Choisir, c'est renoncer (à la démocratie)

Deux morceaux d'interview édifiants à propos de notre démocratie.

Une fois n'est pas coutume, je vais publier sur le blog, et sans me moquer, deux interviews de personnages politiques de droite, voire plus que ça. Et comble du comble, ces interviews ont été réalisées par un site sulfureux qu'on associe volontiers à l'extrême-droite de la pire espèce : Enquête et débat.

Je tiens donc avant tout à formuler un énorme disclaimer : le fait pour moi de relayer ces deux extraits d'interviews ne m'engage en rien sur les autres propos tenus par le site Enquête et débat, ni d'ailleurs ceux tenus par les deux interviewés en dehors de ces extraits.

Il s'agit donc de Rama Yade (UMP) et Yvan Blot (Ump aussi, mais étant passé par la case FN), qui sont bien loin de ma "famille politique", comme on dit, même si je ne crois pas que ça s'applique à ma personne, surtout depuis quelques années. Et pourtant, force est de reconnaître qu'ils disent ici des choses que je partage totalement et qui méritent d'être entendues. D'où cette entorse à la bienséance : quelque part, je fais la promotion d'un site pas très net, en toute conscience, vous m'en voyez désolé.


500 signatures : l'Anti-Démocratie par Bonzou

Que disent ces gens, en substance ?

Rama Yade nous explique que l'important dans une élection, est occulte, c'est ce qui se passe avant, pendant la phase de sélection des candidats. Les français croient qu'ils ont le choix, en votant, mais le choix est fait avant, par "le système" (c'est Rama Yade qui le dit !).
Yvan Blot explique de son côté que lorsqu'on ne connaît pas les candidats, on vote pour une étiquette (un parti), et que le choix est donc extrêmement restreint.
Il cite une anecdote qui serait rigolote si elle n'était pas tragique : lorsqu'il a participé à la sélection du "meilleur" candidat pour les municipales de Lyon, Chirac, Pasqua et lui ont choisi exprès le candidat le moins dangereux, "pas trop malin", plutôt que de choisir un autre mec a priori plus intelligent, mais qui avait l'inconvénient d'être plus riche et donc "plus libre", moins contrôlable.

Ce qui surprend dans ces vidéos, ce n'est pas tant leur contenu (si vous suivez ce blog, vous savez déjà tout ça) que la nature des interviewés eux-mêmes et la façon qu'ils ont de le dire. Ce ne sont pas des blogueurs gauchistes ou des révolutionnaires de forum, mais des gens qui font eux-mêmes parti du système, qui ont participé et participent peut-être encore à cette mascarade au mépris de toute morale.
Cela devrait achever de convaincre les derniers sceptiques de la nature profondément antidémocratique de l'élection (Pour mémoire : Rousseau et Aristote le disaient déjà, c'est juste qu'on l'a oublié). C'est contre-intuitif, c'est vrai, parce que nous avons été éduqués, élevés dans ce mythe de la démocratie élective, nous avons été nourris à l'élection comme dernier rempart contre le totalitarisme et la dictature. Il faut une sacré dose de libre-arbitre comme seul sait apporter le web pour s'extraire de cette doxa.

En croyant choisir pour qui voter, nous renonçons en fait à la démocratie, la vraie, celle qui permet au peuple d'être autonome (de voter les lois auxquelles il consent), celle qui n'existe que par la sélection par le sort (car celui-ci est mathématiquement représentatif, évite la corruption, est juste, ...)

Une autre chose me dérange et me saute aux yeux maintenant : si je suis contraint de diffuser une vidéo d'un site douteux pour illustrer mon propos, c'est parce que toutes les sources "raisonnables" n'abordent jamais ce genre de sujet. Vous ne verrez pas ces mêmes personnes tenir ces propos devant les caméras de France 2 ou TF1. Et c'est là toute la "magie" du gouvernement représentatif qui nous tient lieu de démocratie : tout celui qui s'élève contre le système en place devient de fait un "ennemi du peuple".
C'est indémontable : puisque les élus sont prétendument choisis par le peuple, alors ce qu'ils font est légitimé par lui. Considérer que c'est faux, et que le système lui-même est malfoutu, c'est quelque part affirmer que le peuple a tort, donc se déclarer comme un ennemi d'icelui.

Soyez donc vigilant à bien comprendre et bien exprimer les choses : Il ne s'agit pas de remettre en cause les choix faits par le peuple, mais au contraire de prétendre que l'élection, le système électif ne permet pas la représentation des opinions du peuple. Il ne s'agit pas de critiquer la démocratie : nous ne sommes pas en démocratie, et nous souhaitons tous y parvenir.

