J'ai souhaité aujourd'hui revenir sur une métaphore que j'ai commencé à utiliser la semaine dernière, en voilà une qui a de l'avenir.

Ce billet fait suite à celui-ci. Ou plutôt, il réexplique la même chose avec un autre exemple. Peu de gens, finalement (et malheureusement) connaissant Fourmix, il n'est pas inutile que je choisisse un autre jeu pour asseoir ma théorie.

Chacun d'entre nous a sans doute eu l'occasion de jouer à d'interminables parties de Monopoly. C'est un des jeux les plus connus au monde, il a été traduit en 26 langues... Respect.
On a tous pu remarqué un gros défaut à ce jeu : il n'a pour ainsi dire pas de fin, mais pourtant, au bout d'un moment, les dés sont jetés : il n'est plus possible de changer quoi que ce soit dans le classement des joueurs. Souvent, un seul d'entre eux détient 80% des cases, les autres se partagent les miettes, quand ils parviennent à survivre.

La comparaison du jeu avec notre monde capitaliste a souvent été faite. Je n'ai pas souvenir d'avoir lu une anticipation de notre société à travers le Monopoly, ce qui constitue pourtant l'étape naturelle suivante.
Mettons aujourd'hui fin à ce manque, et avouons-nous le sans ambages : notre société va finir comme une partie de Monopoly : mal.

Et pourquoi ? Simple : les règles du jeu sont mal foutues. A Monopoly, au départ, toutes les chances sont égales. Tout le monde sur la case "Départ", avec le même argent en poche, les mêmes dés. Au bout de deux ou trois tours de jeu, les inégalités surviennent. L'un des joueurs, appelons-le Farid, se retrouve en prison sur un malentendu. L'autre, Raymond, est tombé sur le Boulevard de Belleville qui ne vaut pas un clou, et est arrivé ensuite sur une case qu'il n'avait pas les moyens d'acheter. Le troisième enfin, Ernest-Antoine, a bénéficié d'une erreur de la banque en sa faveur, ce qui lui a permis d'acheter l'avenue de Breteuil, en vert, ce qui est un bon placement.
On dit souvent que le hasard fait bien les choses, je dirais plutôt qu'il fait les choses aléatoirement. Selon toute probabilité, les chances de faire un double sont égales pour tous, et on croit à partir de là que le jeu est parfaitement équilibré. Grave erreur. Farid, en sortant de prison, a beaucoup plus de chances de se ruiner sur l'avenue de Breteuil qu'Ernest Antoine, et pour cause, ce dernier est chez lui ! Raymond n'est certes pas au bord de la faillite, mais son hôtel Boulevard de Belleville restera miteux jusqu'à la fin.
Plus le jeu avance, plus ces inégalités se creusent. Evidemment, tout le monde rêve de tomber sur la rue de la Paix qui est encore à prendre (et qui est une fameuse contrepèterie), mais qui peut réellement se la payer ? Ernest Antoine peut bien manquer de chance pendant quelques tours et ne pas tomber sur la bonne case, il sait bien qu'elle est pour lui. En attendant, il collectionne les gares, ce qui est reconnu comme un bon investissement.
Farid est éjecté du jeu au bout d'une cinquantaine de tour. Il a bien tenté une alliance avec Raymond qui sentait bien que seul, il ne ferait pas le poids face à Ernest-Antoine, mais c'était décidément trop difficile d'entretenir Farid, qui, à croire qu'il le faisait exprès, tombait sans arrêt sur les gares.
Le face à face inévitable ne sera pas intéressant longtemps. Bien qu'Ernest-Antoine, d'humeur joueuse, laisse des chances au malheureux Raymond en ne construisant pas immédiatement des hotels partout, l'inéluctable se produit : Raymond abandonne. Il faut dire que ça fait 100 tours qu'il coure après la fortune de son adversaire. Il a joué diablement bien, mais cela n'a pas suffit. Ernest quant à lui est bien content d'arrêter, il n'a plus de place devant lui pour ranger ses billets. Et une fois qu'il aura mis ses derniers hotels, que va-t-il bien pouvoir faire ? A chaque fois que son adversaire fait un tour, il gagne 4 ou 6 fois plus d'argent que lui ! Le jeu a perdu tout intérêt pour tout le monde.

