Paradoxes informatiques

Ceux qui suivent un peu l'actualité de l'internet, des logiciels libres, du téléchargement légal ou illégal, ont tous entendu parler du projet de loi DADVSI. Il s'agissait de clarifier ce qui est toléré, autorisé, ou interdit dans le téléchargement sur internet, et l'exploitation des oeuvres artistiques notamment.
L'intention est louable, mais rapidement, cela a tourné au pugilat "logiciels libres contre les majors de l'industrie du disque" avec des enjeux financiers insoupçonnables derrière tout ça. La problématique n'est bien sûr pas de légaliser le piratage, mais de permettre à tous d'avoir le choix de son matériel et des logiciels qu'il utilise pour écouter, lire ou regarder des contenus culturels.

Le gouvernement s'est en effet entouré de gens compétents, mais défendant tous un intérêt financier bien loin de l'intérêt du consommateur et de l'internaute. Nous sommes arrivés à un projet de loi absurde, qui rendait illégal, par définition, le logiciel libre, en empêchant la fourniture de tout logiciel capable de transférer et/ou de lire un contenu soumis à droit d'auteur. Bien sûr, on pense immédiatement à La Mule, ou à Bittorrent, qui permettent aujourd'hui à n'importe qui de pirater des trucs très récents, mais cela englobe aussi les clients de messagerie, qui permettent de transférer des fichiers, les lecteurs MP3, les lecteurs de vidéos, et pourquoi pas Windows lui-même, ou Internet, pendant qu'on y est.
Devant l'absurdité de la chose, les internautes ont protesté, et la réaction première du gouvernement a été d'essayer de faire voter la loi pendant les vacances de Noël, quand il n'y a personne dans l'hémicycle, et quand les rares présents ne pensent qu'à fourrer leur dinde, pendant que leur épouse légitime prépare le repas du réveillon. C'est un peu comme si on faisait voter un contrat destiné pour les jeunes exprès pendant les vacances scolaires en urgence pour éviter les protestations et le débat, c'est bas, c'est lâche.

Fort heureusement, le débat a été repoussé, le gouvernement, sous la pression, s'est entouré un peu mieux, d'artistes, de libristes, d'industriels aussi, et a revu sa copie.
Mais pas d'emballement, l'heure est toujours aussi grave. Il sera toujours impossible, avec le projet de loi actuel, de visionner un DVD protégé sur un système Linux, par exemple. La protection anti-copie ne fonctionnant que sous Windows (éventuellement MAC ?), le linuxien de base se voit obliger de cracker la protection s'il veut lire le DVD qu'il a pourtant acheté légalement !

Pour faire de la pédagogie autour de ce concept, l'Etat ouvre aujourd'hui un site web intitulé "Les téléchargements". On peut y voir Marc Lavoine, Jean-Jacques Annaud... défendre la Culture. On nous y explique ce que coûte la création artistique et pourquoi elle doit être respectée... Soit.

Tristan Nitot suit l'affaire de près et il pointe aussitôt une incohérence : le site web fonctionne sous Dotclear, moteur de blog libre qui vous permet de lire ces lignes, et de nombreux autres blogs à travers le web. Logique, c'est le meilleur... Et c'est très bien que l'Etat utilise des logiciels libres pour minimiser les coûts, ou ne serait-ce simplement quand ce sont des outils de qualité.
Mais pour ce qui est de minimiser les coûts, on repassera, il semble que la prestation de création du site web soit facturée 180.000 euros (selon TF1) ! Et à ce prix, il n'est même pas fait mention de l'utilisation du logiciel libre (comme le "propulsé par Dotclear" que vous pouvez voir en bas de cette page). Pas très fair play de la part de Publicis : je prends un logiciel libre, donc gratuit, je l'adapte aux besoins de mon client (un petit lifting, deux ou trois modifications mineures...) et je le revends 180.000 euros, payés par le contribuable, bien sûr (entre autre).

Ce ne serait encore rien si le site lui-même ne faisait pas l'apologie d'un concept qui condamne à terme le logiciel libre, et qui ouvre un boulevard aux multinationales de la Culture. C'est d'un cynisme qui fait froid dans le dos...