Commentaires

1. Le mardi, 30 avril 2013, 00:25 par FilGB

Sur le fond comme toujours, je suis d'accord Merome.

Après, une question qui répond à ta dernière phrase : Est-ce que réellement, nous souhaitons tous y parvenir ?
J'en doute. Je pense que, malheureusement, l'immense majorité de la population préfère le système aristocratique actuel qu'une vraie démocratie.
Je pense qu'on te l'a déjà dit ça. Et je crois que ta réponse était dans le "faites passer l'info, les gens ne savent pas qu'on les trompe." Je crois que si. La plupart le sait. Et le pire c'est qu'ils le déplorent mais en même temps, ils n'ont pas envie de changer de système, car ça demanderait des efforts physiques et intellectuels de s'occuper de leur propre pays. Et ils ont bien assez à faire avec leur propre personne, leur propre famille et leurs propre proches pour pas s'emmerder avec leur propre pays.

C'est triste.

2. Le mardi, 30 avril 2013, 00:28 par FilGB

Et moi aussi hein. Moi le premier, je ne fais pas le nécessaire pour changer le système.
Car on est tous tiraillés entre le CONfort de notre situation présente pas si dégueulasse et notre CONscience collective.

On est bel et bien menés par des CONs mais pas ceux auxquels on pensait au départ peut-être.

3. Le mardi, 30 avril 2013, 08:16 par Merome

@FilGB : Il y a et il y aura toujours un certain nombre de citoyens passifs. Mais il est inutile de les convaincre. Ils se rangeront à la majorité quelle qu'elle soit, ce sont juste des poids morts qu'il est pénible de trainer, mais qui n'empêche pas le mouvement. Si seulement les citoyens actifs, ceux qui aujourd'hui votent, voire militent, qui s'inquiètent pour leurs gamins, leur avenir, leur fin de mois, juste ceux là, s'ils avaient conscience de l'imposture de l'élection, de la croissance à tout prix, et des inégalités que cela génère, je crois que les choses seraient toute différentes.

4. Le mardi, 30 avril 2013, 15:06 par J.C

Salut Merome,

Ne serait-ce pas plutôt les citoyens qui ne votent pas qui sont le plus actifs ? Ceux qui votent sont, me semble-t-il, ceux qui préfèrent que d'autres décident à leur place.

Si tu souhaites donner ton point de vue la dessus, you are welcome:
http://etienne.chouard.free.fr/Euro...

Bien amicalement

J.C

5. Le mardi, 30 avril 2013, 17:26 par Morpheus

Salut Merome,

J'aime beaucoup les précautions d'usage (que je comprends) à propos des sources que tu présentes pour illustrer ton propos.

Ces précautions d'usage démontrent bien la perversion de la logique partisane, contraire au discernement et à l'intelligence qui voudrait que l'on fasse plutôt appel au droit d'inventaire en ce qui concerne tant les propos que les actions d'autrui, plutôt qu'aux jugements et aux amalgames partisans.

C'est bien là l'énorme piège oligarchique dans lequel nous sommes pris lorsque nous pensons participer à la vie politique à travers les partis, soit en étant militant au sein d'un parti, soit en votant. Simone Veil a écrit en son temps une note contre la suppression générale des partis politiques à laquelle je souscris complètement.

A propos du commentaire de FilGB, je pense, au contraire, que la majorité ne sait pas qu'on est piégé et que nous sommes en oligarchie ploutocratique. Ils pensent sincèrement que nous sommes en démocratie parce que nous votons et que nous ne vivons pas dans un régime "stalinien" ou "hitlérien". C'est certes idiot, mais cette logique que l'on nous rabâche depuis tant de génération est prégnante.

La plupart des gens ont d'autres préoccupations, et en effet, sur ce point, son passifs. Ils ne cherchent pas l'information et se désintéressent d'autant plus de la politique qu'elle est repoussante (puisque vouée aux éternels rapports de forces et coups tordus).

Mais lorsqu'on invite les gens à s'exprimer, ils sont capables de changer et de se mobiliser. Le referendum du TCE en 2005 l'a montré. Par contre, l'escroquerie de la voie de Versailles qui fût choisie par les traitres gouvernementaux deux ans après, elle, ne fera que renforcer l'apathie publique.

Cordialement,
Morpheus

6. Le mardi, 30 avril 2013, 21:27 par viconte

je connaissais ces vidéos (plusieurs épisodes), pour les avoir vues sous youtube. Je ne savais pas qu'elles étaient issues d'un site 'sulfureux' et je m'en fout ! J'aime pas qu'on me dise ce qui est 'sulfureux' ou 'pas'. D'ailleurs plus ils sont nombreux à m'expliquer que c'est sulfureux, plus j'ai envie de regarder.

