A mon tour d'inventer un paradoxe, ou plutôt de mettre une expression sur un concept.

Après avoir évoqué devant vos yeux ébahis les petites phrases qui guident mes pensées, à mon tour d'exposer un paradoxe, à moins que cela ne soit un complexe ?

L'homme de gauche, que les esprits mesquins aiment à appeler "gauchiste", est en effet quotidiennement en proie à deux dilemmes quasi-insolubles.

Le voeu de pauvreté

A force de prôner une meilleure distribution des richesses, de fustiger le patron qui licencie tout en s'engraissant, de pester contre les multinationales et les lobbys qui usent et abusent de leurs ressources financières inépuisables pour gaspiller des ressources naturelles qui sont, elles, épuisables... Le gauchiste se trouve face à un premier problème de conscience : que doit-il faire de son argent, s'il en a, et doit-il vraiment se casser le tronc à essayer d'en gagner un peu plus.
Le problème n'a pas de solution. Pour vivre dans une société qu'il rejette, avec le secret espoir de la changer un jour, le gauchiste n'a d'autres choix que celui de "faire avec", ou bien celui de s'exclure de lui-même.
Dans le premier cas, il accepte les règles du jeu, va chercher à tirer son épingle de celui-ci, comme tout le monde. Mais s'il a un tant soit peu de talent, de chance et de réussite, il va se retrouver dans la classe de ceux qu'il dénonce à longueur de tract : un nanti, pouah.
Les frais de bouche des ministres le révulsent, mais quand il peut bouffer au resto au frais de la boite, il se gêne pas non plus, c'est de bonne guerre.

Dans le second cas, il refuse en bloc d'adhérer à ce système capitaliste. Il devient clodo, ou pire : chômeur ou rmiste. Et là, il ne doit sa survie qu'au travail des autres, il profite de la solidarité des autres, alors qu'il prône cette solidarité pour tous.

Quelqu'un d'engagé à gauche ne peut donc être cohérent avec ses idées que s'il prononce le voeu de pauvreté. En brimant son éventuel talent pour ne pas gagner trop. En donnant sa chemise à son voisin, même si c'est sa dernière propre.
Se faisant, il ruine toutes ses chances de faire changer le monde. Sans pognon, pas possible de réussir à faire passer des idées dans une société comme la nôtre.

Sombrer dans la facilité

La France est un pays riche. Nous accédons, pour la plupart sans effort particulier à un minimum de confort qui est bien appréciable. Dès lors, se plaindre est un comble. Bien sûr, le stress qu'engendrent nos conditions de travail est réel, parfois même insupportable. Mais que penser des chinois ? Ou même simplement de nos grands parents qui n'avaient pas de congés payés, ni de RTT ?
La tentation est grande, pour le gauchiste, de rejeter en bloc tout le confort qu'il doit au capitalisme libéral de son pays, parce qu'il n'en mesure pas exactement les impacts globaux sur sa propre vie. On ne se rend plus compte de ça.

On peut ainsi considérer (et je sais que certains ici le considèrent :) ) que Goldman a beau jeu de dire qu'il est content de payer des impôts. Qu'est-ce que cela lui coûte après tout de le dire ? Peut-on être de gauche, le revendiquer, et être super riche ?

Ce complexe du gauchiste peut-être transposé au décroissant. D'ailleurs, le risque des décroissants est de jouer à "plus décroissant que moi tu meurs", jusqu'à l'absurdité. Je prône la simplicité volontaire, j'ai mis des lampes basse consommation, mais je continue d'avoir une bagnole qui pollue. C'est facile. Je fais les efforts ou cela m'arrange et j'ignore simplement le reste...

Vous noterez que cette attitude complexée ne peut pas, par contre, être transposée au libéralisme. Le libéral considère que chacun peut et doit s'en sortir seul. Tous les moyens sont bons, même si c'est aux dépends des autres. Pas étonnant que ce courant totalement décomplexé soit si populaire. J'ai une voiture qui pollue ? Oui mais pour me l'acheter, j'ai fait des heures supp, je la mérite. Ils n'avaient qu'à faire comme moi.

