Faites de la musique, mais pas trop fort

La fête de la musique est, à mon sens, en déclin. Tentative d'explication.

Il n'y a pas beaucoup de monde pour critiquer le concept de la fête de la musique, inventé par Jack Lang en 1982. D'une simplicité affligeante sur le principe (ce jour-là, aucun droit d'auteur n'est dû : la SACEM n'a qu'à bien se tenir, et vous avez pensé à ce pauvre Pascal Nègre ?), mais avec un effet culturel indéniable, cette fête dépasse aujourd'hui les frontières ; c'est devenu une véritable institution.

Pourtant, alors que j'étais le premier à attendre le 21 juin avec impatience pour voir enfin des groupes chanter en direct, en dehors de toute promo, avec du coeur à l'ouvrage comme on n'e voit plus à la télé, et bien, cette année, je suis resté chez moi.
Le fait que cela tombe en pleine semaine, en pleine fatigue chronique, en plein "j'ai pas le temps - comme d'habitude" n'a évidemment pas arrangé les choses.

Mais comme je ne manque pas d'analyser mon comportement et celui de mes contemporains (en me trompant souvent !), j'ai ma théorie là-dessus, et je ne vais pas me gêner pour vous la livrer.

Canaliser les foules

Le succès de la fête de la musique a été quasi-immédiat. Rapidement, les centre-ville ont été pris d'assaut, par les groupes comme par les spectateurs, causant des embouteillages humains assez monstrueux. Je me souviens d'une soirée près de chez moi où il était difficile de toucher le sol avec les pieds, alors que la qualité de la musique était plus que moyenne, d'ailleurs. C'était l'époque où n'importe qui descendait dans la rue, devant chez lui, avec sa guitare ou son Bontempi pour montrer ce qu'il savait faire. Ca ne volait pas haut, mais il y avait de la volonté, un certain charme de l'amateurisme.
Premiers mouvements de foule, premiers incidents. Les secours qui ne peuvent pas accéder aux endroits où il y a du monde. La panique. Et là, prise de conscience des municipalités : il faut gérer, avant que cela ne dégénère.

C'est plus raisonnable, mais c'est moins rigolo. Les emplacements sont répartis dans la ville et distribués à des groupes plus sérieux. On investit un peu dans la sono pour donner l'impression de faire dans le culturel, mais l'esprit a carrément changé.
Du coup, une soirée du 21 juin se résume maintenant à visiter des stands plus ou moins thématiques qui sont disséminés dans la ville. Les hard-rockeurs sont parqués dans un endroit bien délimités. Devant tel café, on retrouve toujours le même petit groupe de jazz. Un DJ par ci, des choristes par là. La fanfare municipale passe à 20h. Pas un poil qui dépasse. C'est triste.

Professionnalisation

Avec le succès, vient l'inévitable récupération. Les maires comprennent vite que l'image de leur ville passe aussi par le son. Et il s'agit alors de s'assurer que les meilleurs groupes seront dans sa ville. On sponsorise les groupes locaux semi-professionnels, on leur offre une scène bien placée devant l'hôtel de ville, les instruments sont prêtés par le magasin de musique du coin, un technicien s'occupe des 3000 potars de la régie son... Ca en jette indubitablement.
Les petits cafés aussi ont compris le truc. Un bon groupe le 21 juin, c'est une recette multipliée par 10 peut-être. Du coup on fidélise, on s'abonne, on prend les mêmes et on recommence, et c'est lassant.

Fini le charme des fausses notes, des voix bizarres pas prévues pour chanter, des instruments désaccordés, des gosses qui bravent la honte pour jouer avec leur père, le temps d'une soirée.

Maintenant, c'est la Star Ac dans la rue. Avec Nikos en moins :(.

Commentaires

1. Le samedi, 24 juin 2006, 14:59 par Carine

A Nancy cette année les groupes qui jouaient étaient loin d'être tous des professionnels, mais les amateurs se font de plus en plus rares, oui... Comment peut-on avoir envie de jouer avec sa petite guitare et son petit ampli quand la mairie te parque entre un groupe de hard-core avec la satu à fond et un DJ qui passe de la purée avec dix fois plus de puissance ?

