Pourquoi ?
Parfois, je confesse à mes interlocuteurs que je ne prendrai vraisemblablement jamais l'avion. Oh, j'avoue : parfois, c'est de la pure provocation, un pied de nez parce que je sais qu'en face de moi j'ai un sombre connard qui n'a aucune espèce de notion d'écologie. Parfois, c'est juste pour expliquer ma position, et bien souvent, elle n'est pas comprise.%%%%%% On peut résumer mon point de vue en une seule phrase : je ne prends pas l'avion parce que mes enfants n'auront vraisemblablement pas la possibilité de le faire, pour diverses raisons.%%% Imaginez un gros gâteau au chocolat parsemé de copeaux de noix de coco, et moi qui le mange intégralement devant mes enfants qui crèvent la dalle. C'est à peu près comme ça, en grossissant le trait, que je schématise le fait de prendre l'avion aujourd'hui.%%%%%% La parenthèse riche en pétrole dans laquelle nous avons la chance de tomber, toute agréable qu'elle soit, ne doit pas nous faire oublier qu'elle prendra fin un jour ou l'autre. Sans doute pas brusquement, du jour au lendemain. Mais petit à petit, comme il y a un siècle seulement, voyager en avion (et un tas d'autres choses annexes comme bénéficier de soins adaptés et performants, se nourrir de viande, chauffer sa maison à 23°) sera réservé à un tout petit nombre de privilégiés.%%% Je sais très bien, malheureusement, que mon "abstinence" de voyage aérien ne règle en rien le problème et ne permettra pas plus à mes enfants de profiter des richesses inouïes de notre époque, mais il en va de ma propre cohérence.%%%%%% Quand je dis ça, et juste ça, je ne juge personne. Pourtant, souvent mes interlocuteurs passent de l'incompréhension simple à la pitié ou un autre sentiment que je ne saurais décrire exactement, mais pas très agréable. Comme si le fait de ne pas avoir ce désir effréné leur posait problème à eux. Implicitement, cela les renvoie à leurs propres choix, même si je prends garde de ne pas le formuler ainsi.%%% Quelque part, ils se défendent : "c'est bon, je suis pas un assassin parce que je prends l'avion". Et ils essaient donc de me convaincre du bonheur de survoler nos contrées pour rencontrer l'autochtone de l'autre bout du monde. De façon amusante, ce sont souvent les mêmes qui n'ont aucun respect pour tout ce qui présente un caractère étranger en d'autres circonstances.%%%%%% Pareillement, je ne ressens pas le besoin de marcher sur la Lune, de prendre une photo de Mars ou de voyager au centre de la Terre. Ces voyages sont aujourd'hui tout aussi impossibles que ne l'était la traversée de l'Atlantique par les airs il y a 150 ans. À cette époque, personne ne ressentait alors ce désir qui semble aujourd'hui si naturel et essentiel de prendre l'avion. Dans 200 ans, peut-être, nos descendants nous envieront d'avoir pu le faire et nous détesterons d'avoir gaspiller tout cette énergie pour de simples vacances. Parmi ces descendants, il y aura de mes arrière-petits-enfants, et je me sens déjà redevable vis-à-vis d'eux.%%%%%% On n'hérite pas la terre de nos ancêtres, on l'emprunte à nos enfants disait Saint Exupery. J'emprunte déjà bien trop de ressources à la Terre de mes enfants pour simplement vivre dans une société mal foutue, inutile d'aggraver mon cas en gaspillant du kérosène pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.

Commentaires

1. Le vendredi, 4 novembre 2011, 20:53 par JeffRenault

Style et cohérence : je m'incline.

2. Le vendredi, 4 novembre 2011, 21:09 par fbazille

Je suis d'accord, tout l'esprit de l'écologie est là, s'interdire le superflu couteux en énergie en respect de ceux qui vont suivre.