Cette différence de fond donne une pénalité au gauchiste dans tous les débats. Il faut veiller à ne prendre des exemples que dans les domaines où l'on est totalement clean et cohérent avec son idéologie.
C'est d'autant plus frustrant et rageant quand les autres affichent sans aucune inhibition leur manière les plus détestables.

Commentaires

1. Le mardi, 30 mai 2006, 22:41 par Arnaud

Redeviendrais-tu réaliste tout d'un coup ?

2. Le mercredi, 31 mai 2006, 00:03 par Stef

Et alors que fait un gauchiste quand il se rend compte que les principes de la gauche ça ne peut pas marcher ??? :)

3. Le mercredi, 31 mai 2006, 08:08 par Merome
J'ai toujours été réaliste, me semble-t-il. J'aimerais qu'on me considère en tant que tel, comme Perceval.
4. Le mercredi, 31 mai 2006, 08:09 par Marzi

Euh, pour Goldman, le problème n'est pas qu'il est riche : c'est qu'il s'"engage à travailler plus pour négocier le meilleur %tage de pognon retouché par album vendu avec sa maison de disque" : la, clairement, c'est en contradiction avec les "valeurs de gauche", il me semble.

5. Le mercredi, 31 mai 2006, 09:28 par bert

C'est pas des gauchistes, dont tu parles, c'est ce que l'on pourrait appeler des "bobs", ou des sociaux-démocrates, bref, le troupeau des hypocrites qui arrivent pas bien à marier vote à droite et conscience. Ils n'ont rien de gauchiste, sinon la posture.

Il en existe, des gauchistes, qui savent très bien quoi faire de le leur fric: loyer, nourriture et éducation des gosses...Une fois payées les charges, y'a plus rien, plus de dilemne.
Y'en a plein, des gauchistes, qui n'ont jamais l'occasion de "bouffer aux frais de la boîte", et y'en a plein d'autres qui n'utilisent pas cette occasion.

C'est une généralisation ridicule et du premier degré, qui ne tient pas compte des millions de personnes qui vivent avec des salaires inférieurs à 1500 euros par mois, ni de ceux qui ont de réels principes et savent les appliquer à leur vie quotidienne. Les "gauchistes" dont tu parles, tu les vois peut être dans ton entourage, ou à la TV, évidemment au PS, écolo et attac, mais ils ne représentent pas ceux qui croient à une alternative gauchiste.

Tu ne peux pas définir l'ensemble des gens qui s'estiment gauchiste à l'aune de quelques bobos, electeurs PS à qui le petit Nicolas fait peur et lecteurs ébahis de "liberation".

Il ne s'agit absolument pas d'une différence de fond, mais de forme. Au fond, tous adhèrent au système capitaliste, appelé improprement "libéralisme", pour que ca fasse moins connnoté.

Enfin, juger une population selon les dérives et erreurs d'une partie de ses membres est une erreur. les tenants de la concurrence non faussée sont souvent les premiers à réaliser des concentrations nuisibles à la concurrence. Comme on ne peut résumer le communisme au stalinisme ou à Mao, on ne résume pas le capitalisme à Hitler ou à l'impérialisme.

6. Le mercredi, 31 mai 2006, 09:44 par Bob

En gros ce que tu dis c'est qu'on ne peut pas "être" de gauche si on est riche, et que si on vote à gauche alors qu'on gagne de la thune on n'est qu'un hypocrite qui veut se donner bonne conscience ? Je veux pas dire, mais en matière de "généralisation ridicule et du premier degré", on n'est pas loin du haut de l'échelle non plus hein. C'est du militantisme bêlant.

Je reviendrai plus longtemps sur le sujet quand j'aurai une minute à moi.

7. Le mercredi, 31 mai 2006, 09:50 par Internaute de passage

Avec le coup des pauvres chinois qu'il faut plaindre, oui, en effet, vous sombrez dans la facilité. Mais c'est peut-être du second degré ?