Il faut alors recommencer une autre partie. Vous avez déjà fait deux parties de Monopoly à la suite ? Moi non. Il y a comme une période de récession après avoir joué, on se dit qu'on ne s'y laissera plus prendre. Ce jeu est décidément trop mal foutu.
Plus jeunes, on croyait encore qu'en cachant un peu d'argent sous le plateau, et en le sortant au moment d'un achat important, on surprendrait nos adversaires. Mais finalement, un bas de laine reste un bas de laine, inerte et inutile.
On a aussi tenté avec les copains de jouer sur deux plateaux. La croissance désormais multipliée résoudrait sans doute le problème d'inégalité. En fait c'était encore bien pire. Heureusement pour Ernest-Antoine qu'il y avait, avec les deux plateaux, deux jeux de billets. Un seul n'aurait sans doute pas suffit. Farid, lui, pouvait visiter deux prisons, ça le changeait un peu.

Je ne peux m'empêcher de penser que nous vivons dans un grand Monopoly, qui connaitra malheureusement la même issue. On est tous des Raymond : Farid nous emmerde avec sa malchance multirécidiviste et on commence à se dire qu'il faudrait peut-être arrêter de l'entretenir à nos frais. Ernest-Antoine nous démoralise, mais il nous fait envie. Après tout, lui aussi n'est parti de rien, pourquoi pas nous ? Chaque mois, en touchant nos 20.000, on se prend à espérer un changement. Mais la caisse de la communauté est de plus en plus lourde à porter. Le jeu ne nous passionne plus.

- Dis Papa, on peut arrêter de jouer à ce jeu ? Comment ?

Et là, Papa sort un vieux jeu vidéo : Wargame.

Commentaires

1. Le mercredi, 12 octobre 2005, 21:56 par Toff

C'est vrai que le Monopoly est un petit monde.
E-A nous fait chier, mais la meilleure chose est d'investir le plus possible, pour avoir le maximum de profits. J'ai dejà fait des parties qui ne se terminaient jamais, la banque avait faillite, manque d'argent, et on notait l'argent que la banque nous devait :P. Et c'est la que touche ta phrase préférée :"une croissance infinie dans un monde fini".E-A laminera Raymond, qui deviendra de plus en plus petit jusqu'a disparaître totalement... La solution a ton problème serait le communisme non ?? pas de dictatures de m#rde mais des régimes ou yaurai que l'Etat qui distribuerai les ressource en fonction des besoins des gens, mais ca demanderai une trop grande solidarité, confiance et aucune corruption, et ca l'Homme ne sait pas faire :)

2. Le mercredi, 12 octobre 2005, 22:01 par Toff

Autre note, on pourrait y instaurer ton iddée de décroissance non^^

3. Le jeudi, 13 octobre 2005, 08:18 par Merome
Le communisme ne marche pas, et mes idées n'ont rien à voir avec cette idéologie.
Peut-être qu'on devrait s'inspirer du modèle de jeu du football. J'ai l'impression que dans ce sport tout est possible. On peut même voir la France se qualifier pour la Coupe du Monde. Et rien n'est jamais acquis dans ce sport...
4. Le jeudi, 13 octobre 2005, 08:45 par Bob

Belle analogie, tristement limpide. Michael Moore lui aussi dit au debut d'un de ses bouquins recents qu'on aura toujours des Ernest-Antoines tant que les Marcels entretiendront l'espoir, meme minime, d'etre un jour a leur place (meme moi je me suis mis a jouer a la loterie recemment - et meme si, en cas de gros lot, j'en donnerais sans doute l'essentiel a des associations caritatives, c'est quand meme revelateur).

En revanche je n'aime pas du tout la derniere phrase de ton article, Merome, elle me fait peur ;) D'ailleurs j'aurais tendance a me dire que les guerres ne font qu'accentuer les inegalites, avec les Ernest-Antoines ou autres Marcels qui sont aux commandes des grands groupes qui fournissent les infrastructures et les "consommables"...

"Ce qu'elle en a bu, du sang, cette terre
Sang d'ouvrier et sang de paysan
Car les bandits qui sont causes des guerres
Ne meurent jamais, on ne tue que les innocents..."

5. Le jeudi, 13 octobre 2005, 09:00 par marzi

La description du monopoly est diablement juste. Sauf sur un point : le jeu a justement une fin. Très vite, Farid, voir raymond, est en cessation de payement. Boum, terminé, fin du jeu. On garde le suspense en notant des dettes à la banque sur un bout de papier, et la, ta théorie se vérifie, il ne peut que s'effondrer de plus en plus, aucune chance de remonter.

Mais le parallèle avec notre monde est un peu rapide, je trouve. Certes, il y a aura tj des ernest-antoine, certes, il y aura toujours des farid, mais ce monde liberal dans lequel nous vivons a au milieu de ces défauts de vrai qualité : non, aucun de nous ne deviendra un ernest antoine, mais en se "sortant les doigts du cul", chacun peut prendre son destin en main et avoir bien assez pour vivre dignement.

