[Série] A-P-C | Episode 1 - Evasion

Un peu de recyclage. Je poste sur mon blog ce qui est déjà en ligne ailleurs... Voyons ce que ça donne...

Pour la première fois de ma vie, ou en tout cas, pour la première fois de façon pleinement consciente, je respire un air qui n'est ni confiné ni conditionné. Ce moment unique est pourtant gâché par le stress qui paralyse à la fois mes sens, mes muscles et mes émotions. Je dois être complètement concentré et sûr de moi pour traverser le dernier obstacle qui me reste avant la Liberté. Le jardin, le chien si prompt à aboyer quand il aperçoit une ombre, une silhouette ou qu'il entend des pas dans sa propriété. Il fait nuit, la circulation est quasi inexistante et il me faut donc attendre de longues minutes avant de pouvoir profiter du passage simultané d'un bus et d'une voiture pour couvrir le bruit de mes pas dans la pelouse fraîchement tondue.

Hier matin, je crois, j'ai entendu la tondeuse, alors que je me répétais une dernière fois les consignes et les repères que je m'étais fixé pour parvenir à sortir de cette geôle où j'étais séquestré depuis toujours. Le code de la serrure de ma chambre d'abord, c'était l'un des plus faciles malgré la complexité apparente de sa clé numérique de douze chiffres qui était modifiée tous les mois. Tous les câbles passaient en effet dans les murs de ma chambre, et avec le matériel qui était mis à ma disposition, c'était chose facile que d'intercepter et de décoder les informations qui transitaient par ces fils. Pour une raison que j'ignore encore, j'avais en effet accès à bon nombre d'instruments de mesures, de contrôles, de paramétrages d'installations électroniques et de réseau qui me permettaient de sniffer tout ce qui était à ma portée. Depuis ma plus tendre enfance, mes " parents adoptifs " me retenaient dans cette maison, en m'enseignant, sans que je sache véritablement pourquoi, l'informatique, l'électronique et les mathématiques sans lésiner sur les moyens. Je peine à déterminer mon niveau réel dans ces domaines, puisque je n'ai jamais été confronté à d'autres gens de mon âge - j'ai vingt ans -, mais à en croire les ouvrages que j'avais à ma disposition, je suis bien au-delà des programmes destinés aux universitaires. Je n'en retire aucune fierté, j'ai subi cet enseignement plus que je ne l'ai souhaité, mais j'espérais que ce bagage pourrait m'être utile dans le monde que j'allais maintenant découvrir. Un monde auquel je ne connaissais rien, par ailleurs. Mes seuls contacts avec le monde extérieur étaient déformés par la télévision que j'avais dans ma chambre et qui ne diffusait que des séries éducatives ou des vieux feuilletons policiers. J'avais bien tenté de capter d'autres émissions, j'avais tout le matériel et toutes les connaissances nécessaires pour fabriquer une antenne et la brancher sur la télé, mais ma chambre était imperméable à toute onde extérieure, ce qui m'avait d'ailleurs également empêché d'envoyer des SOS par voie hertzienne après avoir passé plusieurs mois à fabriquer un émetteur en cachette. Déception… Mes geôliers, quant à eux, s'étaient contentés de m'apprendre les bases de la vie en société " pour ne pas te faire remarquer " disaient-ils, sans me laisser à aucun moment l'occasion de mettre en pratique leurs leçons de savoir-vivre, trop occupés qu'ils étaient à m'apprendre le principe du cryptage des données et les algorithmes de compression. Il s'agissait de deux hommes, qui venaient tour à tour me donner la leçon de mathématique ou d'informatique pour l'un, et d'électronique pour l'autre. Ils étaient compétents dans ce domaine, mais assez peu pédagogues et extrêmement exigeants quant aux résultats. Ils n'hésitaient pas à se montrer violents ou humiliants en cas d'échec, allant jusqu'à me priver de nourriture pendant plusieurs jours. " Si tu ne sais pas résoudre ce problème dans la vraie vie, tu ne mangeras pas à ta faim, autant t'y habituer tout de suite " me disaient-ils. J'ignorais tout de leur but, de leur dessein, je ne savais pas ce qu'était la " vraie vie " et quand ils allaient me laisser y goûter et dans quelles conditions.