8. Le mercredi, 31 mai 2006, 09:53 par Ours Linguiste

C'est caricatural non ?
En tout cas, ça confine au ridicule. Cette analyse ne porte que sur les bobos, réalisé par un beaubeauf...

As-tu pensé qu'il pouvait y avoir des gens qui bossent pour bouffer sans avoir fait le choix du tout en étant intelligent quand même ?

Non, sans doute, on doit pas les croiser sur Internet ou dans le dernier bar à la mode, ceux là...

9. Le mercredi, 31 mai 2006, 09:59 par Bob

(Constatant à la relecture que j'ai été ambigu, je précise que mon commentaire se rapporte à celui de bert, pas au billet de Merome.)

10. Le mercredi, 31 mai 2006, 10:01 par Néfarian

Le problème à mon sens est surtout que, hmm disons pas la totalité mais 97% des discours de gauche, de droite, des opinions politiques en général auraient pu s'exprimer à l'identique au 19ième siècle.

On a vraiment l'impression qu'il ne sait rien passé entre 1945 et 2006 dans le domaine des idées politiques, c'est quand même effrayant. Que la droite garde ses références Ancien Régime, c'est normal, et en plus elle peut compter sur l'inculture politique crasse de son éléctorat, pour qui la République commence à Pompidou et Gambetta est une marque de camembert.

Mais cet aphasie conceptuelle de la gauche qui a amnésié toute les avancées critiques de l'après-guerre, ça fait très peur, peut-être par ce qu'elles rendent caduque l'idée classique de liberté, de démocratie de marché, et qu'elles obligent à mettre toute ces vieilles lanternes démocratoriales au placard.

Je fais confiance à la jeunesse pour raviver tout ça, mais face à un tel plafond de verre, on se sent comme les révolutionnaire de 1788, quand pour 97% des gens, le pouvoir royal paraissait indépenssable et indéboulonable.

En gros l'idéal politique des gens de gauche aujourd'hui, c'est la même société avec juste un SMIC à 2000 Euros, un peu moins de polution, des la verdure en ville et c'est tout. C'est difficile de convaincre des personnes d'oeuvre contre leur civilisation, leur société et leur shèmes mentaux.

J'ai mit très longtemps à comprendre que le rationalité, la culture, le discours, la dialectique, n'avaient aucun efficience contre l'Opinion. Et je crois que c'est encore pire chez les 20-40 ans, on trouvera toujours la marge concernée et activiste, mais les conservatismes et la domesticité me semblent encore plus intégrée qu'avant.

Arrête de courir camarade, le vieux monde est déjà mort...

11. Le mercredi, 31 mai 2006, 10:24 par Ragho

Tout ça me rappelle le choix qu'on dû faire deux grands écrivains: Henri Miller et George Orwell. Ce dernier explique d'ailleurs très bien ce dilemne dans son roman "Et vive l'aspidistra !" Et Henri Miller disait "plutôt crever de faim que de poursuivre le processus automatique", ou un truc du genre.

Tout ça pour dire qu'il n'y a pas de solution individuelle, seulement structurelle et collective. Le dilemne dans lequel tu te trouves me semble résulter d'une stratégie délibérée. C'est de plus en plus du "marche ou crève", et il est de plus en plus difficile de se maintenir dans une position sociale médiane.

Cela dit, c'est encore à peu près possible et on peut toujours utiliser son argent à payer une sorte d'impôt volontaire (en le versant à des associations dont on pense qu'elles peuvent faire changer les choses ou en n'achetant que des produits répondant à certains critères, par exemple).

Mais c'est vrai que j'ai été longtemps au chômage par refus de ce système et que j'ai repris le collier... tout en refusant des postes de direction, tout de même...

12. Le mercredi, 31 mai 2006, 10:26 par Le Monolecte

Ce n'est pas parce que l'on est foncièrement de gauche que l'on est incapable de décrocher un boulot bien payé. C'est bien de cela dont parle Merome. A ce moment-là tu te retrouves de gauche, mais avec le possibilité d'avoir un niveau de vie middle class ++. Uniquement par ton travail, pas par la rente de ton capital. Tu restes donc bien un prolétaire, mais qui a la possibilité d'accéder au confort bourgeois.
Est-ce que cela fait de toi inévitablement un bobo?