Mais ... un type qui n'a aucune espèce de notion d'écologie n'est pas toujours un sombre connard ou carrément un facho ordinaire. Enfin j'espère car je n'avais moi aussi aucune espèce de notion d'écologie, il y a seulement 5 ans.

Tchuss.

3. Le vendredi, 4 novembre 2011, 21:15 par Merome

@fbazille : Précision utile et nécessaire. Cela va de soi.

@JeffRenault : Tu vas me faire rougir.

4. Le samedi, 5 novembre 2011, 09:35 par agase

C'est marrant de citer en guise de conclusion à ton post un illustre aviateur :)

5. Le samedi, 5 novembre 2011, 14:20 par Merome

@agase : "pas foutu de savoir son nom" (Kaamelott) => J'ai changé ton pseudo car tu avais mis @merome...

6. Le lundi, 7 novembre 2011, 06:31 par Etheriel

En même temps, t'aurais pas 3 numéros autour du gateau mais seulement 1, il en resterait pour lui, son enfant, son petit fils / sa petite fille... Mais bon, vu qu'à priori "c'est cool" qu'on soit 7 milliards....

7. Le mardi, 8 novembre 2011, 11:51 par Tassin

Salut Mérome,

Ca fait un moment qu'on a décidé de ne plus prendre l'avion. On 'la pris une fois il y a 4 ans pour aller en Roumanie.

Quand on me demande pourquoi je dis d'abord que l'avion ce n'est pas voyager, c'est se téléporter. Il n'y a aucune relation à la distance, au territoire, aux populations traversées sur le trajet vers sa destination. Or l'intérêt d'un voyage ce n'est pas la destination, c'est précisément le voyage.
Parfois je répond aussi "question de principe" tout bêtement.

Depuis 2 ans on voyage en train, et c'est vraiment formidable.
On a visité une bonne quinzaine de pays depuis. Essentiellement l'Europe centrale, les Balkans, la Turquie, mais aussi la péninsule Ibérique, etc.
Hébergement via Couchsurfing, chez des contacts ou dans les trains de nuit. Ça permet de compenser aussi la différence de coût (car disons le avec le low cost subventionné, l'avion c'est incroyablement bon marché).

Je n'envie pas du tout les récits des connaissances ou amis concernant leurs excursions de 8 jours au Japon, 10 jours aux États-Unis... En général ils n'y ont rien vu d'autre que les parcours touristiques, l'aéroport et leur hôtel. C'est pas folichon. Ils en ont plein les yeux et peuvent dire "j'ai fait le Kenya" comme on dirait d'un vulgaire magasin mais ils n'ont rien vécu. En clair ils n'ont pas voyagé, ils ont consommé des produits touristiques.

A ce sujet je conseille l'excellent livre "Le tourisme : émancipation ou contrôle social?"
http://www.pacte.cnrs.fr/spip.php?a...

8. Le mardi, 8 novembre 2011, 13:51 par Merome

@Tassin : tu voyages avec des enfants ?

9. Le mercredi, 9 novembre 2011, 09:19 par Tassin

Non, juste en couple.
On peut voyager avec des enfants mais c'est quand même assez difficile. En général avec des enfants on a plutôt tendance à "partir en vacances", c'est quand même plus reposant que de voyager. A moins de limiter le baroudage et d'être un peu plus assuré d'avoir un toit pour le soir.
Au pire, partir en voiture simplifie pas mal de choses et me parait une option à envisager dans ce cas, notamment à cause des tarifs de train prohibitifs et des "loupages" pouvant entrainer un chamboulement des activités.
Côté hébergement, l'échange d'appartement/maison est une très bonne option pour les familles!

10. Le mercredi, 9 novembre 2011, 12:03 par Z

"je ne prends pas l'avion parce que mes enfants n'auront vraisemblablement pas la possibilité de le faire"

Allez, je dois dire que j'admire et respecte au plus haut point ta démarche. mais je vais me faire l'avocat du diable !

