Je reviens une nouvelle fois sur le référendum. Je ne m'en lasse pas.

Les journalistes et les politiciens me dépriment. Même Jean-Michel Aphatie, qui d'ordinaire analyse la situation d'une façon fort juste me déçoit en ce moment. Duhamel aussi. Mes deux chroniqueurs/intervieweurs du matin en partant au boulot me désappointent sévèrement...

Jean-Michel Aphatie a posté sur son blog un article intitulé "Du 21 avril 2002 au 29 mai 2005". Par un nombre impressionnant de calcul savants, de reports de voix entre les deux scrutins, d'analyses plus ou moins empiriques, il arrive à la conclusion suivante : les français sont tous des fachos, et de plus en plus. J'exagère à peine.
Pour lui, le grand vainqueur de ce scrutin est le FN. Si l'on ne considère que les partis, peut-être, admettons. Si l'on considère les idées, je m'insurge : c'est archi-faux.
Duhamel enfonce le clou en nous expliquant jour après jour que la renégociation est impossible, que la France est écartée de l'Europe, qu'on ne s'en sortira pas... Effectivement, avant le 29 mai dernier, il avait dit que c'était ça qu'il se passerait après un Non Français. Il peut difficilement se dédire. Bref, il continue de dire qu'il fallait voter Oui, à tue-tête. Bon, c'est son opinion, d'accord, mais ça nuit un peu à l'analyse objective dont il essaie généralement de faire preuve.
S'ajoute à cela, des commentaires plus ou moins ironiques de mon entourage qui a voté Oui, des propos d'un réalisme accablant mais qui se confond en une sorte de cynisme pessimiste et de mauvaise foi.

J'en conclus les propositions suivantes, exclusives l'une par rapport à l'autre:

- Soit je n'ai moi-même rien compris et nous allons effectivement au devant de gros ennuis ou tout au moins vers une crise européenne et politique qui n'ira pas dans le sens que j'aurais souhaité. Le libéralisme en sort grandit, les partis politiques encore plus autistes, la France s'enfonce dans le chômage, aidé à coup de talon par les délocalisations. Jean-Marie Lepen ou son parti parvient au second tour en 2007.

- Soit ce sont les déçus du scrutin, les partisans du Oui, qui grouillent comme on le sait dans les médias et les partis "gouvernementaux", qui mènent plus ou moins innocemment une campagne de sabordage de la belle idée sous-jacente qu'il y avait derrière cette union apparente des extrêmes incompatibles entre eux. Le cas Duhamel est typique, il a clairement prononcé ses faveurs pour le Oui pendant la campagne, il ne peut pas reconnaître aussitôt s'être trompé. Des gens comme Duhamel, analystes politiques à la radio, à la télé et dans les journaux, il y en a des mille et des cent. Ils construisent littéralement l'information et nous l'assènent prédigérée.

Mon légendaire optimisme et ma prétention notoire me font espérer que ce Non était réellement positif. Et heureusement, j'ai quelques raisons de penser que je ne suis pas seul à marcher dans cette direction. Les commentaires de ce blog, comme certains de celui de Jean Michel Aphatie vont dans le même sens : le Non voulait dire quelque chose de positif et de pro-européen.
Dans les rangs des électeurs du FN, combien de déçus du RPR, du socialisme, du communisme même ? Ils n'attendent qu'une goutte d'eau pour faire déborder l'urne de leur bulletin d'une couleur inédite. Parmi les électeurs du Oui, combien étaient insatisfaits du traité mais l'ont plébiscité faute de mieux ? Combien ont voté comme leur parti leur conseillait sans réfléchir plus loin ?
Avec tous ceux là, dans le camp du Oui, comme dans le camp du Non, il y a une vraie chance de rassembler des idées communes. Des aspirations simples de paix et de développement économique durable et respectueux de l'humain. Des désirs de fraternité plus que de liberté. Des envies de trouver enfin une représentation politique digne de ce NON.

Je le disais récemment, l'internet est un formidable vecteur pour cette grande idée nouvelle. Elle ne touche malheureusement pas encore une population suffisante pour s'organiser comme il se doit.
Par contre, les oreilles les plus attentives commencent à entendre ici et là des échos médiatiques grands publics qui sortent de l'ordinaire. La décidément excellente émission de France Inter Là-bas si j'y suis recevait lundi d'éminents journalistes/politologues qui ne disaient rien moins que ce que je tente d'expliquer maladroitement ici. Voyons le résumé :

Le vote de classe, celui du non à la constitution européenne, semble ne pas être entendu par le gouvernement. Ainsi que l'explique Serge Halimi, vu de l'étranger, les Français grognent et vu de l'intérieur, comme le souligne Anne-Cécile Robert, les Français doivent être éduqués, ils n'ont pas compris la constitution. L'Amérique Latine dit non également, non au libéralisme, non à la droite et aux Etats-Unis.

J'ai ouï dire également que le journal Marianne s'écartait de la pensée unique et proposait une vraie réflexion sur ces questions européennes notamment.

Bref, la route est droite, mais la pente est forte aurait dit un célèbre héros de bande-dessinée, à moins que cela ne soit un chanteur de boys-band, je ne sais plus. Mais on y arrivera, un jour, à donner consistance à cette utopie. Car oui, c'en est une tant que vous n'y croyez pas. Ça deviendra une réalité dès que vous, le premier, y croirez.

