la dissolution, et la trahison de Balladur/Sarkozy. Deux de ses faits d'armes les plus remarquables.

Le livre se termine longuement sur le déclin physique et mental de Chirac. On le croirait déjà mort. Depuis l'accident vasculaire cérébral, il n'aurait plus toutes ses capacités intellectuelles, ni tout son allant. Il aurait même perdu son légendaire coup de fourchette. L'auteur en profite pour introduire la relève, la plus logique, celle de Sarkozy. Et j'ai cru noter aussi une certaine prise de position de Giesbert en faveur de ses idées, fustigeant régulièrement pendant tout le livre les 35h, la pression fiscale, les fonctionnaires, l'insécurité, ...

Conclusion

Mon impression globale sur cet ouvrage est donc plus que mitigée, à force de dénoncer l'immobilisme des politiciens, je trouve que les journalistes et plus généralement les médias se vautrent dans un conformisme qui n'aide en rien la résolution des problèmes du pays. Je ne sais pas s'il faut attendre grand chose de ces vieux chroniqueurs politique qui voient les choses à travers le prisme des anciens clivages aujourd'hui dépassés. Prenez Alain Duhamel, par exemple, il y a un an, il publiait "Les Prétendants 2007", où figuraient en couverture, parmi d'autres présidentiables, Jospin, Noël Mamère... Mais pas Ségolène Royal ! Il a complètement zappé cette éventualité qui était pourtant tout à fait envisageable il y a un an (Lepen l'avait prédit dès 2002 !).

Et ce n'est malheureusement pas ce début de campagne présidentielle qui va me réconcilier avec les médias traditionnels !

Commentaires

1. Le lundi, 15 janvier 2007, 21:32 par marzi

Ca y est, on a démasqué les vrais idées de mérome : JMLP avait prédit l'ascension de Ségolène... l'explosion dans les banlieux... le "non" au tce tant défendu ici... l'explosion du prix des granulés de bois... ah, non, ca, peut-être pas ;p

2. Le lundi, 15 janvier 2007, 23:28 par Stef

C'est sur , Merome votera pour celui qui promettra un poele a bois a l'Elysée et qui intégrera le comparateur des prix de granulés sur le site legi.gouv.fr :)

Question politique en passant : que voter si aucun des 2 présidentiable ne nous plait et qu'on sait que voter autre chose n'est pas forcément utile a une présidentielle ?

3. Le mardi, 16 janvier 2007, 01:10 par Filou

@ Stef : perso je vote toujours pour des programmes qui n'ont aucune chance d'etre "lauréats" (tendance communiste perso), même si je suis pas fondamentalement pour les idées en question, comme je suis sûr qu'elles n'iront pas plus loin que les urnes, ca me donne une certaine légitimité pour critiquer les gens pour qui je n'aurai PAS voté et qui seront au pouvoir :)

4. Le mardi, 16 janvier 2007, 08:09 par Merome
Stef : si tu ne votes pas POUR quelqu'un, tu n'as qu'à voter CONTRE quelqu'un. Que ce soit Ségolène ou Nicolas, ils attirent tous les deux de la sympathie ou de l'antipathie. A toi de voir lequel tu aimes le moins !
5. Le mercredi, 17 janvier 2007, 00:47 par Stef

J'étais arrivé a cette conclusion aussi , et encore le choix parait varié par rapport a celui du 2e tour de 2002 pour un militant de gauche...

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