... pour mieux l'analyser

C'est une technique archi-connue pour prendre un peu de hauteur, un peu de recul, et essayer d'analyser d'une vision extérieure des problématiques qui font notre quotidien.
Pour nous aider à réaliser ce prodige, nous pouvons nous aider des écrits talentueux de certains journalistes, romanciers, bloggueurs. Parfois même lorsqu'ils ne sont pas eux-mêmes les "inventeurs" d'une théorie novatrice, ils apportent avec leur éclairage nouveau un éclair de lucidité dans nos cerveaux embrumés.

Cette semaine, c'est le blog de Raffa qui m'a illuminé une première fois avec un lien vers un document intitulé "Pour en finir avec la société de l'automobile".
Rien de bien neuf me direz-vous. Ça fait un moment que les écolos et autres gang anti 4*4 nous bassinent avec leurs théories catastrophistes sur l'avenir de notre monde plein de bagnoles. Cette fois, j'ai pris le temps de lire le document (je n'ai pas encore terminé, mais je suis déjà édifié). A grand renfort de statistiques, théories et calculs en tout genre, parfois un peu fumeux, on en vient à la conclusion maintenant classique qu'on marche sur la tête et qu'on adore ça. La société se développe n'importe comment, anarchiquement, et un certain nombre de théoriciens nous expliquent comment le progrès va arranger tout ça.
Si l'on compare le nombre de morts imputable à l'automobile (sans même parler de la pollution ! Juste les accidents) avec celui du terrorisme, et les moyens qui sont mis en face de chacune de ces plaies, c'est assez effrayant. Et ce n'est pas les 3 ou 4 morts du Paris Dakar, ni l'annonce de Chirac, hier, à propos de l'utilisation des armes nucléaires pour défendre les "intérêts de la France et des pays amis" qui va renverser la tendance. Il faut se rendre à l'évidence, les vies humaines ont moins de valeurs que le marché.

Et cela m'amène justement au deuxième éclair de la semaine, trouvé sur decroissance.info. Il s'agit cette fois d'une vidéo passionnante sur ... la tomate. Le fruit que tout le monde croit légume.
C'est un documentaire de 13 minutes qui utilise la technique que j'évoque plus haut : on se place en spectateur d'un système bien ancré dans le quotidien de chacun de nous, on prend un air volontairement outrageusement pédagogique, et on finit sur des images qui mettent vraiment mal à l'aise, sur le ton de la déconnade. Un peu comme si un élève Martien du cours élémentaire présentait sa vision de la Terre et de ses habitants à sa classe de XZ2 (ça correspond à notre CE2, sur Mars) lors d'un exposé.

Il n'est pas besoin de faire des efforts d'imagination énormes pour se rendre compte du ridicule de certaines situations qui sont pourtant banales et communément admise. En ce moment, je me plais à répéter cette petite historiette, je ne me rappelle plus si je vous l'ai déjà livrée sur le blog :

Pascaline Ibé est une mère de famille attentionnée. Elle amène chaque jour ses enfants à l'école en voiture. Elle va ensuite faire ses courses au supermarché du coin, pour acheter des légumes frais dont son mari raffole. Bien que femme au foyer, P. Ibé possède sa propre voiture et elle fait une quinzaine de milliers de kilomètres par an, preuve qu'elle en a besoin.

Danielle Croissant est également mère de famille. Elle amène ses enfants à pied à l'école, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente. Elle prépare ensuite pour son mari des légumes qu'elle cueille simplement dans son jardin. D. Croissant leur trouve un meilleur goût que ceux du supermarché.

Notre société a une curieuse façon de juger ces deux types de comportements : le premier est très bon pour l'économie, pour la croissance, et donc il est encouragé. On vend des voitures, on vend de l'essence, on vend des légumes. Avec le temps qu'elle semble gagner en voiture, P. Ibé pourrait même envisager de reprendre un petit travail à mi-temps.
La seconde famille ne consomme rien. Elle n'entre à aucun moment dans les statistiques de création de richesses. Ce comportement n'est pas encouragé, il est même à ce titre plutôt mal vu.
Pourtant, grâce à l'exercice qu'elle fait chaque jour, cette famille sera en meilleure santé, moins de problèmes cardiaques. Les légumes du potager n'ont ni pesticides, ni engrais, ce qui évitera aux gamins de choper des allergies à toutes sortes de chose. En n'utilisant pas de voiture, elle ne participe pas à la pollution des gaz d'échappements, la pollution sonore, le réchauffement de la planète... Elle sauvegarde donc, quelque part, la santé de ces concitoyens.
Oui mais, c'est ballot : les dépenses de santé, en France et dans tous les pays à peu près développés, ça compte comme quelque chose de positif ! L'industrie pharmaceutique, elle aussi a le droit à sa croissance !

