Qu'est-ce que c'est encore que cette nouvelle idée saugrenue ?

Rien de grave, ce n'est que le fruit d'une de mes nouvelles introspections. Vous pouvez vous rendormir.

Imaginez un supermarché, des courses à faire, la routine. Devant chaque rayon, une petite hésitation, on compare quelques étiquettes, on regarde notamment :
- Le prix
- La qualité
- La date de péremption
et plus rarement :
- La provenance du produit

Aujourd'hui, vous craquez pour un épluche légumes qui fait radio-réveil, ce n'était pas sur votre liste, mais son petit côté fluo vous a attiré l'oeil et vous cherchiez justement un cadeau original à faire à votre belle-mère. En plus, c'est pas cher, c'est dans le bac de ces trucs à 1 euro. Ce qui est largement suffisant pour une belle-mère, vous en conviendrez.

Malheureusement, vous ne savez rien de l'histoire du produit, de sa fabrication. "Made in China" est la seule indication qui est à votre disposition, et cela te vous donne un petit côté exotique à l'objet qui n'est pas sans attrait. Vous imaginez déjà le petit artisan chinois qui fait ça dans son arrière-pagode, pour arrondir ses fins de mois.
Si le produit arborait clairement un écriteau : "ce produit a été fabriqué par un enfant de 6 ans qui travaille 12h par jour", je suis sûr que nous serions plus d'un à hésiter. Imaginez les regards des autres. Peut-être de l'instit de votre fils, qui comme par hasard se trouvait là, à acheter du chocolat équitable pendant que vous louchiez sur l'instrument de torture à pas de sous qui fait le quotidien malheureux de milliers d'enfants asiatiques. De la même manière, s'il y avait une signalétique qui précise "ce produit a nécessité 3 litres de pétrole, 10kw d'énergie, soit 12 kg de CO2 (chiffres empiriques) rejetés pour toujours dans l'atmosphère pour sa fabrication et son transport", nous nous rendrions sans doute mieux compte de la portée de nos achats.

Ces informations, nous ne les avons pas, et nous ne les aurons sans doute jamais. Les coûts cachés, humains et écologiques, ne sont pris en compte à aucun moment dans notre acte d'achat. Si j'étais l'Organisation Mondiale du Commerce, je m'inquièterais de ce problème, je crois. Et je mettrais en place une harmonisation mondiale des coûts sur ces nouveaux critères.
Jusqu'ici, nous nous intéressons principalement au rapport "qualité/prix", faute d'avoir d'autres informations. Il serait bon d'avoir un indicateur qui prenne en compte le côté éthique du produit. La qualité serait toujours un critère, l'autre serait l'éthique, et le jeu serait de maximiser ce "produit". Cette fois, ce n'est plus un rapport, une division, c'est un produit, une multiplication. Le produit éthique*qualité, d'où le titre de l'article éponyme.
Comme nous ne nous passerons pas de la monnaie de sitôt, il serait bon d'intégrer le côté éthique dans le prix. En le faisant donc augmenter lorsque les conditions de travail sont détestables, et lorsque le bilan écologique global de la production et du transport est désastreux. Nous aurions ainsi un prix final qui tient compte de toute la vie du produit, et pas seulement de son prix de revient. Vous noterez que les produits issus du commerce équitable, qui s'approchent de cette idée, suivent la courbe inverse : ils sont généralement plus chers que les produits qui polluent et assassinent sans bruits les petits n'enfants du monde.

Je vois d'ici les levées de boucliers : ça ne peut pas marcher, encore une de tes idées utopiques à la noix, qui n'a aucune chance de passer le seuil de l'étude de faisabilité. Pourtant... Ça réglerait bien des problèmes. Celui des délocalisations en premier : vous avez parfaitement le droit de délocaliser votre production et de profiter ainsi de la main d'oeuvre bon marché, ou des conditions avantageuses des autres pays, mais il y aura un surcoût à intégrer : si c'est juste pour gagner 3 sous sur les salaires, en ignorant parfaitement le problème du transport qui ne coute rien mais qui pollue beaucoup, si c'est juste pour s'éviter la lourdeur administrative de la France, en faisant abstraction du sort des gosses qui bossent à l'autre bout du monde pour faire grimper vos stocks-options, alors, ça risque de vous coûter plus cher que prévu. Ce ne serait que justice, me semble-t-il.

Je verrais bien quelques grincheux me dire aussi que c'est la fin de nos exportations, le rayonnement de la France, et tout ça. Déjà, le rayonnement de la France se mesure surtout en Becquerel, pour l'instant. Et mathématiquement, tout ce qui n'est pas importé parce que devenu trop cher, il faudra bien le combler par notre propre production. On continuera de vendre nos airbus qui n'ont pas d'équivalent ailleurs. On continuera d'importer des kiwis bananes parce qu'elles ne poussent pas en France. Mais nous mangerons des patates françaises, plutôt que de les envoyer à M'babane (Swaziland) pour en faire des frites surgelées et d'en importer des polonaises. Je simplifie, mais vous voyez bien l'esprit...