Il faut peut-être sortir des clichés. J'ai un pote, fils d'ouvrier, ancrage à gauche toute. Après des années de galère, il trouve un jour un boulot très bien payé. Très rapidement, il a effacé ses années de galère, ces potes de l'époque et à relativisé son milieu d'origine. Je pense qu'aujourd'hui, il vote à droite toute.

J'ai un autre pote, famille bourgeoise ++, jamais eu de soucis d'argent, les tops bonnes études, dans les tops bonnes écoles et donc les tops bons jobs. Et une vraie conscience sociale depuis toujours, pas sur le mode de la charité pleine de commisération, non quelqu'un d'axé sur la solidarité et le partage. Il est content de payer des impôts, pleins (oui, un max, même!) : "ça paie les routes, les écoles, les hostos et même les études de mes potes moins fortunés". Il a déjà aidé des familles dans la mouise (achat d'une maison pour une famille de 8 personnes expulsée de chez elle), mais de telle sorte que ce ne soit jamais mal vécu (en fait, il a fait un montage financier où la famille paie un loyer sous le prix du marché avec une option d'achat au bout du compte) et que tout le monde tire son épingle du jeu. Bref, un vrai mec de gauche...

13. Le mercredi, 31 mai 2006, 10:36 par Merome
En lisant vos commentaires, je ne sais même plus ce que j'ai écrit. Tout peut être interprété dans un sens ou l'autre. D'où le titre finalement pas si mauvais (j'avoue avoir douté hier) avec "paradoxe". J'ai dû toucher du doigt, presque involontairement, un truc plus important que prévu, là. Continuons d'en discuter. Ca va être enrichissant, je sens.
14. Le mercredi, 31 mai 2006, 11:25 par koui

Les gauchistes sont soumis au même paradoxes que les autres : le chrétien qui à l'occasion de tromper sa femme, l'écologiste qui va acheter une voiture, le démocrate confronté à un ennemi de la démocratie, le libéral face à une entreprise d'etat prospére et efficace. On peut même cumuler. La seule question est donc de savoir comment tu géres tes principes et tes contradictions. Celui qui n'en a pas n'a pas ce genre de probléme mais c'est un loup.

15. Le mercredi, 31 mai 2006, 13:08 par ko

C'est effectivement un billet qui met le doigt sur un truc sensible, Merome !

J'ajouterais à ton "paradoxe du gauchiste" un second volet : les gens de gauche (les militants et sympathisants) me semblent partager une forte exigence de "moralité" concernant les choses publiques, bien plus que les gens de droite. Aussi, ils ont tendance à moins facilement pardonner à leurs représentants : on est beaucoup plus critiques à gauche envers les leaders, qu'à droite, où l'on trouve de bons petits soldats pragmatiques et efficaces. A gauche, des idéalistes : ça fait plus joli, mais ça marche moins bien. Et en même temps, pas possib' d'abandonner l'idéalisme (enfin, pour certains au PS, si, mais ceux-là sont-ils encore "de gauche" ?)

Comme le dit koui, ces paradoxes renvoient à la question de la gestion par chacun de ses contradictions et de ses principes, dans un monde qui ne correspond pas à son idéal. On se retrouve à "bricoler" tant bien que mal une éthique et des comportements, un peu au coup par coup, mais je ne crois pas que ce soit un problème, au contraire. Ça oblige à réfléchir à ses pratiques et ses principes, à se remettre en cause (un minimum), à prendre des décisions (dans un monde qui tend à nous déresponsabiliser toujours un peu plus)... C'est finalement constructif, non ? Ou je suis trop optimiste ?

16. Le mercredi, 31 mai 2006, 13:41 par EL

C'est étrange cette manie des gauchistes de toujours vouloir être "cohérent". Ça tient du sophisme. Ce n'est pas parce que je fume et que je bois que j'ai tord lorsque je dis que fumer et boire, c'est dangereux. Et j'aurai toujours raison de militer pour lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Il n'y a aucun paradoxe là-dedans!