Bienvenue dans le gloubiboulga culturel, sur fond de tessons de bouteilles et de comas éthyliques...

2. Le mardi, 27 juin 2006, 02:33 par filou

bah personnellement, je préfère assister à une fête de la musique ou il n'y a pas trop de fausses notes...rien de plus désagréable que d'entendre chanter une casserole sans compter la gêne ressenti quand on voit qqun se ridiculiser devant 50 à 100 personnes :-?

indubitablement comme tu dis, il faut un certain talent pr faire de la musique (chanteur, musicien, DJ...). Essayer d'en faire qd on a aucun de ces talents c'est pr moi faire insulte à la musique, donc perso je respecte la musique et laisse faire ceux ki savent la mettre en valeur.

dans un pays LAIQUE comme le France, je trouve que la fête de la musique, comme toutes les fetes culturelles (cinéma, peinture, ...) devrait avoir + d'importance et de reconnaissance (et donc de jours fériés) que les fêtes religieuses comme Noel, l'Ascension, l'Asomption ou encore Paques...

3. Le mardi, 27 juin 2006, 13:10 par hyrr

Mon pauvre petit Merome tu t'interroge sur le pourquoi du comment cette année tu as préféré rester chez toi pour la fête de la musique… et tu insinue que c'est surtout parce que cette fête à perdu avec le temps de sa spontanéité et de son coté bon enfant des débuts…. Tout en admettant n'avoir pas eu trop le temps en ce milieu de semaine….

Cette fête sache le… à gardé dans la majorité des lieux cet esprit tu n'es juste plus actuellement en état de savoir ou aller en dehors des festivités organisées administrativement et annoncées dans la presse locale….. Mais rassure toi c'est temporaire….. Tu goûte juste aux joies d'être l'heureux papa d'une tribu de nains….. et dans 14 ou 15 ans quand tes enfants commenceront à tous voler de leurs propres ailes les jours de fête tu pourra prendre le temps de redécouvrir des lieux des gens des musiques/bruits…. Sans te soucier de faire garder ta marmaille, sans t'inquiéter d'un couché tardif suivi d'une nuit à changer des couches ou consoler d'un cauchemar et d'un réveil embrumé avant la course contre la montre du matin qui consiste à déposer tout les enfants à l'heure à l'école ou la crèche avant le boulot….

Bref tout ça…. c'est la faute à ton rôle de parent…. Tu ne va plus nulle part sans avoir sérieusement réfléchi à ou te garer, ou manger, quoi y faire, quand en revenir….. Simplement parce qu'on ne part pas à "l'aventure" avec 3 enfants… on est obligé de s'organiser et de plus ou moins s'y tenir à cette organisation….. Ce n'est pas la fête qui a perdu de sa spontanéité c'est toi qui doit mettre la tienne de coté pour le bien de tes tout petits…. Pour quelques années encore…..

Et puis dans 15 ans…. Qui sait…. Ta fille t'emmènera peut être, une bouteille de coca dans une main et un paquet de chips dans l'autre, écouter un groupe de potes à elle qui ont décidé de s'installer pour la soirée, avec grattes et divers trucs bruyants, sur les marches de leur ancienne et regrettée école maternelle……

4. Le mardi, 27 juin 2006, 13:32 par Merome
Hyrr : pour une part, tu as raison. Mais mon désintérêt croissant pour la fête de la musique date d'avant mes gosses...
5. Le mercredi, 26 juillet 2006, 19:32 par Twix

En même temps, la fête de la musique est devenue, de plus en plus, la fête de la beuverie et des soulards alors bon...

6. Le jeudi, 3 août 2006, 17:59 par Compositeur

hihi :) c'est à mes voisins qu'il faudrait dire tout ca ! ;) lol

7. Le dimanche, 6 août 2006, 00:48 par bule

Pour le 21juin peut-être, mais moi je suis étonnée de voir de plus en plus souvent des jeunes et des moins jeunes venir jouer n'importe quand et n'importe où. Guitare de moins en moins peut-être, mais les djembe fleurissent partout et ne demandent pas trop de talent (même s'il est vrai que les pros sont plus agréables à écouter) pour être audibles.

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