Je suis particulièrement fier de mon titre aujourd'hui. Pour les anglophobes, il signifie, "le compte à rebours final", ce qui n'est pas sans rappeler le "J-3" qu'on nous martèle dans les médias et le côté inéluctable (supposé) de la victoire du non. Mais en plus, il se trouve que c'est le titre d'une chanson des années 80. Et quel groupe chantait ce titre ?

Le groupe s'appelait Europe. Ça ne s'invente pas. On se demande où je vais chercher tout ça...

Le dernier sondage est tombé, 54-46 en faveur du non. Le dernier et l'ultime. Ça m'amène à plusieurs réfléxions plus ou moins bien documentés, que je vous invite à commenter comme il se doit :

Au sujet de l'intervention de Giscard sur RTL ce matin
J'ai écouté avec attention les arguments du "père" de cette constitution. Notamment, l'un d'entre eux m'a interloqué. VGE expliquait que la Constitution elle-même n'était composée que de 60 articles, les 60 premiers qui sont regroupés dans la première partie. La plupart des partisans du non brandissent avec véhémence des morceaux de la partie III, la plus libérale de toute. Seulement voilà, cette partie III n'est qu'un résumé grossier des traités qui gèrent actuellement notre Europe d'aujourd'hui. La partie I, elle, n'est que rarement critiquée, parce qu'elle reste beaucoup plus générale, moins appuyée sur le modèle ultra libéral que beaucoup critiquent. Par conséquent, l'adroite argumentation de Valery consistait à dire qu'en votant non, on refusait la partie I, la "bonne", mais qu'on ne faisait évidemment rien à la partie III qui était déjà "acquise" et entérinée par les différents autres traités. J'avoue ne pas avoir entendu cet argument là de toute la campagne. Et il était percutant, de prime abord. A la seconde réflexion, il ne change rien à mon avis : à ma connaissance, c'est la première occasion que l'on a de s'exprimer sur ces traités. Depuis Maastricht, on ne nous a pas demandé notre avis, on a fait ça tranquillement dans notre dos, sans nous expliquer les tenants et les aboutissants de tout cela. Puisqu'on a cette occasion de dire que cela ne nous convient pas, là, déjà en ce moment, ne la manquons pas !
La suite de l'interview était moins brillante et ne mérite pas qu'on s'y arrête ici : VGE y expliquait à quel point les français étaient des cons et à quel point lui était intelligent, en quelque sorte. Certains auditeurs de RTL disent même qu'il prépare son argumentation pour dimanche soir après la défaite : "ce que j'ai fait de la Constitution n'est pas remis en cause, ce sont les autres qui ont tout fait capoté mon beau projet".

La définition même de l'Europe est foncièrement libérale
En rentrant du boulot, j'étais sur France Inter qui diffusait l'émission Là-bas si j'y suis. Un économiste nous rappelait les principes fondateurs de l'Europe. Puisque je m'adresse, si j'ai bien compris, majoritairement à des trentenaires comme moi, nous avons du recevoir à peu près les mêmes enseignements et notamment en Histoire-Géographie, vous vous souvenez sûrement de ce qu'on a appris au sujet de la création de la CEE. C'était dans les années 80, les profs nous défendaient l'idée d'une belle Europe et notamment un de ses dogmes, je suis sûr que vous vous en rappelez pour l'avoir appris par coeur pour l'interro du lundi matin :
Libre circulation des personnes, des services et des marchandises
A l'époque, ce principe résonnait fort positivement à mes oreilles, je me souviens bien. C'était du bon sens même que de permettre aux gens de circuler librement, de partager les richesses et les marchandises, de se rendre service. C'était vraiment une belle idée, et qui semblait bien marcher dans cette Europe des douze. Plus de frontières... Ça voulait dire aussi moins de guerre, implicitement. Vraiment, on y croyait, et les profs aussi, je crois.
Aujourd'hui, qu'est devenue cette idée ? C'est la définition même du libéralisme. Les personnes peuvent circuler librement tant que c'est des polonais qui viennent bosser en France pour une bouchée de pain. Les services sont privatisés pour qu'ils puissent circuler à loisir dans toute l'Europe. Les marchandises, enfin, s'échangent librement au gré de la bourse et dans tous les sens, sauf que le travail lui-même est devenu une marchandise et ça délocalise sec...
De deux choses l'une : soit en 1957, à la création de la CEE, les politiques savaient déjà clairement où ils souhaitaient aller et nous, pauvres dupes y avons cru dur comme fer, soit l'idée de base était vraiment belle, mais elle a été travestie par le mode de pensée libéral qui hante le monde moderne. Dans les deux cas, c'est évident qu'il faut que ça cesse, donc : c'est NON.

