La décroissance : le journal de la joie de vivre

Tu parles...

Je me considère volontiers, vous le savez, comme faisant partie des décroissants. C'est-à-dire de ceux qui croient que la croissance économique n'est pas la solution, mais le problème. À ce titre, je bois les paroles de Serge Latouche, de Paul Ariès d'Hervé Kempf et d'autres...
Les décroissants sont assez peu visibles, médiatiquement, sauf quand on les présente mal lavés dans des yourtes ou élevant des vers de terre dans leur appartement en ville. Il parait même qu'ils mangent dans les poubelles et chient dans la sciure.
Plusieurs mouvances politiques ou associatives gravitent autour de l'idée de décroissance : les objecteurs de croissance, le parti pour la décroissance,... et parmi les institutions les plus visibles et affirmées, il y a le journal "La décroissance", édité par l'association "les casseurs de pub".

Je n'ai jamais acheté le journal, parce que je trouve suffisamment de choses à lire sur le web sur le sujet, mais un collègue a eu la gentillesse de me prêter le numéro du mois de mai 2011 (merci Pierre !), je peux donc maintenant en faire une critique avisée.

Le moins qu'on puisse dire est que la rédaction du journal ne manque pas d'ennemis. Bien sûr, dans un monde totalement soumis à l'idéologie de la croissance, il n'y a rien de surprenant à cela. Mais La décroissance tire sur tout le monde, et notamment sur ceux qu'ils appellent les "éco-tartuffes", c'est à dire, ceux qui sous le prétexte écologique proposent des solutions de développement durable, de technologies salvatrices et de croissance verte.
Sur le fond, ils n'ont pas tort, et je suis le premier à déplorer ces fausses bonnes idées qui n'ont comme objectif que de perpétuer le business, faire de l'argent sur le dos de l'écologie. On appelle ça aussi le green-washing.

Au premier rang des ennemis de la Décroissance, un personnage fictif appelé Nicolas Bertrand, un concentré de Nicolas Hulot et de Yann Arthus Bertrand, le summum, selon eux, de ce qui se fait de pire en matière d'éco-tartufferie.
Que Yann Arthus Bertrand soit l'un des premiers à avoir prononcé le mot Décroissance au journal télévisé, ou que Nicolas Hulot l'évoque à longueur de pages dès le pacte écologique en 2006 ne les émeut pas. On ne peut pas, selon la rédaction, à la fois critiquer le capitalisme, la croissance, et profiter des multinationales très polluantes Areva, Rhone Poulainc, TF1 et autres. On peut encore moins évoluer et changer d'avis, puisque la (certes) récente conversion de Nicolas Hulot à l'anti-nucléaire est analysée tout aussi négativement. À croire qu'ils auraient préféré qu'il reste sur son idée précédente de maintenir le parc de centrales actuel.

C'est d'autant plus drôle, à mon avis, que le rédacteur en chef du journal est Vincent Cheynet, qui a été directeur artistique chez... Publicis. S'il y a bien quelqu'un qui peut témoigner de la possibilité d'un changement d'opinion, c'est lui !
Mais au contraire, la critique permanente et violente de tout le monde tourne à l'obsession, au point d'isoler le rédacteur du journal des autres mouvements décroissants.
L'éco-tartuffe du mois de mai selon le journal, les bras m'en tombent, c'est Fabrice Nicolino. Ce journaliste et auteur est sans doute l'un des plus critiques sur la société de croissance. Il dénonce lui aussi d'ailleurs à sa façon la candidature de Hulot et lui reproche les mêmes choses que La Décroissance. Mais pour Cheynet, le fait de passer à la radio, d'avoir eu un seul propos non critique envers une femme politique (Chantal Jouanno), est suffisant pour décrédibiliser toute la personnalité du bonhomme. L'article prend d'ailleurs la forme d'un règlement de compte en bonne et due forme comme on pourrait le voir sur un mauvais forum mal modéré.
On peut voir sur le site de Nicolino que la personnalité de Cheynet est très difficile à suivre.

À toutes les pages, donc, on peut lire le fiel de la rédaction à propos de tout ceux qui ont un avis sur l'écologie, même lorsque cet avis est très proche du leur. Il y a même une critique du train comme mode de déplacement.

Je me souviens d'une époque où je lisais Charlie Hebdo. Je me souviens pourquoi j'ai arrêté : ces gens-là ne font exclusivement QUE de la critique non constructive. Inutile d'y chercher des solutions, des utopies, de l'espoir. Vous n'y trouverez que cassage en règle, destruction, ironie... Le journal La Décroissance est sur cette même ligne désespérante. Il n'y a aucune chance de faire bouger les lignes et d'accélérer les prises de conscience avec cette lecture.

