100% des gagnants ont tenté leur chance

C'est derrière cet aphorisme que se cache tout le succès du libéralisme.

Tout à l'heure, sur RTL dans l'excellente émission de Christophe Hondelatte, "les auditeurs ont la parole", j'ai entendu, entre autres témoignages pour et contre le CPE, l'avis de cette chef d'entreprise de plomberie/chauffage (je n'arriverai pas à me réconcilier avec cette profession !) de 38 ans. Cette dame a manifesté la semaine dernière en faveur du CPE, qu'elle considère comme sa seule opportunité d'embaucher.

Le témoignage était sincère, et sans doute légitime. Je n'ai aucune raison de croire qu'elle faisait partie de ces patrons qui abusent de leurs salariés pour asseoir leur position sociale (il y en a des comme ça, comme il y a des vrais branleurs et fouteurs de merde dans les rangs des salariés ou des chômeurs, ce que je résumerais par : il y a des cons partout).

Son argumentation était basée autour de deux points principaux :
- Son entreprise, même quand elle semble fonctionner à plein subit le risque non négligeable de connaître un trou d'air dans les semaines, les mois qui viennent. Et face à ce trou d'air, elle doit être capable de licencier pour sauvegarder le reste de l'entreprise.
- Elle est déjà au taquet de son propre effort pour maintenir la boite en vie, travaillant 60 heures par semaine, elle a aussi des enfants, une vie privée, elle n'est pas capable de fournir plus.

Sa bonne foi est évidente, et je suis certain qu'un paquet de petits patrons partagent son point de vue. J'aimerais que vous notiez bien le mien, de point de vue, à ce sujet, car si l'on accuse souvent les patrons d'être des salauds, on accuse aussi souvent les gens qui remettent en cause notre modèle économique de partialité vis à vis d'eux. Ce n'est pas mon cas. Y a que les cons qui m'insupportent (et il se trouve que beaucoup d'entre eux sont plombiers/chauffagistes !).

Le problème de cette dame, c'est qu'elle croit en une solution morte née. Le CPE va lui permettre, certes, un pas vers la flexibilité que demande le marché aujourd'hui. Mais demain, le marché demandera encore plus. La concurrence sera plus forte, la pression des pays à main d'oeuvre bon marché encore plus pesante. On inventera alors un nouveau contrat à la gomme qui permettra de faire bosser les enfants, ou qui permettra des heures supplémentaires illimitées, dans la logique de "celui qui veut travailler plus pour gagner plus a le droit de le faire", que sais-je encore...

Finalement, le problème de cette entrepreneuse, c'est le marché lui-même, ou plutôt la forme ultralibérale qu'il prend aujourd'hui. Ce qu'elle croit source d'un potentiel enrichissement, c'est ce qui va causer sa perte, et la nôtre.
Et c'est là que le libéralisme prend toute sa force : il fait croire à tout un chacun qu'il a la possibilité de réussir, ce qui n'est pas faux, dans l'absolu, mais cela ressemble plus à une loterie qu'à une question de talent ou de travail à fournir.
Un gosse qui a le talent de Zidane à 13 ans, a bien plus de chances de se retrouver rmiste ou chomeur qu'avant centre de l'équipe de France. Mais s'il est au bon endroit, au bon moment, il pourra effectivement palper des millions.
Un plombier chauffagiste qui fait correctement son travail va galérer 60h/semaine, pendant des dizaines d'années alors que son collègue d'à côté va remporter par hasard un marché juteux, ou hériter de la boite de son père qui va assurer sa fortune.

Les gens qui croient encore au libéralisme sont ceux qui gardent le secret espoir, un jour, de tirer leur épingle du jeu mieux que les autres. C'est la raison pour laquelle ils ne souhaitent par remettre en cause ce système, alors même qu'aujourd'hui il les spolie bien autant que les petits salariés.