Je le répète, celui qui me sortira que je ne mets pas mes recommandations en pratique n'est qu'un sophiste, avec des arguments de cours de récré. Ce qui est important, c'est de savoir si ce que je dis est vrai! Il faudrait avoir le courage de le rappeler, et d'envoyer bouler les demi-penseurs qui se croient malins en faisant observer qu'on est pas "cohérent".

En fait, en y réflechissant, cette question peut effectivement être problématique pour les gauchistes "individualistes", qui pensent que les solutions aux problèmes de ce monde se trouvent dans les comportements individuels, dans une sorte de "réveil des consciences". Dans ce cas là, effectivement, mieux vaut donner l'exemple. Pour ma part, je pense que les solutions sont plus politiques que psychologiques, ce qui me semble plus en accord avec une pensée de gauche. Dans ce cas là, la "cohérence", on peut fort bien s'en dispenser!

Cordialement,

EL

17. Le mercredi, 31 mai 2006, 14:00 par Merome

Ça me fait penser à une chanson de Yvon Etienne, que je dois sans doute être le seul à connaître ici (yvon.etienne.monsite.wana... :

Y a pas de racisme dans ma vie,
Je vais tous les ans à Tahiti
J'ai même des noirs dans mes amis

Mais si ma fille veut se marier
Avec un noir, c'est refusé
Faut quand même pas exagérer

Mon fils fera ce qu'il voudra
Je ne l'empêcherai surtout pas
On est moderne ou on ne l'est pas

D'ailleurs avec les relations
Que j'ai dans l'administration
Ca posera pas beaucoup de questions

...

18. Le mercredi, 31 mai 2006, 14:27 par EL

Si cette réponse m'est adressée, outre que c'est bêtement insultant (mais bon...), c'est surtout complètement à côté de la plaque! J'aimerai plutôt entendre des arguments. Mais ça doit être ça, la gauche moderne...

19. Le mercredi, 31 mai 2006, 14:32 par Alex

Je ne vois pas comment on peut débattre d'un article qui parle de "gauchistes" sans définir ce que signifie ce terme. S'agit-il de la conception léniniste du gauchiste? S'agit-il des anars, des militants trotskistes ou du PS? Bref, ça veut dire quoi "gauchiste"? En tout cas, pour ma part, "gauchiste" a une connotation péjorative et je l'entends souvent dans la bouche des gens de droite pour calomnier tous ceux moins à droite qu'eux.

20. Le mercredi, 31 mai 2006, 14:39 par gilda; gauchiste, féministe et même un chouille écolo, c'est dire

Sans doute un brin caricatural et volontairement provocateur, n'empêche que par ici le fond de l'air est vrai.


Je suis très sensible à l'argument "Se faisant, il ruine toutes ses chances de faire changer le monde", parce que je me suis pris cette dure réalité en pleine gueule l'an passé, puis à nouveau plus récemment : complètement dépourvue de goût du pouvoir et du fric (tant que mes gosses et moi on a de quoi manger, se loger et se soigner et acheter quelques livres et de quoi se connecter à l'internet, je m'estime déjà privilégiée), j'ai passé ma vie d'adulte jusqu'alors à bosser dur, joindre difficilement les deux bouts, et n'être vraiment personne sauf pour mes amis (ce dernier point m'allait fort bien). Et puis l'an passé l'amie d'une amie et dont j'étais lectrice s'est trouvée en danger ; et je me suis rendue compte que n'étant rien ou si peu, pour aider je ne pouvais qu'offrir mon temps pour des travaux d'intendance. Je n'ai aucune surface médiatique, pas d'argent, pas de "relations", rien qui en l'occurrence aurait pu aider.
J'ai ouvert un blog, c'était la seule chose à ma portée mais une si petite goutte d'eau (même si sont venus beaucoup plus de lecteurs et que ce à quoi je m'attendais) ...
Et là, effectivement, j'ai regretté pour partie d'avoir vécu selon mes idées respectueuses et honnêtes. Aurais-je joué le jeu si capitaliste de la concurrence à tout crin que j'eusse été au moins cadre sup et pouvant peser, clamer mon soutien en étant entendue.