Commentaires

1. Le samedi, 21 mai 2011, 22:36 par Raf

C'est marrant, Jean Gadrey, lui non plus pas franchement partisan de la croissance, a fait un billet au contenu assez similaire il y a peu: http://alternatives-economiques.fr/...
Personnellement, je l'ai acheté une fois il y a 3 ans, je n'ai pas recommencé. Personne ne trouve grâce à leurs yeux, aucune solution n'est bonne, eux seuls sont dans le droit chemin, je me demande comment ils ont encore des lecteurs!

2. Le dimanche, 22 mai 2011, 01:56 par Stef

Je ne connais pas la décroissance, mais je faisait il y a peu de temps la même remarque a un pote qui lit régulièrement Charlie Hebdo. A râler apres tout, tout le temps, plus personne ne fait attention a vos plaintes et ça dessert la ligne conductrice car ça ne met pas en avant les idées principales.

3. Le lundi, 23 mai 2011, 11:43 par Tassin

A lire la lettre ouverte de Paul Ariès et bien d'autres à l'attention de Vincent Cheynet, rédac chef du journal :

http://www.reporterre.net/spip.php?...

Cela dit j'aime bien ce journal, y'a des pages pleines d'espoir et passionnantes (simplicité volontaire, les chroniques de Jacques Testart, Paul Ariès, Denis Baba, L'internationale de la Décroissance, le débat du mois...)

4. Le lundi, 23 mai 2011, 14:38 par gounthar

Pour ma part, je trouve à peu près mon bonheur dans l'âge de faire.
http://www.lagedefaire.fr

5. Le mercredi, 25 mai 2011, 11:41 par Laurent

Bonjour

J'avais eu une analyse similaire de ce journal. Cela me rappelle les propos de Soeur Emmanuelle : " Je ne me battrais jamais contre. Par contre, je suis prêt à me battre pour des 'pour' "

Il y a des merveilles dans ce journal, comme les témoignages de personnes adeptes de la simplicité volontaire. Ce journal m'a vraiment aidé à une prise de conscience par certains articles très fouillés et construits.

C'est vrai que par contre il y a tout ce fiel. C'est dommage. C'est pour cela que malgré sa qualité par endroit, je ne le conseille jamais à personne. Il donne une image trop sectaire et négative de la décroissance.

Merci pour ce blog rafraichissant!

6. Le vendredi, 27 mai 2011, 06:45 par Vadaskerty

Egalement d'accord sur les commentaires concernant le bon grain et l'ivraie de ce journal dont je n'ai pas renouvelé mon abonnement.

J'ajouterais simplement que j'aimais beaucoup y lire aussi la chronique féministe de la "Madelon", qui en a malheureusement disparu.

7. Le lundi, 6 juin 2011, 11:37 par Aline

Je suis d'accord avec bien des choses que je viens de lire. À trop démolir on n'avance pas.À mettre dans le même sac N.Hulot, M.Onfray, J.Gadrey F.Nicolino et P.Viveret aussi je crois bien....je ne comprends plus.D'ailleurs je n'achète plus. je reste une lectrice assidue de Paul Ariès et du Sarcophage.
Pour le moment je cherche les coordonnées d'un géographe qui avait écrit un article sur l'étalement urbain, c'est assez ancien, quelques années, un universitaire de l'est de la France je crois.
Si quelqu'un-e- peut m'aider ce serait sympa

8. Le vendredi, 5 août 2011, 13:22 par Tleilaxu

Moi j'adore ce journal. J'attends sa sortie chaque mois avec impatience. J'aime son ironie mordante et parfois exagérée. Son ton de combat, qui pointe du doigt les contradictions des personnes qui monopolisent la parole dans les médias, a tout mon soutien, car la politique, c'est du combat. Et il n'y a pas que de la "méchanceté" dans ce journal, il y a aussi des propositions concrètes soit par les témoignages d'objecteurs de croissance pratiquants, soit par les textes d'intellectuels (le dernier texte de Philippe Bihouix sur les métaux est excellent), soit par des personnes engagées dans la politique dans d'autres pays ou en France (exemple avec l'ancien élu à St Nazaire et sa chronique mensuelle). Grâce à ce journal, j'ai découvert des auteurs comme Bernanos, Ivan Illich, André Gorz ou Jacques Ellul et j'y apprends beaucoup beaucoup de choses. Donc pas d'accord avec l'article...

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