Commentaires

1. Le mercredi, 5 avril 2006, 08:32 par Fred., de L.

Je retiens ta conclusion, que tu aurais pu mieux séparer du reste du texte :-)

Et je précise que je doute que la dame puisse bénéficier du CPE... sauf à avoir 20 salariés déjà... mais c'est fort possible... enfin 20 salariés pour de la plomberie, ça me semble beaucoup. Donc... Elle a déjà le CNE. Le CPE ne lui servirait à rien. Faut lui expliquer :-) En plus, le CPE lui coûterait plus cher que le CNE... (en supposant qu'elle a moins de 20 salariés).

2. Le mercredi, 5 avril 2006, 08:35 par Marzi

C'est pas faux (c)

3. Le mercredi, 5 avril 2006, 09:18 par Bob

Ca va te faire plaisir : j'ai lu a peu quelque chose de sensiblement identique dans un bouquin de Michael Moore ;) Je ne me souviens plus des termes exacts, mais en gros l'idee etait qu'il continuera a y avoir des exploiteurs et des exploites tant que les seconds reveront de passer dans la categorie des premiers.

Attention, je ne dis pas (mais alors pas du tout) que les pauvres devraient se satisfaire de leur condition, chacun chez soi tout ca, loin de moi cette idee. Je rejoins plutot un truc que dit Merome, sur cette etrange volonte de faire mieux que le voisin : si ce que j'ai me convient, quel besoin ai-je d'aller chercher a avoir toujours plus ?

Ca recoupe la question sur les fortunes des plus richissimes : au bout d'un moment, le sac de noisettes supplementaire ne fait plus vraiment de difference. A partir de la qu'est-ce qui justifie d'aller toujours plus loin ?

Et soit dit en passant : 100 % des perdants *aussi* ont tente leur chance (et moi qui gache 2 euros au loto chaque semaine, croyez-moi j'en sais quelque chose ;) )

4. Le mercredi, 5 avril 2006, 12:23 par Fred Bird

C'est une analyse que l'on retrouve egalement dans le Grand Bond en arrière, de Halimi. Il explique qu'une des raisons pour lesquelles les américains sont si à droite, est que la plupart d'entre pensent appartenir à une catégorie sociale plus élevée qu'en réalité; et que le "rêve américain" leur donne bcp d'indulgence pour les classes sociales élevées auxquelles ils rrêvent tous d'appartenir un jour.

5. Le mercredi, 5 avril 2006, 12:44 par don corleone

Le capitalisme nous tuera tous ;)
Pour ceux qui ont lu les 2 derniers livres de werber (nous les dieux et le soufle des dieux). Si certains sont tentés par une société utopique basée sur l'échange et la méditation appelez moi. On jete à l'eau toutes ces idées de capitalisme, d'argent et de compétition pour évoluer tranquilement sur une ile déserte loin du monde... ;);)

6. Le jeudi, 6 avril 2006, 13:36 par Arnaud

Don corleone,

Il faut aller plus loin, l'échange est déjà une distorsion du modèle capitaliste (qui dit échange dit valeur de ce qui est échangé). Il faut fonder une société où chacun selon ses capacités apporte ce qu'il peut et en retour, il profite de ce que les autres apportent. Toutes les autres espèces au monde fonctionnent sur ce modèle. Mais c'est vrai, moi, l'être humain, je suis plus "intelligent". Je n'aime vraiment pas ce mot que l'on utilise à tout bout de champ et même maintenant pour des machines. débile !!!!

7. Le samedi, 8 avril 2006, 00:31 par Stef

Arnaud , tout simplement ce modèle est malheureusement incompatible avec l'homme. Essaie quelques jours et regarde combien auront dérivés vers : "profite de ce que les autres apportent sans rien faire en retour" et ceux vers : "apporte ce que que tu peux mais profite autant que possible même si tu n'en a pas besoin" et a ce moment , s'il reste des gens qui ont suivi le schéma de départ , ils se rendront compte qu'ils sont les couillons de l'histoire. Ah ben si finalement, ça marche déja un peu comme ça actuellemnt !!