Les artisans de la triche
Parmi les corps de métier qui m'insupportent régulièrement, il y a la "première entreprise de France" : l'artisanat. S'il y a des artisans qui lisent ceci, qu'ils me pardonnent, je veux bien dire autant de mal des informaticiens s'il le faut. Notamment, j'aime pas les chauffagistes. J'en ai fréquenté plusieurs, entendu quelques-uns, et c'est unanime : ce sont de sombres crétins ! Je vous invite à écouter celui-ci (Allez directement à 35:16 pour entendre le passage avec le chauffagiste) qui a une belle tête de vainqueur. Pour ceux qui sont dans l'incapacité d'écouter le morceau, il s'agit toujours de l'émission "Là-bas si j'y suis", un passage où un délégué de FO (peu importe, ça n'est pas l'important) explique qu'il connait un chauffagiste qui emploie des roumains dans sa région. Le journaliste demande alors si on peut appeler ce brave homme pour savoir quelles sont ces motivations et ses méthodes de travail. Le délégué FO répond alors qu'il ne va pas être forcément content de parler de ça et que ça sera difficile de lui faire sortir quelque chose à ce sujet. Qu'à cela ne tienne, le journaliste s'y colle en se faisant passer pour Bolkenstein, lui-même, qui a une maison dans la région et qui veut faire installer un ballon d'eau chaude... Attention, ce n'est pas un canular à la Jean-Yves Lafesse, mais bien d'un truc sérieux, qui tourne même au pathétique sur la fin. Le chauffagiste n'y voit que du feu et finit par se laisser embarquer dans des explications vaseuses : les roumains sont des stagiaires. Ils arrivent par le train, mais ne peuvent pas rester plus de trois mois pour ne pas être considérés comme des clandestins. Ils repartent donc quelques semaines chez eux, le temps de refaire les papiers, puis reviennent faire une mission... Le journaliste, habile, enfonce le clou en dénonçant les 35h ("y a qu'en France qu'on peut voir ça !"), du coup, l'artisan se sent en confiance et explique que les roumains travaillent 54h, et sont payés beaucoup beaucoup moins (on entend qu'il étouffe un ricanement à ce moment) que les français, et que cela lui permet de tirer les prix. Fier de lui, dans la position du martyr qu'on empêche de travailler, l'homme est en train de nous expliquer qu'il tord les lois et les règlements pour être compétitif, sans, à aucun moment, se rendre compte de son absence totale de moralité. L'artisan moyen a ceci de caractéristique : il a l'impression qu'il n'y a que lui qui bosse là-dedans, bordel ! Tous les autres sont des ramassis de fainéasses, des assistés... Vraiment, je vous invite à écouter cette interview, elle est édifiante.
Un volontaire pour lui expliquer que c'est précisément à cause de gens comme lui que la France va mal ? S'il y a bien un truc qu'on ne peut pas trop délocaliser, c'est les installations de ballons d'eau chaude, non ? Donc la concurrence des autres pays, dans ce domaine, qu'est-ce qu'il en a à branler, au juste ? Il croit vraiment que les chauffagistes chinois vont venir lui piquer son boulot ? Il m'a énervé ce con !

Fin de campagne
Je me souviens qu'aux dernières élections importantes (législatives ?), le problème des sondages et résultats disponibles sur internet le jour de l'élection avait été soulevé. Qu'en est-il aujourd'hui, alors qu'internet est devenu un acteur important de la campagne et de l'information en général ? Est-ce crédible d'arrêter la campagne à la radio et à la télé si d'un autre côté internet continue de diffuser l'info en temps réel ? Est-ce que ça sert vraiment à quelque chose ? Si vous avez des infos à ce sujet, je suis preneur.

Commentaires

1. Le jeudi, 26 mai 2005, 22:13 par nicolas wack

Effectivement, c'est la le probleme selon moi : VGE nous dit qu'il ne faut pas que l'on s'occupe de la partie 3, parce que ce sont des traites qui ont deja ete enterines. Sauf qu'on ne nous a jamais demande, a nous peuple francais, notre avis sur ces traites !

Ce referendum est donc l'occasion de faire entendre notre voix. Sommes nous pour ou contre la politique economique europeenne mise en place jusqu'a present ?

Selon moi, cette partie 3 n'a rien a faire dans une constitution. Et on ne peut pas nous dire : "voter sur la constitution, mais ne tenez pas compte de 80% des articles". C'est vraiment se foutre de la gueule du monde...

2. Le vendredi, 27 mai 2005, 08:33 par Bob

Remarque sur la partie III : a l'heure actuelle, il s'agit precisement de traites, sur lesquels on peut relativement facilement revenir. Si ca passe dans la constitution, ils vont acquerir - precisement - une valeur constitutionnelle, plus contraignante, et devenir impossibles a reviser en pratique.

J'ai Hollande dans les oreilles a la seconde ou j'ecris ces lignes, et il persiste a ressortir des arguments hallucinants qui sous-entendent que le non au traite va figer eternellement l'Europe dans sa situation actuelle - alors que c'est justement la double unanimite necessaire a la revision de la constitution qui risque de figer la situation si on repond oui... Des fois c'est desesperant, j'vous jure.


Sans rapport immediat, j'ai bien aime la remarque perfide de Sarkozy, qui a dit qu'ils avaient fait une bonne campagne a droite mais qu'ils ne pouvaient pas rassembler l'electorat de gauche. Ou, en francais standard : "nous on va voter oui, si ca capote c'est la faute au PS". Et apres ca vient se plaindre des mechants qui utilisent des vilains procedes pour le discrediter.

La paille, la poutre, tout ca...

J'te jure.

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