Notre monde n'est pas rose et est criticable sur bien des points : mais on lui oublie souvent cet avantage.

6. Le jeudi, 13 octobre 2005, 12:07 par Toff

Raymond avait qu'a gagner au loto ---------------------->

7. Le jeudi, 13 octobre 2005, 13:18 par Arnaud

Merome,

Tu parles du football, mais regarde tous les sports collectifs (ou presque, je vais m'en expliquer). Le football est une petite société où chacun cherche à devenir un Zidane sur le terrain et à tous les niveaux. En délaissant parfois ce qui fait normalement la force de ce sport : le collectif.
Si au foot, au hand, au basket, un joueur peut tenir à bout de bras une équipe, ce n'est pas le cas dans le rugby. Dans ce sport collectif (qui est un sport d'aristocrates, donc d'E-A), la solidarité joue à plein et même un bon joueur ne renversera pas à lui tout seul le cours d'un match ! Il doit se mettre au service de l'équipe et vous ne verrez pas une équipe se mettre au service d'un joueur.
C'est qui faudrait dans notre société.

J'ai beaucoup ce sport et surtout quand j'étais jeune, les troisième mi-temps

8. Le jeudi, 13 octobre 2005, 13:19 par Arnaud

Vous aurez rectifié, il fallait lire à la fin : "j'aime beaucoup..."

9. Le jeudi, 13 octobre 2005, 20:41 par Merome
Bob, j'espère que tu as bien compris que la phrase qui te fait peur n'est pas un souhait de ma part, mais bien une crainte...
10. Le jeudi, 13 octobre 2005, 22:17 par Toff

Bah le monde n'a pas trop évoluer depuis les années... Il y a 2 000 ans on faisant des guerres pour imposer sa culture.Il y a 1000 ans, on faisant des guerres pour le pouvoir Il y a 200 ans, on faisait des guerres pour le territoire. Aujourdhui, on en fait pour l'argent.. Et c'est toujours les pauvres qui crèvent pour les riches :)

11. Le jeudi, 13 octobre 2005, 22:19 par Toff

J'ai pas été trop clair en faite :P : c'est les pauvres qui s'entretuent pour des riches qui les bougent sur un échiquier :)

12. Le jeudi, 13 octobre 2005, 23:06 par Enzo

reste plus qu'a esperer avoir le role de la bank et de tricher un peu pour les fins de mois difficile.


Sinon pour le rugby pas trop d'accord, les all blacks sans ou avec Jona Lomu c'est pas la meme equipe, a lui seul il peu faire basculer un match.

13. Le vendredi, 14 octobre 2005, 07:52 par Toff

Il a quoi de spécial ? Il crie plus fort que le autres ?? :)

14. Le vendredi, 14 octobre 2005, 08:48 par Bob

Merome, j'avais tres bien compris. C'est pour ca que ca me fait peur :)

15. Le vendredi, 14 octobre 2005, 16:25 par steh

ca a l'air chouette comme jeu pourtant. On respawne ou et tous les combiens? ;)

16. Le vendredi, 14 octobre 2005, 17:25 par Merome
"respawne" ???
Bob : Je ne t'ai pas dit d'envoyer ta lettre de démission tout de suite :)
En fait, le vrai problème, c'est que je ne sais abolument pas travailler en équipe : soit je fais tout, soit je fais rien :)
17. Le vendredi, 14 octobre 2005, 17:34 par Arnaud

Enzo,

Lomu ne fait pas basculer un match à lui tout seul. D'ailleurs quand la France a battu les AB par le plus grand des score, il était là et il n'a rien pu fait. L'équipe, c'est ca la solution au rugby. Je sais, j'y ai joué pendant 3 ans

18. Le vendredi, 14 octobre 2005, 19:08 par Bob

Steh, c'est la vraie vie : on ne respawne pas (ou en tout cas pas comme dans Enemy Territory ;)

19. Le vendredi, 14 octobre 2005, 19:43 par Etheriel

Y'en a marre, marre des pauvres
Les pauvres y font aucun effort pour devenir riche
Y'en a marre, marre des pauvres
Et quand y jouent au loto y réfléchissent même pas à se qu'ils cochent
Y'en a marre, marre des pauvres
Et puis c'est surement la faute des pauvres si y'a de la misère
Y'en a marre, marre des pauvres
Et puis c'est facile de se plaindre quand on sait qu'on est la majorité
Les pauvres quand ils travaillent
ils enrichissent les riches
Du coup y faut pas qu'ils s'étonnent
ben si ils sont toujours aussi pauvres
Y'en a marre, marre des pauvres

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