Si l'on considère le système économique mondial, il me semble que rien ne changerait. Tout le monde joue le jeu, avec les mêmes règles, c'est quand même plus pratique. Les besoins resteraient à assouvir. Le jeu de l'offre et de la demande ferait le reste.
Bien sûr, l'épluche-légume qui fait radio réveil prendrait une augmentation de 300%. Mais ça ne serait que son véritable coût global, qu'un producteur local pourrait faire baisser facilement en enlevant la part "transport" de son prix de revient.

Les fruits et légumes les moins traités deviendraient soudain beaucoup moins chers que les autres, car leur impact écologique serait moindre. On y gagnerait en santé, on y gagnerait en pollution des nappes phréatiques...

Mis à part le fait que c'est parfaitement inapplicable, il n'y aurait que des avantages à ce genre de chose. Je m'en vais envoyer mon CV à l'OMC, moi. Peut-être qu'ils sont simplement en panne d'idée, là-bas...

Commentaires

1. Le samedi, 26 novembre 2005, 09:54 par Le Monolecte

Déjà, les kiwis poussent très bien dans ma région! ;-)
Ensuite, cette évolution est déjà en cours. Ainsi, Wal Mart, le géant de la distribution a perdu 8% de CA depuis que les gens sont au courant des conditions de travail désastreuses de salariés du groupe. Pour l'instant, Wal Mart réplique avec de la contre-propagande, mais va bien falloir qu'ils prennent en compte durablement ce paramètre...

Leur comportement dépend de notre comportement...

2. Le samedi, 26 novembre 2005, 18:02 par captain gouyou

mais ca va peut-être arriver ton idée... :-D
Avec l'augmentation inévitable des frais de transports dans les prochaines années, les produits fabriqués en chine risquent d'être rudement chers à rapatrier... D'où surcoût! Et finalement, les producteurs locaux seront avantagés, c'est un peu ce que tu voulais, non? :)

3. Le dimanche, 27 novembre 2005, 19:30 par Marzi

Enfin, nos airbus, arrete de revons : on ne les vendra plus. Ils sauront bien en faire vite fait, les chintocs et les indiens : ben oui, meme les russes avaient leur topolev.

Ceci dit, ca ne remet pas en cause l'idée de base... qui est louable. La question est de savoir en effet si c'est acceptable au niveau mondial, ou nous ne sommes pas les seules. Car finalement, les chinois ou autre pays "en voie de développement" ne seraient pas pour, mais alors, pas pour du tout... et nous, serions nous pour, alors que nous faisons nos courses au lidl ou à la halle au vetement ? Après tout, rien ne nous empeche déjà d'acheter que du made in france dès aujourd'hui..

4. Le lundi, 28 novembre 2005, 08:44 par Merome
Effectivement, rien ne nous empêche de le faire, pour ce qu'on sait, notamment le "made in", qui est une des informations qu'on a. Par contre, savoir d'où vient un légume "made in France", ce n'est pas toujours évident, par exemple. Le problème reste valable à l'intérieur même d'un pays.
Ensuite, ce qui m'a poussé à faire cet article, c'est avant tout le fait que le consommateur moyen, moi le premier, n'aura jamais le réflexe éthique s'il y a du pognon à gagner. C'est naturel, comme comportement et je ne pense pas qu'on puisse aller contre, même avec une prise de conscience massive.
5. Le lundi, 28 novembre 2005, 15:55 par Bob

On peut aussi noter que tous les produits du commerce equitable ne sont pas necessairement plus chers que leurs equivalents "standards", sauf peut-etre a aller taper dans les tout premiers prix.

Je trouve dans mon supermarche du the, du cafe et du cacao etiquetes Max Havelaar, tres bons et moins cher que ce que j'achetais avant (il faudra quand meme que j'ecrive au distributeur pour dire que mettre chaque sachet de the dans un plastique individuel, c'est peut-etre superflu). En revanche c'est vrai que le sucre et le riz sont carrement plus chers.


Dans l'absolu je ne crois pas que l'idee soit si inapplicable que ca. "Dire qu'il suffirait que les gens arretent d'en acheter pour que ca ne se vendre plus..." (cf carnets.changeons.net/ind... En pratique, on retombe toujours un peu sur les memes problemes : le systeme en place a accumule enormement d'inertie, donc il faut cumuler beaucoup de petits efforts pour commencer a le faire bouger.

Apres, je dirais que le plus gros obstacle a ce type de boycott (puisque finalement c'est bien de ca dont il est question) est qu'il arrive qu'il n'y ait pas de bonne alternative et qu'on se retrouve a devoir choisir entre la peste et le cholera pour pouvoir repondre a son besoin. Exemple : si j'ai besoin d'un nouveau kimono pour l'aikido, au magasin j'aurai le choix entre celui de la marque "maison", fabrique au Bangladesh, ou celui d'une grande marque de sport, deux fois plus cher et qui viendra du Pakistan ou du Sri Lanka. Difficile d'imaginer qu'un seul des trois modeles a ete produit dans des conditions 100 % honnetes. La seule solution pour avoir du materiel produit honnetement serait de l'acheter quatre fois plus cher au Japon et le faire venir en avion...