Depuis plusieurs années déjà, je cherchais l'issue de cet enfer, je préparais ma fuite, attrapant ici et là les informations qui me seraient nécessaires : à la télévision, pour y apprendre les habitudes de vie dans les séries les plus anodines, le comportement des animaux dans les documentaires les plus rébarbatifs ; à l'extérieur, les rares fois où je sortais de ma chambre, accompagné d'un de mes " parents " pour effectuer tel ou tel travail pratique dans une salle dédiée, j'en profitais pour observer la configuration de la maison, les systèmes de sécurité ; dans ma chambre même, en écoutant les allées et venues des habitants, des voisins en cherchant le moindre indice… Plusieurs mois enfin à attendre LE moment idéal, l'instant où l'un des geôliers est absent, divisant par deux le risque d'être découvert, l'instant où la lune est invisible et le trafic suffisamment dense malgré l'heure tardive, l'instant, enfin, où la pelouse est fraîchement coupée, empêchant l'herbe foulée de dénoncer trop tôt ma fuite à mes geôliers.

Je ne peux pas courir parce que j'emporte avec moi un nécessaire de survie composé de divers appareils électroniques qui feraient trop de bruit s'ils s'entrechoquaient. J'atteins finalement le grillage qui sépare la propriété de la voie publique, le bus et la voiture s'éloignent avec le bruit de moteur et de roulement qui les accompagne, je me dépêche d'enjamber le grillage sans faire de bruit et en jetant un œil sur la niche du chien qui semble dormir à pattes fermées.

En posant mon deuxième pied sur le trottoir, je me rends compte que je fais face à l'un de mes geôliers. Il est là, à quelques mètres de moi et s'apprêtait sans doute à rentrer à la maison. Il n'a pas l'air vraiment surpris de me voir là, ni même foncièrement mécontent. Pour ma part, je suis fortement surpris et plutôt contrarié de le voir et je décide cette fois de courir dans la direction opposée, quitte à ce que mes appareils s'entrechoquent et à réveiller le chien. Il tente de me poursuivre, mais par chance, si je puis dire, il est handicapé par sa jambe droite qu'il doit traîner tant bien que mal à chacun de ses pas. C'est donc sans difficulté que je le sème en m'enfuyant à toutes jambes dans la nuit sous les aboiements du chien vexé de ne pas m'avoir aperçu plus tôt.



Petit à petit, l'adrénaline qui circulait en grande quantité dans mon corps disparaît, laissant mon cerveau commencer de goûter aux joies de la liberté. Pour la première fois depuis vingt ans, je vais pouvoir faire un choix. Un choix bien moins anodin que celui qui consiste à prendre une option plutôt qu'une autre pour programmer un automate électronique. Un choix qui va conduire ma vie, qui va conditionner mon futur. A cet instant précis, je suis libéré de toute contrainte ou en tout cas, je n'en ai pas conscience. C'est une sensation unique que j'apprécie à sa juste valeur.

Rapidement, toutefois, je réalise que la partie n'est pas terminée. Me voilà dehors et libre, certes, mais seul, sans argent pour manger, sans endroit pour dormir et … je ne suis même pas sûr de mon nom ! Je n'ai jamais eu de carte d'identité et mes geôliers m'appelaient par mon prénom, en tout cas celui qu'ils m'avaient donné : Brian. J'imagine que cela ne facilitera pas mon premier contact avec une société que je suppose bien organisée et ordonnée. Une étude approfondie des feuilletons télévisés qui étaient à ma disposition semble montrer qu'on n'apprécie pas plus que ça les inconnus. Les fils de personne.