Vous l'avez compris, la première famille et la seconde accèdent à la même richesse, ont le même niveau de vie (et encore, la seconde fait des économies qu'elle peut utiliser à meilleur escient). Pourtant, seule la première famille compte pour la croissance économique, qui je le rappelle, est le seul indicateur qui pilote notre pays.

Prenons du recul,
et voyons comme on nous en...fume.

Commentaires

1. Le samedi, 21 janvier 2006, 11:21 par Renaud B.

Très très bonne analyse ... malheuresement ça marche comme ça dans notre pays. :-(

2. Le lundi, 23 janvier 2006, 08:51 par Marzi

Bof, moi, je suis pas d'accord. C'est mal vu ? Non, on nous bassine plein pot sur le fait de garder de l'exercice physique nécessaire à notre équilibre, en nous conseillant de supprimer les petits trajets en voiture poru les faire à pied. Et on nous bassine aussi, dans le cadre du recyclage des déchets, à avoir notre propre composteur, en nous précisant bien que si on fait qq m² de jardin, ca fera un très bon engrais. Pire : on rencontre tous des gens très fier de nous raconter qu'il mange les légumes de leur jardin qui n'ont pas le meme gout que ceux du supermarché !
Que ca ne soit pas l'attitude adopté par la majorité, je n'en doute pas. Que ca soit "mal vu", je ne suis pas d'accord!

3. Le lundi, 23 janvier 2006, 13:42 par Merome
Marzi : "Ce comportement n'est pas encouragé, il est même à ce titre plutôt mal vu." => le "à ce titre" renvoie à "création de richesses" de la phrase précédente. Je ne dis pas qu'un quelconque gendarme des bonnes moeurs nous explique qu'il ne faut pas faire ça, je dis qu'à aucun moment ce comportement n'entre dans le calcul des richesses (alors que c'en est une, et une vraie, à mon sens), et que d'un autre côté, on tente de nous expliquer qu'en travaillant plus, qu'en consommant plus, on soutient l'activité économique, et pour cela on a un vrai indicateur, qui sert, je le rappelle, de base à la constitution du budget de notre pays...
A l'inverse, tout comportement qui ne favorise pas la croissance économique est découragé, ou mal vu. Le cas du congé parental sur un an mieux payé au lieu de trois moins payé me semble être un exemple illustrant ceci. La place laissée au vélo dans nos villes par rapport à celle laissée au voiture me semble être un autre exemple tout à fait probant également.
4. Le lundi, 23 janvier 2006, 14:02 par Kilroy

Moi non plus , je ne pense pas que consommer des légumes ou des fruits issus de sa propre production soit mal vu. Mais le mode de vie (urbain, en appartement) et certains usages (jardin d'agrément sans potager) réduisent fortement les possibilités de le faire.
Et c'est vrai que les légumes du jardin n'ont pas le même goût que ceux du supermarché, voire même du marché ! Déjà, ils sont cueillis murs et ne subissent pas les affres du calibrage, des manipulations et du transport.
Pourtant, même pour une production personnelle, les grandes surfaces spécialisées, les semenciers et l'industrie chimique imposent leurs contraintes : nombre de variétés réduite aux plus productives, utilisation de pesticides et d'herbicides (merci Monsanto pour le Roundup qu'on trouve dans toute bonne cabane de jardin).
Tant qu'à faire sa propre production, autant choisir des variétés qu'on ne trouvera pas dans le commerce et leur épargner les produits chimiques...

Bon, c'est pas tout ça, mais il va falloir que je commande mes semences de 'noire de Crimée' et de 'banana legs' chez Kokopelli (www.kokopelli.asso.fr) si je veux ne veux pas avoir les tomates en septembre comme en 2005 !

5. Le mardi, 18 avril 2006, 21:30 par papillon

Moi je pense que rien ne peut aller sans system, exemple pour la consomation on pourait s'en passe mais il faudrai de toute fasson un system pour partager nos légumes etc... et du coup le system actuel est presque parfait quand on y pense. Sauf qu'il nous casse pas mal la tete vu la complexité du system

6. Le samedi, 22 novembre 2008, 00:16 par n3urotoxik

Je vois exactement ce que tu veux dire, même si je suis à la ramasse niveau date, il est jamais trop tard que lorsqu'il est trop tard hein ^^'
Quand merome parle de mal vu, c'est par l'économie. car même si l'on parle d'un mot, d'un terme, on peut le comparer à un être à part entière (personnification), et si l'on se met à la place de ce mot, si l'on ne me fait pas du "bien" je vois mal la chose.
là où je veux en venir c'est qu'à notre époque (maintenant en 2008 bientôt 2009) tout s'organise par l'économie, et si l'ont n'y participe pas, on n'aide pas ceux du système, on devient indépendant et on s'extrait peu à peu du système moderne, et ça peut être mal vu, un exemple concret, les personnes isolées qui ne fonctionnent pas sous les mêmes valeurs, principes, (allons jusqu'a la culture) sont souvent mal perçues par les autres (flagrant à l'école)

enfin voilà, j'étais juste de passage ^^'

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