6. Le lundi, 28 novembre 2005, 16:58 par Ysengrin

Carrément d'accord. D'ailleurs, c'est même notre seule chance de survie : soyons lucides, l'avenir de la société de consommation appartient à la Chine : de plus en plus c'est eux qui produiront, nous ne ferons plus que consommer... tant que nous en aurons les moyens. Mais si demain on leur renvoyait leurs m***** en leur disant : "Désolés, nous ne sommes pas preneurs" -> un beau coup de pied dans la fourmilière !

Maintenant, je vais faire mon iconoclaste. Ton idée est très bonne (et je l'applique), mais ne concerne que nos IMPORTATIONS. Or, nous pouvons (devons, pour être cohérents) aussi influer sur nos EXPORTATIONS... Eh oui, le Chinois n'est pas le seul à produire non-éthique, nous aussi sommes de beaux salopards. Et je ne parle même pas des chars Leclerc, chasseurs Dassaut, mines Matra... (ô, belles productions du pays des droits de l'Homme ! Non, n'en parlons pas, je préfère...). Mais, notamment dans l'agro-alimentaire : nos exportations de sucre de betterave (le plus cher qui soit à produire) hyper-subventionné dans des pays où les cultivateurs de canne à sucre n'ont plus qu'à mettre la clef sous la porte ; les exportations massives de poulet de batterie en Afrique de l'Ouest... la liste n'aurait pas de fin : nos excédents commerciaux, tout notre niveau de vie, doit beaucoup à la ruine de gens qui n'avaient déjà pas grand chose à l'origine.

Bien sûr, ça suppose de dépasser l'action individualiste du consommateur, et de s'organiser, pour faire pression sur les décideurs. Mais, pour parler d'éthique au Chinois, il serait de bon ton de balayer AUSSI devant notre porte !

7. Le jeudi, 1 décembre 2005, 08:49 par Bob

Pour info, reponse d'Ethiquable par rapport a ma question sur les sachets de the :

Nous avons bien reçu votre mail concernant votre interrogation sur l'emballage de nos sachets de thé et nous vous remercions de nous faire part de votre ressenti et de vos remarques. Sachez que les enveloppes de nos thés sont en polypropylène recyclable : vous pouvez donc, en triant vos emballages, les recycler. Il existe effectivement des enveloppes en papier mais leurs fibres sont non recyclées. Par ailleurs, nous avons effectué des tests avec les deux types d'enveloppes (en polypropylène et en papier) et nous avons constaté que les enveloppes en polypropylène conservaient plus durablement la saveur du thé par rapport aux enveloppes en papier. Nous avons donc décidé de privilégier la qualité gustative des produits afin de satisfaire les consommateurs et de leur garantir un produit de qualité durant toute la durée de vie du produit et de favoriser ainsi les débouchés aux petits producteurs.
Bien entendu, les questions liées à l'environnement font également partie de notre démarche : la plupart de nos matières premières sont cultivées dans le souci d'une agriculture durable et respectueuse de l'environnement, nous utilisons du papier recyclé, etc.

8. Le mardi, 6 décembre 2005, 16:36 par Alex

Salut,
juste au sujet du thé, perso je viens de passer au thé "en vrac", ce qui évite les sachets individuels, et en plus, c'est bien meilleur, on n'a pas les vieux déchets brisés de feuilles de thé... Et puis en le choisissant bio (et équitable de préf), c'est encore mieux côté environnemental, et vous verrez que ca revient même moins cher que le thé en sachet au final!
Et oui, on va le changer ce p... de monde, même si pour le moment nos gestes peuvent paraître comme des gouttes d'eau dans l'océan! Il faut bien commencer un jour!

9. Le mardi, 28 novembre 2006, 14:29 par carole

Pour consommer en toute responsabilité et soutenir le commerce équitable, l'agriculture bio et la consommation éthique, je vous conseille un super site : eco-sapiens. C'est un guide d'achat éthique en ligne qui propose de nombreux produits ainsi que dossiers d'information pour mieux choisir ! A voir absolument

www.eco-sapiens.com

10. Le vendredi, 7 décembre 2007, 10:22 par marinov

a propos des Kiwis :
la france est le 4eme producteur mondial de ce fruit... :-)

11. Le vendredi, 7 décembre 2007, 14:14 par Nath

J'aime beaucoup cette idée, mais elle demanderait une volonté et un courage politique que ne possèdent pas ceux qui nous gourvernent (même si la nouvelle éco-pastille sur les voitures neuves va un peu dans ce sens)

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.