Episode 4 : les crayons de papier

Fouillons un peu au fond de cette trousse en jean vieillie par les années et tachée d'encre. Au fond, tout au fond, qu'y a-t-il ? Des crayons de papier.
Comme nous en avons maintenant l'habitude, faisons le tour de nos souvenirs en même temps que l'inventaire des différents modèles disponibles. Je ne distinguerai pas ici, le crayon de papier du critérium, puisqu'ils remplissent peu ou proue la même fonction.

Le crayon de papier "classique" :
Vert, rouge, ou jaune rayé de noir, le crayon de papier classique est d'une banalité affligeante. Sa seule originalité est de ne pas être rond, mais de section hexagonale. Ce qui lui permet de ne pas tomber trop souvent de la table, bien sûr, mais qui permet aussi de produire un son intéressant pour le grand orchestre de la salle de classe (voir l'épisode sur la règle). En roulant le crayon de papier sous sa main, on obtient donc une percussion légère mais au rythme rapide, qui est même amusante, voire agréable, au toucher. A instrument banal, plaisir limité...
Pour donner un semblant de technicité au bête crayon de papier, les fabricants ont inventé un code complexe pour définir l'épaisseur et la couleur du trait. Deux lettres : B et H. Plus vous montez dans les B, plus le crayon de papier sera gras, noir, épais. Plus vous montez dans les H, plus il sera fin, gris clair, invisible. Et au milieu, il y a le crayon HB, que tout le monde utilise. On se demande pourquoi ils en font d'autres...

Le crayon de papier, surmonté d'une gomme :
Celui-ci est à peine plus évolué que le premier. La gomme, minuscule et rose, est enfichée dans un logement circulaire, qui impose une section circulaire pour le crayon lui même. Vous l'avez compris : ce crayon là tombe tout le temps sur les tables pentues des écoles mal équipées. La gomme est simplement coincée dans son emplacement, et donc inévitablement, l'élève un tant soit peu curieux que nous avons tous été s'empresse de la déloger pour voir comment ce bijou de technologie peut bien fonctionner. Apparemment astucieux, ce crayon s'avère décevant à l'utilisation. Lorsque la gomme est neuve, et donc assez longue, on ne peut exercer une pression suffisante pour qu'elle soit efficace sans risquer le déboitement. Lorsque la gomme est usée, c'est le rond de métal qui vient déchirer votre belle feuille toute propre.

Le critérium "classique" :
J'entends par "classique", celui où les mines sont rechargeables. Par opposition au critérium jetable, dont nous parlerons plus loin. Le critérium classique est en métal, signe d'une qualité digne des plus grands professionnels. Grâce à un système perfectionné, les mines que l'on insère dans le "réservoir à mines", s'engagent dans le porte mine quand on actionne le bouton au dessus du crayon. C'est fabuleux. D'ailleurs, ça ne marche pas longtemps.
Première difficulté : mettre les mines d'avance dans le critérium. Une mine c'est fin, c'est fragile. Nos deux mains gauche potelées d'enfants avec de gros doigts, peinent à saisir la mine entre nos ongles sales. Il faut alors les insérer bien droit dans le tube fin du critérium, en restant bien dans l'axe. Suffit que votre voisin vous bouscule à ce moment là pour vous signaler d'un coup de coude discret que la jolie Ingrid, de la table devant, est en train de ramasser sa gomme et que ça laisse dévoiler une partie intime de son corps désiré par tous les garçons de la classe (par exemple : la nuque). Et paf, la mine se pète en milles morceaux, éventuellement, les autres mines qui étaient déjà dans le critérium dégringolent par terre dans un fracas silencieux (pour une fois qu'il n'est pas assourdissant), et voilà, vous n'avez plus de mines. Il vous reste bien une boite à mines, mais elle est vide, vous la gardez juste pour votre collection de billes de cartouche...
Deuxième difficulté : la fiabilité du mécanisme. La mine avance dans le porte mine sous l'impulsion du bouton poussoir qui revient en position grâce à un ressort. Le ressort s'use, l'ensemble du mécanisme aussi. J'ai connu des critériums qui, malgré leur bon état général apparent, découpaient les mines pourtant encore intactes au moment de leur insertion dans le réservoir en morceaux de 5 mm. De véritables tronçonneuses à mines.
Troisième difficulté : Même en parfait état de marche, le critérium n'est pas foutu d'utiliser une mine jusqu'au bout. Le dernier centimètre est inévitablement gaspillé. La mine n'avance plus, ou alors, si elle avance, une moindre pression la fait rentrer dans son logement. C'est à se demander pourquoi ils ne font pas des mines d'un centimètre de moins...

