Arrivé en phase finale, j'ai péché par un excès d'optimisme et un manque de réalisme. Pourtant les matches de qualifications étaient prometteurs

Si je suis aux abonnés absents depuis quelques jours, ce n'est pas parce que je suis juilletiste, mais au contraire parce que j'ai un méchant coup de bourre au boulot.
J'en avais parlé il y a plus d'un an, je travaille sur le remplacement d'une messagerie Exchange par une alternative libre. Eh oui, un an, et ce n'est encore pas terminé ! La finale avait lieu cette semaine, et en un mot comme en cent, ce fut un échec.

Le couple Outlook-Exchange s'est imposé depuis dix ans sur les postes de travail comme un outil simple et convivial pour gérer à peu près efficacement la messagerie et le travail collaboratif. Comme Office s'est imposé comme leader de la bureautique, Internet Explorer de l'internet (en son temps), etc etc...
Le problème avec Microsoft, c'est que c'est à la fois très très bon, et très très mauvais. Impossible de m'ôter de l'idée qu'il y a un vrai risque à confier toute son informatique à un seul éditeur, et je ne crois pas que cela soit un bête blocage idéologique. Avec tout le professionnalisme dont j'ai pu faire preuve, en faisant abstraction autant que possible de mes propres désirs, je suis donc parti en croisade pour trouver une solution de remplacement.

Ce ne fut pas de la tarte, parce que trouver un outil libre qui fonctionne du PDA/Smartphone, jusqu'au serveur en passant par le client lourd et le client léger, ce fut une gageure. L'idée fut alors de conserver Outlook, qui a le mérite de s'interfacer avec n'importe quel merde organiseur personnel, et de se focaliser sur la synchro Outlook / Serveur libre.
Avec le recul, ce fut sans doute une erreur. Outlook étant parfaitement cloisonné pour ne fonctionner au mieux qu'avec Exchange, toute tentative d'interfaçage avec un quelconque autre serveur est imparfaite autant que cahotique.

Optimiste, j'ai pris ce risque, en comptant notamment sur l'adaptabilité des utilisateurs. Seconde erreur.
L'utilisateur veut retrouver son bouton "envoyer et recevoir" au même endroit, là, où il l'avait laissé avant de partir en week-end. Sinon c'est la note de service, le blâme, le chantage, la démission, le harcèlement, ... la guerre en somme.

Deux exemples m'ont marqué cette semaine dans ce registre. Je vous les livre tel quels.
D'abord le cas d'une utilisatrice qui souhaitait faire apparaître un avertissement lorsqu'elle reçoit un mail. Demande légitime, qui évidemment est possible avec à peu près n'importe quel outil de messagerie un peu évolué. Je lui explique donc (par mail) qu'elle peut configurer la chose pour être averti toutes les "X" minutes, elle aura alors une popup qui lui indique qu'un mail est arrivé.
Deux heures plus tard, elle revient à la charge : "Je n'ai pas trouvé où mettre le X". Euh... Le X était bien sûr à remplacer par le nombre de minutes qu'elle estimait pertinente pour recevoir son avertissement. "On ne peut pas descendre en dessous de la minute ? Moi ce que j'aimerais, c'est recevoir un avertissement DES que je reçois un mail, comme avant !"
Interloqué par cette réflexion, je tente de lui expliquer que toutes les minutes c'est presque instantané, et je la soupçonne d'avoir assez peu de mails auxquels elle doit répondre dans la minute (D'autant qu'avec Outlook / Exchange, nous avions des problèmes infernaux de lenteurs, qui nous ont précisément poussé à lancer une réflexion sur le renouvellement de la messagerie). Elle m'a soutenu que si, que parfois, elle devait répondre "tout de suite". Je n'ai pas insisté.