Afin de profiter de ma liberté retrouvée, je décide de ne pas me rendre immédiatement au commissariat du quartier pour raconter mon histoire et ma longue captivité. J'ai soif de connaître le monde réel, les gens, les commerces, les cinémas, la vie en somme. Je me promène quelques heures dans la ville presque déserte à cette heure avancée de la nuit, seuls quelques véhicules passent dans la rue de temps en temps sans que leur conducteur ne prête attention à moi. Etant bien conscient de ma vulnérabilité, du fait de ma méconnaissance des lieux et des habitudes de la vie en société, je décide enfin de me rendre au commissariat le plus proche.



Je pénètre dans l'établissement, étonné de constater à quel point les séries policières sont fidèles à la réalité. Le hall d'accueil est un lieu étrange où se croisent des dealers, des prostituées, des criminels, des violeurs et des gens parfaitement honnêtes qui viennent porter plainte ou témoigner pour telle ou telle affaire en cours. L'atmosphère est pesante, on sent des dizaines de paires d'yeux vous dévisager pour tenter de savoir à quelle catégorie vous appartenez, même si le fait d'entrer seul laisse présumer de votre honnêteté. J'approche du bureau d'accueil où l'on me fait comprendre rapidement que je dois attendre mon tour en me montrant un groupe de personnes visiblement arrivées avant moi. Un détail qui me frappe pendant cette longue attente est le nombre de personnes handicapées présentes dans ce hall. Beaucoup plus que ce que j'avais l'habitude de voir à la télé.

Vient enfin mon tour, je m'approche du fonctionnaire de police chargé de l'accueil, visiblement fatigué par sa journée de travail à écouter des plaintes et prendre des dépositions.



- Bonjour, je m'appelle Brian, du moins, je crois, et je viens déposer une plainte pour enlèvement et séquestration.

- Ah ! Et depuis combien de temps ?

- Une bonne vingtaine d'années…

- Je vous demande pardon ?

- Depuis ma naissance en fait, j'ai été kidnappé je suppose, puis séquestré dans une maison non loin d'ici.

- Diantre ! Et comment êtes-vous arrivé jusque là ?

- Je me suis enfuit cette nuit, j'avais préparé mon coup.

- Voilà qui va me changer des habituels vols et coups et blessures. Voyons, commençons par le début, comment avez-vous dit vous appeler ?

- Brian, c'est le nom que me donnaient mes ravisseurs, mais j'ignore si c'est ma véritable identité, je ne la connais pas à vrai dire.

- Ça, ce n'est pas un problème…



L'homme quitte son bureau un instant pour aller chercher un appareil que je ne parviens pas à identifier.



- Approchez-vous de ce truc, ca nous fera une bonne base pour commencer votre déposition.



Je m'approche de l'appareil, en essayant de comprendre son fonctionnement et son utilité. Je ne vois qu'une bête boîte avec quelques témoins lumineux. Le rouge s'allume et clignote frénétiquement dès que je suis assez proche.



- Un trépané ! s'exclame le fonctionnaire de police. Un trépané !



Et il appelle ses collègues à la rescousse. Trois hommes armés arrivent effectivement et me ligotent aussitôt, je sens une piqûre dans mon bras, puis je m'endors petit à petit pendant que les policiers me conduisent jusqu'à la cellule la plus proche, déjà noire de monde.



Commentaires

1. Le dimanche, 8 mai 2005, 16:20 par Nale

bonne idée

mais a propos de livre, où en est le deuxième ?
( si on oublie que tu n'as pas le temps ;) )

2. Le dimanche, 8 mai 2005, 23:03 par dbnv

Tu peux pas t'empêcher de te faire de la pub, c'est plus fort que toi :p

3. Le lundi, 9 mai 2005, 08:30 par Merome
J'ai bien précisé que c'était du recyclage ! Le deuxième livre ? Presque à l'abandon :( Deux chapitres écrits et impossible de trouver motivation et temps pour attaquer la suite :(

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