Commentaires

1. Le mercredi, 8 juin 2005, 07:54 par Steh

Ou comme disait un autre, il ne faut pas mettre les doigts de mains en eventail pour gravir cette courbe droite!

Tout ca pour dire que je ne vois pas pourquoi le camp du OUI continue de le proner. Et que maintenant que l'on a dit NON, il vaudrait mieux reflechir a ce qu'il faut faire.

Quant a ceux qui pensent que le FN a gagne, ils n'ont effectivement rien compris. Ils continuent de penser que l'on a dit NON a l'europe alors que l'on a juste dit NON a ce texte...

2. Le mercredi, 8 juin 2005, 10:25 par Jave

Une question qui me brule les lèvres: suis-je le seul ici à voir le non de la France comme un "merde" au gouvernement en place?

3. Le mercredi, 8 juin 2005, 11:26 par Merome

Jave : si tu le vois *seulement* comme ça, mon avis est que tu te trompes. Et relis donc le texte de Etienne Chouard pour te convaincre du contraire.

4. Le mercredi, 8 juin 2005, 13:52 par Bob

Je ne peux que seconder l'avis de Merome. Il y a derriere le vote non plusieurs motivations differentes, pas forcement liees les unes aux autres ni meme compatibles entre elles.

Personnellement, au risque de repeter ce que j'ai deja dit ici, j'ai bien vote contre le texte lui-meme, et a ma connaissance les personnes de mon entourage qui ont vote comme moi l'ont fait pour des raisons similaires. Le gouvernement n'a rien a voir la-dedans. Ma propre opinion sur ce gouvernement compte peu pour le debat qui nous interesse. Actuellement l'opinion s'accorde a le trouver mediocre : ma foi, ca ne fera jamais qu'une fois de plus, ni la premiere, ni la derniere. Ce n'etait pas la question qu'on m'a posee et ce n'est pas celle a laquelle j'ai repondu, et j'ai envie de croire que la majorite des votants pour le non ont bien vote dans cet esprit-la.

Mais c'est vrai qu'il y a aussi des gens qui ont vote non pour exprimer leur mecontentement envers la politique interieure, de la meme maniere qu'en maths on peut parvenir a un resultat exact en appliquant un raisonnement faux.

Ce qui me fait peur aujourd'hui, c'est qu'apparemment analystes et - plus grave - politiciens de majorite et d'opposition s'accordent a considerer que seule cette deuxieme categorie de gens existe et qu'elle constitue a elle seule l'integralite de l'electorat du non. D'ou une serie de reactions en complet decalage par rapport a la question europeenne.

Peut-etre est-ce a prendre comme un signe revelateur qu'eux-memes n'etaient pas convaincus que l'Europe etait reellement la question ?

5. Le mercredi, 8 juin 2005, 14:52 par Marzi

Deux remarques pour Steh :
- "Tout ca pour dire que je ne vois pas pourquoi le camp du OUI continue de le proner. Et que maintenant que l'on a dit NON, il vaudrait mieux reflechir a ce qu'il faut faire."
=> oui, tu as raison. J'ai voté Oui, mais la démocratie a dit non. Et si je m'insurge qd on demande à Chirac de démissionner, je me dois aussi de prendre acte que le choix francais, c'est non, quoi que j'en pense.


- "Quant a ceux qui pensent que le FN a gagne, ils n'ont effectivement rien compris. Ils continuent de penser que l'on a dit NON a l'europe alors que l'on a juste dit NON a ce texte..."
**
... et la, tu as tort. Enfin, non, pas tout à fait : tu as raison, certains, toi, mérome, ont dit NON à ce texte. Mais dans les 55% de NON, ceux majoritairement rassemblé autour du meme motif de voter non, c'est le FN (et de villiers, idées tres proches). (Ceci dit, je n'ai pas dit que ca devait t'empecher de voter non : ca n'aurait pas de sens).

6. Le mercredi, 8 juin 2005, 15:59 par Steh

J'avoue ne pas comprendre pourquoi le premier ministre est parti (c'est reellement sans relation avec ce referendum ?).
Et je ne comprend pas pourquoi on veut virer Chirac.
Il nous a propose un choix sur la constitution et non pas sur sa place. On a repondu et meme si l'on a pas vote comme lui, ce n'est pas une raison pour le virer. Au contraire, il aurait pris la decision tout seul sans nous demander, peut etre que la on aurait pu gueuler pour le virer (et encore car on n'aurait pas fait tout ce bazar sur la constitution, ca serait passe sans reaction [a part le FN peut etre]).
Mais la, je pense qu'il doit pouvoir gerer aussi bien le NON que le OUI. C'est un 'bon' politicien si je puis dire non ?

7. Le jeudi, 9 juin 2005, 09:37 par Marzi

C'est ce qu'il doit faire en effet, puisqu'il nous represente à travers ce vote : en clair, il doit militer pour la fameuse renégociation, dont ni lui, ni moi, ne croyont : mais il doit essayer de l'avoir, cette renégociation, par respect des urnes francaises.

Mais il n'y arrivera pas :)

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