8. Le dimanche, 9 avril 2006, 17:22 par don corleone

Tout à fait d'accord avec stef, il y a de la place pour tout le monde puisque chaque être peut apporter quelque chose à sa communauté. Mais l'etre humain est ainsi fait qu'il veut toujours plus que son voisin et donc abuser des autres pour son profit personnel.
C'est pourquoi on appelle ca de l'utopie...

9. Le mercredi, 19 avril 2006, 21:44 par MClaveau

Bonsoir !

Le libéralisme, c'est la possibilité, pour la dame citée, de décider elle-même, pour son entreprise.

Au lieu de critiquer, critiquer, et critiquer encore (le libéralisme entre autres), il serait plus judicieux de proposer une alternative. Vouloir démolir, sans proposer de solution de remplacement, c'est se placer dans le clan des casseurs. Ou des révolutionnaires. Juste une question de vocabulaire.

Or, donc, quelle alternative au libéralisme ?

Dans cette alternative, la dame ne pourra plus faire "ce qu'elle veut". Il faudra, pour chaque décision, soit qu'elle obtienne l'autorisation, soit que quelqu'un d'autre prenne la décision.
Tout cela sera expliqué dans des règlements, des normes, des lois.

Mais, en pratique, qui fera appliquer ces "lois" ? L'exécutif bien sûr. Plus exactement, les fonctionnaires de l'exécutif.

Qui vérifiera les respect de ces "lois" ? L'administration, bien sûr. Plus exactement, les fonctionnaires de l'administration.

On sera donc dans un système où les décisions seront prises de manière lointaine, distante, et sans recours. Et, ni les salariés, ni les patrons, ni la nation, ne seront gagnants.

Voilà où peut nous amener un tel comportement de noniste...

Bonne soirée.

10. Le mercredi, 19 avril 2006, 22:25 par Merome
L'alternative au libéralisme ? La décroissance. J'ai déjà aborder ce thème à maintes reprises, donc il suffit de chercher un peu.
11. Le jeudi, 20 avril 2006, 08:55 par Bob

Pourquoi les partisans du libéralisme semblent-ils donc tous aussi convaincus que toute alternative signifiera forcément la fin absolue de toutes les libertés ? Est-ce si difficile à comprendre qu'il est nécessaire de définir une limite entre "faire ce qu'on veut" et "faire n'importe quoi" ? Les lois sont là pour placer cette limite - après, on peut débattre de la pertinence des lois en questions, mais leur existence est indispensable. Partisans de la déréglementation totale, prenez donc deux secondes pour vous souvenir que l'absence de lois porte un nom : l'anarchie :)

Soit en passant, il me semble que les libéraux ne crachent pas toujours sur les lois quand elles les arrangent. Parfois même, quand ils constatent subitement que le vent de la globalisation se retourne contre eux, ils ne rechignent pas à une petite intervention de l'État, voir par exemple les affaires Danone ou Arcelor (et c'est rien que les deux plus médiatisées de ces derniers mois, ne doutez pas une seule seconde qu'il existe d'autres cas similaires dont ne nous sommes pas au courant).

Les libéraux seront les premiers à pleurer si l'État menace de revoir à la baisse les subventions aux entreprises privées. Alors arrêtez deux minutes de vouloir nous faire avaler que votre vision du monde est la seule possible et par-dessus tout, cessez de nous les briser avec "gna gna gna les réglementations c'est la mort de l'entreprise" et "gni gni gni on veut moins d'État", vous serez sympas.

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1. Le mardi, 18 avril 2006, 12:35 par Le Monolecte

La vache!

Cette nuit j'ai r? que j'?is une vache. Une bonne grosse vache bien grasse qui broute dans une prairie. Mais une vache qui est quand m? moi. On est bien ici, me dit l'autre Ouais, mais je ne m'explique pas la pr?nce de ces barri?s, je lui...

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