Le critérium "jetable" :
Surfant sur la vague du critérium, et s'inspirant des stylos bic, une marque ou deux ont cru bon de commercialiser des critériums jetables. Je me rappelle notamment des "7" de Conte, je crois (je viens de vérifier, c'est bien ça, créé en 1988, et je vois en plus que Conte et Bic sont une seule et même marque, en fait, et que "criterium" est aussi une marque). Donc, le principe est de faire un porte-mine pas cher, en plastique, et de faire croire que c'est une énorme nouveauté. Pour cela, le design est important, les 7 de Conte sont tous noirs avec une barrette fluo. Le fluo, très à la mode en 1988... Bref, tout le monde s'est fait avoir une fois avec ce satané porte-mine. Les mines sont de diamètre 0.7 au lieu de 0.5, ce qui n'est pas standard, et cela n'a finalement aucune importance puisque tout est fait pour qu'on ne puisse pas recharger l'objet. On a tous essayé d'ouvrir ce satané critérium en tirant sur la barrette fluo, mais ça ne venait pas. La gomme noire, située au-dessus du crayon bouche l'orifice. Evidemment, cette ceinture de chasteté ne résiste pas à un cours de français de deux heures. La gomme saute et l'on peut enfin ajouter des mines. Mais ensuite, la gomme ne tient plus ou plus très bien. Se perdant souvent dans la trousse, ou pire quelque part sous le bureau de l'enseignant. Plus moyen de mettre des mines là-dedans sans risquer de les perdre.
L'année suivante, avec notre 7 de Conte tout neuf, on ne nous la refait pas : on a enfin trouvé des mines 0.7 dans un magasin spécialisé, on va les insérer directement par là où ça sort d'habitude (vous comprendrez que j'arrête la métaphore de la ceinture de chasteté à cet endroit). Le travail demande précision, patience et minutie. Allons-y :
Premier essai : la mine s'engage dans le conduit, mais au bout d'un centimètre, se bloque. Damned, il restait un bout de la mine d'avant. Clic clic clic clic... Dehors malotrue !
Deuxième essai : la mine s'engage bien, deux centimètres, trois et <clac>, pétée en deux au moment où vous jetez un oeil sur votre voisin kleptomane qui vous a déjà tiré deux gommes la semaine dernière.
Troisième essai, la mine s'insère, elle glisse tout droit au fond du crayon, ça va vite, ça va bien, c'est dingue. Vous lâchez et ... vous constatez que la mine n'a pas bougé, ce sont vos doigts qui ont glissé le long du bout de charbon. Effectivement, ils sont bien tout noirs, pas de doute...
Quatrième essai, c'est le bon. Enfin, avec la moitié de mine seulement qui vous restait de tout à l'heure, parce qu'avec une mine entière, c'est même pas la peine d'y penser, sauf à être dans une filière pour "manuels" genre "micro-technique et fer à souder option pince à dénuder", ceux qui font un micro HF pour le cadeau de la fête des mères. Cela n'a rien de péjoratif, moi avec mon talent de bricoleur....

Vous l'avez compris, ce n'est pas encore avec ce matériel là qu'on va devenir bons élèves. A défaut, on peut toujours bien s'amuser : profitez d'une distraction de votre voisin de table pour laisser aller négligemment votre crayon 4H sur une feuille de son cahier. Le trait doit être léger et former un arc de cercle assez ample. Observez sa réaction à son retour sur terre. Inévitablement, il va tenter de balayer ce qu'il croit être un cheveu d'un revers de la main. Plusieurs fois, même. Qu'est-ce qu'on peut se fendre la poire à l'école...

Commentaires

1. Le lundi, 21 février 2005, 22:07 par 100

J'attends avec impatience le stylo QUATRES couleurs...
Le dénomer Bic 4 Colours

Nostalagie quand tu nous tiens

2. Le mercredi, 23 février 2005, 09:16 par Bob

J'ajouterai simplement :

- la mine multi-fracturee des crayons standards victimes de chutes repetees, qu'on retrouve en segments de cinq millimetres lorsqu'on souhaite tailler lesdits crayons (j'imagine qu'on aura tot ou tard un episode sur les taille-crayons ?)

- pour les Conte jetables : une fois la gomme-ceinture de chastete usee jusq'au ras de son receptacle, impossible d'ouvrir a nouveau le machin, sauf a attaquer sauvagement (et, le plus souvent, irreversiblement) la gomme a la pointe de compas.


-

3. Le vendredi, 25 février 2005, 00:22 par Enzo

"Le crayon de papier, surmonté d'une gomme :"

Quand on sait que celui ki a pensé aca est devenu milliardaire, je me dis qu'une vie ne tien a pas grand chose.
Un matin on se leve , on met une gomme sur un crayon, le soir on se couche et on vient de revolutionner le monde avec pas grand chose.


Chapeau pas .Fallait y penser (citation France2)

4. Le lundi, 7 mars 2005, 17:13 par Stef

Ben y avait 3 ou 4 mines dans les 7 de conté , alors pas la peine de chercher les 0.7 dans un magasin spécialisé... Il suffisait de vider les 7 des voisins de leurs mines pour les remettre dans le sien (ben oui j'ai plus la mentalité Wargang que Fourmix moi...) ;)

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.