Et donc, je dirai la chose suivante : justement, comme ils n'auront pas la possibilité de le faire quand ils seront grands, pourquoi ne pars-tu pas en avion AVEC tes enfants, tant que c'est encore possible ?
Ne crains-tu pas que tes enfants t'en veuillent plus tard de les avoir privés de gateau (au chocolat parsemé de copeaux de noix de coco) tant qu'il y en avait encore ? Du genre : "Papa était un décroissant, il n'a jamais voulu nous emmener ailleurs que dans le trou du cul de la France en train, alors qu'à l'époque les voyages en avion étaient abordables, on aurait pu visiter un peu le monde."

Mon attitude vis-à-vis de l'avion est discutable, mais j'arrive à me la justifier par fatalisme et pragmatisme. Je prends relativement souvent l'avion, soit pour des raisons professionnelles, soit pour des raisons personnelles (voyages, WE, visites à la famille,...). Cependant je ne me culpabilise pas (trop) car je tiens le raisonnement suivant : tant que les billets d'avion seront aussi peu chers (car kérozène pas assez cher), mon comportement individuel n'aura aucune incidence sur le nombre de vols qui auront été faits au final dans le monde, et donc sur la pollution et la consommation d'hydrocarbures. En d'autres termes, en l'absence d'une taxe carbone, mon "sacrifice" ne serait d'aucune utilité. Je n'empêcherai jamais un avion de voler à moi tout seul juste en choisissant délibérément de ne pas prendre tel ou tel billet d'avion, car les taux de remplissage des avions sont trop élevés (car les billets sont trop peu chers). Si les billets étaient plus chers, ma décision aurait potentiellement plus de poids du fait du moindre remplissage des avions, les rapports de force seraient plus tendus.
Dans la situation actuelle, l'atmosphère se fout bien de savoir si je me suis sacrifié ou non, elle recevra de toute façon la même quantité de gaz à effet de serre (qui n'est pas déterminée par mon comportement mais par le prix du kérozène).

11. Le mercredi, 9 novembre 2011, 16:47 par Tassin

@ Z :

Personne n'a jamais dit qu'on pouvait changer le cours des choses avec sa petite simplicité volontaire.
C'est simplement une question de cohérence personnelle. Certains n'aiment pas vivre dans la contradiction entre leur discours/pensée et leurs actes. D'autres y sont moins sensibles. Chacun fait comme il le sent.

Concernant le prix des billets d'avion, non seulement le kérozène est exempt de taxes mais en plus les compagnies low cost sont subventionnées par l'argent public.

http://www.observatoiredessubventio...

http://www.sudouest.fr/2011/03/14/l...

12. Le jeudi, 10 novembre 2011, 11:36 par Merome

@Z : je ne prétends pas changer les choses en ne prenant pas l'avion, c'est avant tout symbolique. Par contre, si je prenais l'avion avec mes enfants, j'enverrais inversement ce signal à mon entourage : "l'avion c'est trop cool, abordable pour tous, pas trop polluant puisque je me l'autorise..."

Bref, entre ces deux actes symboliques, il n'y a pas photo, pour moi.

13. Le mardi, 16 janvier 2018, 13:05 par biophil

Bravo Merome !

je partage tout à fait ton point de vue ! Je n'ai jamais pris l'avion et je ne le prendrai sans doute jamais (sauf si on m'y embarque de force).
C'est bien une question de cohérence, la chose la plus difficile au niveau de la prise de conscience écologique. C'est cette recherche de cohérence qui peut changer significativement le sinistre cours des choses. Elle doit nous conduire à abandonner progressivement toutes les technologies nuisibles à l'échelle globale (viande, agriculture industrielle, chimie industrielle, nucléaire, bagnole, avion, internet, etc.)
Dur dur ? pas tant que ça...

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1. Le samedi, 5 novembre 2011, 19:59 par gatitac

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Je ne prends pas l’avion http://merome.net/blog/index.php?post/2011/11/04/Je-ne-prends-pas-l-avion #Merome #écologie...

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