Hier encore on me fait suivre une pétition, les gauchistes étant, c'est bien connu, d'ardents pétitionnaires à quelques exceptions près. Et là encore je n'avais que mon identité à offrir, un nom de plus dans la liste, quand pourvue d'un gagne-pain mieux reconnu du monde j'eusse pu peser et servir d'incitation à d'autres. Bref, avoir de l'efficacité.

Alors oui, il n'est pas plus facile d'être gauchiste dans un monde de droite que d'être gauchère dans un environnement taillé pour les droitiers. On s'adapte, on s'accommode, mais tout demande effort.

21. Le mercredi, 31 mai 2006, 15:32 par JV

OK, tout ça a le mérite d'être clair et honnête. Je partage tout à fait un des élément de la conclusion selon lequel, les libéraux ont des points d'avance puisque leur idéologie ne s'appuie sur aucune « éthique humaniste » (j'utilise cette expression pour éviter celle de « moralité » qui aurait une consonance trop religieuse). Je me permets, cependant, une petite remarque.
Je schématise rapidement :
solution 1 : le système me rapporte donc je ne peux pas le critiquer,
solution 2 : je profite du système, donc je ne peux pas le critiquer.
Deux solutions, et c'est là où je réagis. Il n'y a que 2 solutions qui permettent de rester dans la partie. Si on ne choisit pas une de ces alternatives, on est hors système, en marge, … et, actuellement, vivre dans l'hexagone implique d'être dans le système. Un fort courant idéologique tend à rendre systématiquement responsable les citoyens, mais c'est sans compter que ses choix sont limités (« la peste ou le choléras ») et que tout choix autre que celui proposé implique de « s'exclure ». Il me semble que charger les individus de l'intégralité de ces responsabilités permet, essentiellement, d'éviter d'aborder des questions d'ordre politique (modifier/compléter les choix possibles). J'essaie, pour ma part, d'avoir une certaine cohérence entre ma façon de vivre et ma façon de penser. Je ne vole pas parce que j'ai la possibilité de ne pas le faire ; je prend ma voiture (qui pollue) pour aller au travail parce que je n'ai pas le choix d'y aller à pied ou de ne pas y aller ; je ne tue pas mon collègue de travail que je ne peux pas supporter parce que je n'ai pas le choix de le faire (sans risquer d'être en dedans/dehors du système). Ces choix ou non choix (droit et devoir, liberté et interdiction) sont le résultat de conduites politiques.

22. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:00 par Merome

EL : la réponse ne t'était pas directement adressée. C'était plus une suite à l'article qui m'a été inspirée par ton commentaire.
J'ai l'impression d'entretenir volontairement un flou autour de ma position réelle sur le sujet. En fait, il n'en est rien : je ne suis pas tranché sur la question. Si l'on considère bien sûr qu'il y a une question derrière tout ça.
Le succès relatif de cet article (plein de pseudos que je n'ai jamais vu : mais d'où venez-vous ?!) me laisse pantois. Je suis dépassé par les commentaires, que je ne comprends pas plus que ce que j'ai écrit moi-même, c'est dire !

23. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:06 par pedro

Si je puis me permettre : "le gauchistes ont des complexes en travaillant pour leur pomme a moins que la societe leur fournisse tout" (en gros), "donc les liberaux n'ont pas de complexe a travailler pour leur pomme"... ah, mais si la societe leur fournit tout ? Y a jamais des valeureux liberaux anti-gauchistes neanmoins au chomage et bien content de toucher au rmi, au chomage, voire de tricher avec tout ca ?

24. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:07 par pedro

Les nouvelles visites viennent de rezo.net/large ;o)

25. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:09 par lexav

Eh oui, vieux complexe de l'argent et de la gauche, comment peut on?
En fait de grands hommes de gauche sont issus des classes bourgeoises: Jaurès, Blum, Mendes France. Ces personnalités ont beaucoup apporté au pays et à la classe ouvrière.
C'est ce que semblent oublier certaines personnes rédigeant des posts délirant!!! L'extrême gauche n'a jamais rien apporté à la classe ouvrière. Amis troskystes, allez donc voir à Kronstadt si j'y suis!
Le Xav.

26. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:34 par Merome

rezo.net... je me disais bien que c'était surnaturel, ce succès :)

Bon, faut que je réaffute mes théories politiques, c'est là que mon blog est le plus efficace.
Merde, voilà que je cherche à être rentable maintenant. Je ne sors pas du complexe initial : pour continuer d'être de gauche, je me crois obligé de rester mauvais en tout :)

27. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:43 par Fred., de L.

La définition du gauchiste manque. On ne se définit pas gauchiste juste pour de rire. Enfin, moi si, je dis que je suis gauchiste pour faire rire dans les chaumières et pour tenter de m'assurer que personne ne voudra amener le débat sur la politique...... parce que je sais que je risque de soupirer longuement en devant contredire la récitation du 20h.

Voilà ce que c'est aujourd'hui, à mon avis, être gauchiste. C'est avoir une autre vision du monde que ce que la télé claironne tous le temps. C'est une forme d'anti-conformisme, loin de toute idéologie. Pas de marxisme, de trotskisme, de capitalisme de néo-libéralisme. Juste de l'anti-conformisme... une envie de lumière :-) Pour faire une bête référence au XVIIIè (et à Voltaire). Certains disent qu'on a du mal à dépasser le XIXè... moi je pense qu'on est en train de carrément revenir aux fondamentaux du XVIIIè, peut-être pour enfin parvenir à dépasser "la fin de l'histoire", qui nous a été annoncée à la fin du XXè.

28. Le mercredi, 31 mai 2006, 16:47 par Bob

J'aime bien ton auto-définition du gauchiste. On dirait moi ;)

29. Le mercredi, 31 mai 2006, 17:00 par ko

Ah, la référence aux Lumières me fait venir une idée en tête : s'il ne faut pas oublier que "le sommeil de la raison engendre des monstres", il nous faut aussi nous souvenir à travers le 20è que la raison aussi a créé des monstres (ici, il faudrait conseiller de lire ou relire Hannah Arendt)

Donc, revenir sur les fondamentaux (comme au rugby ;-) ), mais aussi les sublimer.

30. Le mercredi, 31 mai 2006, 17:02 par gilda

Pour les autres je ne peux pas dire mais effectivement je venais de chez rezo.
Peut-être aussi que nous sommes plus particulièrement prompts à réagir sur ce sujet en ce jour où toutes les radios (la télé je regarde plus que très ponctuellement et surtout pas pour les infos) nous serine que "le chômage a baissé" alors que ce sont seulement les chiffres qui à force qu'on radie les uns, qu'on fasse des stages parking, qu'on fasse compter les "trop-vieux" pour du beurre (on est trop-vieux très jeune de nos jours), et qu'on précarise à tour de bras (je parle même pas du CPE ou CNE mais rien que des recours à des CDD ou à de l'interim là où auparavant on aurait embauché), ont diminué.
à bientôt sans doute, même sur d'autres sujets :-)

31. Le mercredi, 31 mai 2006, 17:02 par gilda

pardon, "serinent".

32. Le mercredi, 31 mai 2006, 17:56 par Merome
Pour les "gens du rezo" qui débarquent sur ce blog, ne manquez pas, du même auteur :

Votez
100% des gagnants ont tenté leur chance
Vite fait
La désobéissance civile
Vivement dans un an
Ma manif contre le CPE
La simplicité volontaire

L'objectif n'est pas tant de faire l'autopromo de mes autres articles autour de la politique, que de permettre aux gens qui ne me connaissent ni d'Eve ni d'Adam de mieux cerner mon présent billet qui est, je le conçois, un peu confus...
33. Le jeudi, 1 juin 2006, 14:28 par Arnaud

S'il te plait, si tu me cites encore une fois, je vais te demander des droits ;)

