Qu'est-ce qu'on nous apprend à l'école ?

Pourquoi découvre-t-on l'eau chaude à quarante ans ?

Quand on a eu le courage d'aller jusqu'au bac, voire de continuer un peu derrière, on a l'impression d'avoir passé une bonne partie de sa vie à apprendre des tas de choses plus ou moins utiles. Pourtant, depuis 2005, je ne compte plus le nombre de fois où je me suis dit : "Mais bon sang, pourquoi on ne m'a jamais dit ça avant ?". Et plein de gens autour de moi ou des internautes que je fréquente tombent également de l'armoire quand ils apprennent comment l'argent est créé ou ce qui s'est vraiment passé en 1789.
La tentation est grande, et j'ai pu y succomber parfois, de verser dans le complotisme et de considérer que si on ne nous l'a pas enseigné comme il faut, c'est qu'on voulait, sciemment, nous cacher la vérité. C'est l'explication qui nous saute aux yeux en première instance, soutenue par la découverte chaque jour d'affaires politico-judiciaires ou industrielles qui jettent le discrédit sur tout ce qui peut ressembler à une élite.
Pourtant, si vous vous plongez dans les programmes officiels, vous constatez que les choses sont écrites noir sur blanc, telles que nous semblons les découvrir aujourd'hui. Par exemple, sur la création monétaire, le site de l'Éducation Nationale spécifie pour la matière "Sciences Économiques et Sociales (SES) :

On présentera, à l'aide d'exemples simples, le processus de création monétaire par les banques commerciales (« les crédits font les dépôts »)

On ne peut pas être plus clair. Mais alors pourquoi "découvre"-t-on ceci aujourd'hui ? À mon avis parce que ce que l'école ne fait pas, c'est nous apprendre à porter un regard critique sur ce qui constitue la société telle qu'elle est. Un lycéen ne peut pas avoir ce regard critique dans le cadre scolaire. Déjà parce qu'il est trop jeune pour le développer lui-même dans la plupart des cas, et ensuite parce qu'il est dans une position d'infériorité face au "sachant". L'enseignant de son côté ne peut pas se permettre d'encourager la subversion dans son groupe au risque de perdre tout contrôle sur la classe. Les choses sont donc enseignées et reçues par les élèves telles qu'elles sont, et l'école représente en cela un puissant outil de formatage intellectuel et culturel duquel on ne peut sortir que des années plus tard, si on a la chance de tomber sur des gens qui nous éclairent la voie.
Heureusement, cette chance est démultipliée par l'internet et c'est ainsi qu'un paquet de geeks et de moins geeks sont en train de se reformater l'esprit avec de nouveaux schémas de réflexion. On appelle ça l'Éducation populaire, un enseignement qui se transmet entre personnes semblables, sans relation d'infériorité ou de supériorité. Le culte de la croissance, la démocratie représentative, la loi de l'offre et de la demande, la monnaie, ... sont autant de sujets dont on s'empare avec un nouveau regard et qui pourraient se trouver bouleversés par de nouveaux paradigmes.

Dans un réflexe pavlovien d'autodéfense, les élites se rebiffent en votant contre l'avis de tous une loi sur le renseignement qui ne pourra que ralentir un processus déjà largement entamé et inexorable. Seule incertitude : le temps que ça prendra.
J'aimerais vraiment voir s'amorcer la chose de mon vivant parce qu'il va y avoir du spectacle !

Commentaires

1. Le mercredi, 6 mai 2015, 15:24 par MZ

Personnellement, je suis dans le même cas.

Mais en classe de Seconde, au lycée, on m'a bien expliqué le fonctionnement des crédits avec la création de la monnaie.
Et comment les banques font d'abord rembourser les intérêts lors des échéances, pour prendre le moins de risque possible si le crédit venait à ne pas être remboursé.

Comme quoi, ça dépend vraiment des profs !

Par contre, beaucoup de mes camarades avaient malheureusement oublié très rapidement...

2. Le vendredi, 22 mai 2015, 12:08 par Yvain

J'ai moi aussi été étonné à plusieurs reprises, quand je suis retombé sur mes cours de philo, ou quand des amis du lycée me confirmaient que si, on avait bien parlé de tel ou tel évènement révolutionnaire en Histoire.

Pourquoi j'ai oublié tout ça ? Pourquoi sur le coup ça ne m'a pas paru le moins du monde subversif (ou trop peu pour que je n'en garde aucun souvenir) ?

Ça a certainement à voir avec le cadre dans lequel on "apprend" ces choses, en effet. Découvrir ces choses par soi même parce que l'on s'y intéresse (et donc parce qu'on a la maturité et le recul nécessaire pour s'y intéresser), et voir les conséquences de toutes ces choses dans le monde actuel, voir les parallèles qu'on peut établir, voir comment les choses sont reliées : ça, c'est efficace.

Découvrir ces choses noyées au milieu de 30h de cours hebdomadaires, dans des matières cloisonnées, en ayant surtout à l'esprit les interros et contrôles à venir, et avec des questionnements sur "ce qu'on veut faire plus tard" (comprenez : à quel patron vais-je me vendre pour les 42 ans à venir ?), c'est bien moins efficace…

3. Le jeudi, 11 juin 2015, 12:21 par frad

Il me semble aussi exagérer de penser qu'on nous a menti à l'école. Lors de phases d'apprentissage, tout ne peut-être acquis au départ. Donc, il y a des omissions, des simplifications et effectivement la difficulté de permettre le développement d'un esprit critique.

Je suis allé un peu plus loin que le bac et ai découvert alors que la plupart des choses que j'avais apprises au lycée étaient remises en question à l'université : une autre étape donc.

Il y a des enseignants qui m'ont boulversé car ils m'ont surtout donné le goût, l'envie. Je crois que c'est une chose que certains enseignants transmettent d'autant plus facilement qu'ils sont passionnés.

L'émotion est quelque chose d'important dans l'apprentissage.

Je regrette surtout une chose de l'école : c'est le mal-être que j'y ressentais trop souvent.

Dans d'autres pays que la France (je pense à la Belgique par ex), le système éducatif me semble beaucoup moins oppressant, élitiste, lourd. Leurs "résultats" ne sont certainement pas moins bons.

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