Tout ca pour dire, que R. Dati, que je n'apprécie pas du tout non plus, vient récemment de donner un autre exemple de ta démonstration, en retirant sa candidature à la mairie de Paris, en invoquant que le "système" avait clairement choisi NKM. J'ai même entendu un connard sur Skyrock (depuis que ma fille conduit, je ne peux plus choisir la station de mon autoradio) déclarer avec condescendance et moquerie : 'mais qui est donc le chef du système ?' (encore un chien de garde, qui ne doit même pas le savoir, et qui passe pour un crétin en voulant faire le malin ;))

Au fait t'es allé voir P. Carles au colisée ? Y'a un mec qui nous a cassé les oreilles avec une question sur la démocratie et le tirage au sort, c'était toi ? ;))

7. Le mardi, 30 avril 2013, 22:08 par Nath

Je pense que ce que vous dites Fil et Morpheus n'est pas très éloigné. Dupes ou pas dupes, personne ne songe à remettre en question notre système démocratique car on nous l'a vendu comme étant le meilleur.
Et puis, il y a tellement d'autres préoccupations !
Quand bien même on nous donnerait la démocratie sur un plateau, qu'en ferions-nous ?
Pour ma part, je reçois régulièrement des tracs de la municipalité m'invitant à des séances de "démocratie participative", pour participer à des débats publics et faire valoir mes souhaits auprès des élus. Je vous avoue que je n'y suis jamais allée...

C'est très français de rêver de Révolution mais les vrais changements passent par une responsabilisation au quotidien... et là, il n'y a plus grand monde (et moi la première, je suis bien loin de mettre en accord mes actes et mes idées...)

Ce qui me déglingue, c'est qu'on trouve plus de monde pour se rassembler contre le mariage pour tous que contre n'importe quelle autre mesure du gouvernement...

8. Le mercredi, 1 mai 2013, 09:06 par Merome

@viconte : Oui, c'était moi au Colisée. Le son était pourri, pas ma faute :)

9. Le jeudi, 2 mai 2013, 00:09 par dormomuso

Si j'avais le temps, je reprendrais la vidéo sans la source.

C'est triste (pour Chouard) mais historiquement les liens et citations croisés, les replis sur la nation, l'hyper-sensibilité aux explications conspirationnistes, et l'insensibilité à devenir une courroie de transmission finissent systématiquement en dérive.

Si vous étudiez l'histoire vous verrez que les dérives de ce genre, il y en a eu des milliers. Des gens chouettes au départ qui partent en couille à force de cogiter... Ça m'a traumatisé de lire les histoires de tout ces camarades dériver... Pour que dalle en plus. Aucun résultat. Nada.

Donc je ne prendrais pas le risque. Certes peut-être que la période historique est inédite, et que les risques sont de nature différente aujourd'hui.

Mais pourquoi prendre ces risques, vu qu'en plus ils sont contre-productif. Qu'il ait mon soutien, ou qu'il le perde ne changera rien. L'idée de démocratie par tirage au sort, va pâtir de plus en plus du fait que Chouard accepte les invitations à des conférences de l'extrême-droite et qu'il relaye des théories complotistes très improbables. Il n'y a aucun intérêt à faire cela : une partie de l'extrême droite aurait de toute façon repris une part de ces idées par haine de la démocratie actuelle.

Son incompréhension me fait de la peine. En ce qui me concerne, je reprends l'idée de démocratie par tirage au sort, mais j'applique, sans animosité et avec main tendu, la politique du cordon sanitaire... Je discute avec tout le monde, sauf avec ceux qui s'en prenne à des boucs émissaires via des grilles de lecture simplistes, et veulent nous inciter à la violence contre les minorités.

On peut débattre de tout avec tout le monde, mais en partant d'une règle de base minimum : pas de haine, pas de violence, et à fortiori pas de haine et violence raciale. La plupart des groupuscules actuelles de l'extrême-droite française ne sont pas clairs sur ces prérequis. Ils s'excluent eux-même du débat et ont bon jeu de se positionner ensuite en victime.

Posons nous la questions : comment avancer réellement vers la démocratie réelle ? Ce n'est pas en jouant la provocation, mais en faisant preuve de stratégie. Le jeu en vaut la chandelle. Rendons l'idée de démocratie par tirage au sort réellement populaire auprès de tous. Ne la laissons pas être instrumentalisée par des groupuscules archaïques et en manque d'idée. Soyons efficace !

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