Deuxième exemple, autre cas. Cet homme (parité oblige) utilise tant bien que mal, et surtout grâce à sa secrétaire, l'outil Outlook qui est mis à sa disposition. Il m'interpelle en disant : "Pourquoi change-t-on de messagerie au juste, celle-ci me convient, à moi". Je tente de lui expliquer la chose, l'ouverture vers le monde libre, les fonctionnalités supplémentaires, les limites d'avant et surtout : on migre le serveur, lui doit suivre le mouvement, qu'il le veuille ou non.
Il me dit "Non, moi je ne veux pas migrer. Celle-ci me convient. Vraiment, je ne veux pas qu'on me change ça". Comme la position hierarchique du gars lui permet d'être un peu exigeant avec moi comme avec les outils qu'on met à sa disposition, je tente de le raisonner avec mon va-tout : la compatibilité, certes imparfaite, mais existante, avec Outlook. Mais il insiste :
"Je retrouverai ma notion de catégorie avec le code de couleur ? C'est bien pratique pour identifier rapidement les semaines chargées et les rendez-vous important". Et il me présente ainsi les détails de SON utilisation de l'outil, SES petites habitudes, bien sûr totalement intransposables dans ma compatiblité "imparfaite" avec Outlook. Je coupe court à la discussion en faisant une pirouette, et, de retour à mon bureau, harcèle mon prestataire pour qu'il développe en urgence les quelques fonctionnalités dont j'avais ignoré (négligé ?) l'importance dans le cahier des charges initial.

Mais les jours suivants, ce sont des tas d'autres "petits trucs" comme ça qui m'ont pourri la vie. La gestion des contacts partagés avec un service, mais pas avec tout le monde. Les agendas partagés, oui, mais pas avec n'importe qui, le PDA qui doublonne tous les rendez-vous affichés... etc etc.
J'ai envoyé trois cent mails aux développeurs/installateurs de la solution. Tous les voyants étaient au rouge, chez eux comme chez nous.
J'ai donc décidé aujourd'hui de déposer les armes : je me suis rendu. On doit garder Outlook ? Soit. Alors on gardera Exchange. J'ai proposé une solution hybride pour ne pas perdre la guerre, et juste concéder une bataille. D'exchange, nous ne garderons que la gestion collaborative (contacts, tâches, calendriers), et le mail passera par du postfix. Ca nécessite un jonglage technique peut-être un peu périlleux au début, mais cela nous affranchira du problème de lenteur des mails que l'on avait auparavant, tout en nous gardant les petits-boutons-en-haut-à-droite, les rendez-vous-en-rouge-quand-c'est-important et les PDA de marque slovaque qui ne synchronisent qu'avec Outlook sinon ils s'auto-détruisent.

Je suis profondément démoralisé ce soir, mais je garde l'espoir d'une revanche. Si ma solution hybride est acceptée, le loup est entré dans la bergerie. Le libre aura grignoté une part, certes infime, du gros gâteau de Microsoft. Peut-être qu'il aura fallut toute cette énergie juste pour ça. Mais malgré tout, je crois que cela en valait la peine. Affaire à suivre...

Commentaires

1. Le jeudi, 6 juillet 2006, 21:57 par Arnaud

merome,

Décidemment, je te croyais plus obstiné. Ce qui a manqué dans la migration, c'est un travail au corps des utilisateurs. J'ai peut être plus de facilités puisque je ne travaille qu'avec des filles.
Enfin, tu ne vas tout de même pas tout nous rechanger, j'ai pour ma part faire voler Outlook et tu me demande de le remettre, tu es fou ou quoi ?

2. Le vendredi, 7 juillet 2006, 08:47 par Le Monolecte

Bonjour mon pôvre roudoudou.

Les utilisateurs, c'est le boulet... Surtout qu'un client de messagerie comme Evolution le fait aussi bien qu'Outlook (voir les filtres pour dossiers virtuels).
J'ai un pote qui a réussi un montage fou en utilisant zetafax avec Outlook. Tout le monde peut envoyer un fax directement depuis sa messagerie outlook et les fax entrants sont triés par destinataires et envoyé directement dans l'outlook de celui ou ceux concernés. Là, il lui a fallu plus de deux ans pour déployer sa solution sur une quarantaine de postes dont un tiers en profils errants.
Je crois qu'il n'a pas trouvé mieux qu'exchange pour faire tourner avec outlook, mais je peux lui demander.