34. Le dimanche, 4 juin 2006, 02:52 par Alexprat

C'est tout de même triste de lire des lieux communs comme celui que tu viens d'écrire. Plus que des lieux communs d'ailleurs. En ce sens que ce sont des choses qui sont admises de la majorité, mais qui pourtant sont fausses, ce sont des clichés.
Tu considères que l'adhésion au monde du travail doit faire oublier toute idée de justice sociale, puisque selon toi le "gauchiste" choisit entre le voeu de pauvreté en vivant intègre et le désir de travailler. C'est grottesque, Marx se retournerait dans sa tombe s'il te lisait. Tu seras etonné d'apprendre qu'on peut accepter le système capitaliste tout en rejetant en bloc l'ultralibéralisme. Et qu'on peut être aisé tout en étant heureux de payer ses impôts et même militer pour en payer plus. Enormément de patrons de PME sont d'ailleurs de gauche, et ils n'ont pas à choisir entre leurs interêts et leurs idées, parce qu'ils se rejoignent.

35. Le dimanche, 4 juin 2006, 03:16 par Alexprat

De surcroît, et là je rejoint totalement El sur ce qu'il a pointé un peu plus haut, le seul comportement individuel qui puisse influencer la posture générale, c'est celui là même qui la désigne: le vote.
C'est curieux comme on ne regarde les problèmes que par le bout de la lorgnette. El a dit plus haut: "La solution est politique, elle ne se trouve pas dans une sorte de réveil des consciences". C'est très vrai.
C'est d'ailleurs ultra dangereux de laisser la responsabilité d'une morale et d'une conscience sociale aux individualités au détriment d'une entité qui elle seule est à même de protéger d'éventuelles dérives: l'Etat.
Pour faire une comparaison, je ne donne jamais au Téléthon. Non pas que je sois indifférent aux petits gosses myopathes, mais que je considère que la charité chrétienne n'est malheureusement pas un remède efficace, pis encore, elle deresponsabilise complètement l'Etat de toute idée de politique de solidarité.

36. Le dimanche, 4 juin 2006, 11:21 par Merome
Alexprat : je pense que tu te méprends fortement sur ma conception du gauchisme et de la politique en général. L'article peut être lu de mille manières. Apparemment, il ne laisse pas indifférent, qu'on soit de droite ou de gauche.
37. Le dimanche, 28 janvier 2007, 23:52 par PAPILLON100ZELE

QUE PENSEZ VOUS DE DELEUZE OU FOUCAULT ?

38. Le samedi, 3 mars 2007, 21:04 par JLuc

Recherche Google : "gauchiste" ...
et hop ! merome.net/dotclear/index...
en tête de liste !
Waah ! Bravo Mérome !

En fait je voulais voir s'il était toujours vrai que la recherche Google sur "banlieues", "insécurité", "gauchiste",... ramenait toujours le lien avec u mp .org.
(c'était le cas il n'y a pas si longtemps).
Yzokas a dû oublier de renouveller son abonnement...

39. Le mardi, 19 juin 2007, 13:13 par c0lombe

Voilà. C'est c'que j'allais dire, c'est par google qu'on tombe également là-dessus.
Je ne sais pas trop ce que je cherchais en tapant "gauchiste" dans ma fenêtre google, peut-être un élan de sadomasochiste pour voir des critiques violentes sur euh mon idéologie ?

Finalement ici ce n'est pas le cas. Même si "gauchiste" garde une connotation péjorative, ne me demandez pas pourquoi.

En tout cas, ce fut un beau débat, sain, respectueux. Les arguments ne sont même pas abscons.

Non mais c'est rare.

Tout d'même.

Bon sinon pour ce paradoxe, il existe, même s'il ne faut pas faire d'amalgame. Il y a le poète torturé, et il y a le gauchiste torturé. Imaginez l'état du poète gauchiste.

40. Le samedi, 23 juin 2007, 18:07 par The Foetus

Excellente analyse des crétins de gauche. Il suffit de lire les commentaires qui suivent pour les voir conforter tes arguments. Ils sont tellement ridicule dans leur skizofrenie qu'on en aurait presque pitié.

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