Comment je me suis radicalisé sur #Internet

Aujourd'hui, je reprends un billet de l’inénarrable jcfrog, chansonnier geek et bretonnant (dans l'ordre que vous voulez).

Original de l'article ici, sous licence Creative Commons CC0

Je suis un gentil garçon, très poli.

Issu des classes moyennes, j’ai vécu dans le confort économique entouré de parents aimants. De bonnes études qui me firent ingénieur et me promettaient une vie sans risque. Viscéralement rebelle, je n’ai jamais supporté l’adhésion au moindre groupe, mais je votais PS croyant que c’était un parti de gauche, un truc humaniste malgré tout. Je fus longtemps un ouiouiste convaincu que n’importe quelle Europe vaudrait toujours mieux que la désunion, parce que passionné et obnubilé par le cataclysme de la 2eme guerre mondiale il me semblait que nous avions touché le fond, que mieux informés nous ferions toujours mieux, que nous étions sauvés des moustachus tyranniques, que nous étions sevrés.

Puis vint le referendum, 2005, le choc. Les français rejettent clairement l’Europe, les cons. J’étais colère. Mais qu’est ce qu’ils ont dans la tête ces râleurs professionnels, jamais contents, inconscients des enjeux de l’Histoire, incapables de se soumettre au consensus nécessaire? Bref, ils n’avaient pas voté comme moi.

Moins de trois ans plus tard, l’Assemblée nationale et le Sénat adoptent largement le traité européen de Lisbonne.

Là il se passe quelque chose.

Je devrais être content, je ne le suis pas. J’essaye de m’auto convaincre des arguments pourris comme quoi les français ont élus un type qui avait dit qu’il passerait cette constitution, mais non, ça ne passe pas, je me rends bien compte qu’on s’assoit sur la Démocratie dont on cite si souvent le nom dans tous les discours, au point que ça en devient louche.

Alors je relis sous un angle un peu plus ouvert mes internets. Sur tous les plans. Démocratie réelle, libertés individuelles, vie privée, transparence, anonymat, nombreux sont ceux que je lisais avec beaucoup d’intérêt, que je trouvais passionnants, pertinents, mais souvent un peu trop « paranos ».

Internet va alors me bousiller. A force de lire, de partager, de me documenter, de m’ouvrir réellement, d’accepter mes erreurs, je change: j’ai envie d’approfondir. Je me rééduque. Pas que j’ai été aussi naïf que je le laisse paraître au début de cet article, mais je découvre l’ampleur de la trahison. Je vogue dans des sphères d’hommes et de femmes qui réfléchissent, qui construisent des alternatives, qui me convainquent, que je convaincs aussi parfois, et surtout des gens qui n’ont rien à vendre, personne à séduire, aucun pouvoir à conquérir. Un monde horizontal.

Le constat de l’urgence s’y étale loin des coupables média de masse, que ce soit la crise écologique, la corruption de nos institutions, l’incompétence des décideurs, la résistance au changement, l’arrogance crasse d’un système qui n’a pour seule réponse à nos objections diverses que des accusations minables parce que systématiques de populisme, de conspirationnisme, regroupant dans un seul sac toutes les contradictions, quelles que soient leurs intentions ou leur sérieux.

Plus le temps passe, moins j’arrive à jouer le jeu d’avant la connexion. Je deviens à moitié fou. Je n’arrive plus à supporter l’idée que la connaissance et la culture puissent être objet de commerce, que nous soyons politiquement représentés comme des enfants, que je n’aie comme seul intérêt personnel que de trouver un job nuisible au commun. Je suis plus que jamais utopiste, intolérant au « réalisme » qui nous jette dans le mur.

Je suis toujours aussi gentil. Toujours aussi pacifique et humaniste, mais plus radical que jamais.

La faute à Internet.

Commentaires

1. Le dimanche, 19 avril 2015, 15:11 par jcfrog

Merci pour la reprise :)

2. Le dimanche, 17 mai 2015, 21:41 par tupak

je m'y retrouve complètement aussi c'est d'ailleurs assez frappant, mais cela fait plaisir de se sentir moins seul.

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