Bon courage
Bises
A+

3. Le vendredi, 7 juillet 2006, 17:41 par Eric

Moi je suis près à revenir si vous m'offrez le billet d'avion :P

4. Le vendredi, 7 juillet 2006, 19:02 par newbie

Bonjour,

C'est le gros problème des migrations de ce type, et des projets en général. Une personne monte un projet et au moment de le mettre en pratique il réalise que les utilisateurs ont des habitudes, une façon de travailler...bref ils utilisent un outil mis à leur disposition. La prochaine fois ne zappe pas les utilisateurs et tu pourras faire un cahier des charges précis. Pour le moment trouver une solution libre qui remplace outlook c'est un peu trash à moins de la faire développer...sous gnu gpl of course ;)
bon courage pour la suite. Sinon Postfix c'est pas mal, simple...reste à trouver un client complet.

5. Le vendredi, 7 juillet 2006, 21:18 par Merome
Merci pour vos soutiens (et ta gueule Arnaud :) ), la semaine folle se termine enfin. La solution hybride est validée (techniquement et par le chef). On va voir comment ça se passe maintenant.
J'ai manqué de courage et de détermination, mais encore plus, sans doute, de talent dans cette affaire. Premier gros flop professionnel. Je gagne un point d'expérience...
6. Le dimanche, 9 juillet 2006, 10:01 par Le Monolecte

Mon pote admin réseau en CCI va déployer sa solution Open Xchange à la rentrée, après plus d'un an d'essais et d'échanges avec les utilisateurs. (mirror.open-xchange.org/o...
Il a opté pour le webmail intégré dans la solution qui offre toutes les fonctionnalités d'Outlook. Il en a même fait un buzz dans la boite, ce qui fait que les utilisateurs trépignent à l'idée d'essayer leur nouveau jouet à la rentrée!
On admire l'interface webmail : mirror.open-xchange.org/o...

Et compte virer zetafax pour migrer sa solution de fax intégrée au mail en open source : HylaFax : www.hylafax.org/content/M...

Bref, ton soucis, ce n'est pas la détermination, c'est la diplomatie, c'est à dire comment enrober une migration logicielle en une fête du slip appétissante pour tes kikis utilisateurs!

7. Le lundi, 10 juillet 2006, 13:49 par Eric

Open-Xchange hein .... moi et Merome on en connait un bout, c'est genial comme système, mais le gros problème dans la boîte c'est que tout le monde veut garder son outlook, chose qui est presque impossible avec Open-Xchange, à moins de vouloir se donner de gros maux de tête et sortir beaucoup d'argent. Peut-être qu'avec un peut de AJAX on pourrait finir par convaincre les utilisateurs !

8. Le mardi, 11 juillet 2006, 21:44 par Cheuz

bah moi je suis assez content de jamais avoir touché a outlook meme au taf :op
lotus notes d'ibm c'est tres tres bien et super simple a utilisé. Bon ça fait peut etre pas tout le tas de gadget rajouté dans outlook mais c'est deja mieux.

Tous avec merome pour egalisé au plus vite gagner au peno

9. Le mercredi, 12 juillet 2006, 23:38 par 100

Bonjour Mérome, je suis assez d'accord avec ta réponse pour Arnaud, j'ai pas envi que tu me travailles le corps pfuuu ;-)

Pour ce qui est du boulet, je pense comme le dit "lemonolecte" il faut faire avec et surtout pour eux, car sans eux c'est le grand repos pour nous. Quand au manque de talent, cela ressemble plus à du masochisme bon chacun ses goûts :-D
Tu parles également d'un flop, il me semble que tu as mis en évidence pour nous tous simple utilisateur qu'il existe autre chose que ton pote Microsoft, certes ce n'est pas encore au point mais tu as réussi à nous faire utiliser le libre pour le serveur de messagerie. D'accord c'est transparent pour nous, sauf que si dans les jours à venir "la vitesse" de travaille de la messagerie s'améliore, je suis sur que tu ne manqueras pas de le rappeler aux plus réfractaires dont je fais parti :-)

10. Le jeudi, 13 juillet 2006, 17:51 par Le Monolecte

Fais-leur des démos live du webmail embarqué de Open-Xchange : c'est tout comme outlook, mais en plus beau. Et oui, Ajax arrive et ça va déchirer grave ton écran de la mort, brother!!!
Après, ce sont eux qui viendront te supplier à genoux de leur migrer les comptes!

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