Quand l'énergie propre vous pète à la gueule.

"Le site pose des problèmes de sécurité en cas de séismes et d'inondations", "le tribunal a rejeté notre requête, mais il reconnaît que des incidents se multiplient à la centrale et qu'il y a des rejets chimiques", "la centrale est exposée de par son implantation sur une zone tectonique à potentialité élevée"...

Vous pensez que je sors ça d'un article sur le tremblement de terre au Japon ? Pas du tout, il s'agit d'un article sur la plus vieille centrale française, située à Fessenheim, et il date de quelques heures avant les évènements dramatiques du Japon. Hasard du calendrier.

Fessenheim, c'est où ? Ici :


Agrandir le plan

Soit à quelques centaines de kilomètres de chez moi à peine, sur une faille sismique connue, dans l'une des trois régions les plus dangereuses de France.



La France se vante régulièrement d'avoir 80% de son électricité produite sans émission de CO2, mais elle omet de prendre en compte les risques que cela engendre. On pouvait rigoler (jaune) de la mauvaise gestion communiste de Tchernobyl, mais ces pauvres japonais aussi capitalistes et sérieux que nous pouvons l'être n'ont rien pu faire contre un tremblement de terre un peu plus fort que les autres. On ignore encore les conséquences réelles de cet "incident" nucléaire, mais admettez qu'on est tous bien contents que ça se passe de l'autre côté de la planète.

L'énergie nucléaire est le symbole de l'irresponsabilité de nos choix économiques. Pour pouvoir alimenter les toujours plus nombreuses enseignes commerciales au néon, les futures voitures hybrides ou électriques, les climatisations à l'intérêt douteux, ... nous avons trouvé intelligent de nous doter d'un arsenal de centrales électriques prêtes à nous exploser à la gueule, couteuses à entretenir, et qui réchauffent les cours d'eau au point d'y faire crever les poissons.

Lorsque le pétrole, hors de prix, aura terminé de plomber l'économie au point de nous faire sombrer dans les dettes, je me demande, comme Hubert Reeves, comment sera financé l'entretien de ces chaudières déjà bringuebalantes. Acculé par une soif de croissance insatiable, sans doute refuserons-nous d'arrêter d'exploiter des réacteurs pourtant au bord de l'explosion. La rationalité n'a jamais eu sa place dans ces choix industriels faits au plus haut niveau et avec la pression de lobbies sympathiques et bienveillants.

J'aimerais qu'on enferme les dirigeants d'Areva et les hommes politiques de tous bords qui ont participé à ces choix et qui continuent de les soutenir à mort dans la centrale de Fukushima, afin qu'ils puissent constater de visu la propreté de leurs installations.

Commentaires

1. Le dimanche, 13 mars 2011, 08:46 par Etheriel

Et sinon, au lieu de faire ta Duflot hystérique, on fait comment en pratique pour se passer de 80% de notre électricité ? Parce que le "sortir du nucléaire" en boucle sans explication du "comment on fait ça"...
Alors oui, j'imagine bien que tu vas nous donner des pistes, mais je te laisse le soin de les expliquer/imposer à la population, qui verra d'un seul coup tout l'intérêt de l'atome.

2. Le dimanche, 13 mars 2011, 09:33 par Merome

etheriel : tu sais très bien mon avis : on abandonne la croissance  tout prix, on relocalise un tas de trucs, on éteint les panneaux publicitaires, on met le paquet sur l'isolation au lieu de chauffer à blanc en électrique des vieilles baraques en carton des années 70... Pour le reste, de l'éolien, du photovoltaique, du thermique, de l'hydraulique, du marémoteur...

Tu me trouveras des gens qui sont contre le fait d'éteindre les panneaux de pub, ou qui sont contents de payer leur facture de chauffage élec. Je pense qu'on n'aura pas trop de mal à les convaincre. Idem pour ceux qui doivent ramener ou racheter leur imprimante au bout de deux ans (ce qui consomme de l'énegie, comme toute production). Économiser de l'énergie tout en ayant une augmentation de confort, c'est largement possible. Mais ça nécessite que ceux qui s'en mettent plein les fouilles arrêtent de le faire.

3. Le dimanche, 13 mars 2011, 09:38 par Etheriel

Je suis d'accord avec tout ça. Mais on parle de 80% de l'elec, hein ! Ça inclue des hôpitaux, des écoles, ... Et l'éolien, le photovoltaïque, le marémoteur, euh.... c'est un peu l'hybridation pour les voitures: on te fait croire que c'est propre parce que ca roule 5km à l'électricité, mais ça ne permet pas de faire les 495 km suivant...

4. Le dimanche, 13 mars 2011, 10:52 par Merome

Etheriel : Des gens se sont penchés sur la question. Ce n'est pas qu'une lubie d'écologistes, par exemple, va voir page 4 de ce document, la démarche négawatt permet d'entrevoir le futur, en se basant sur trois grands principes : efficacité, sobriété, énergies renouvelables.

Tu peux lire aussi les analyses de Jancovici : ici, ici ou encore ici

Mais clairement, on va pas arrêter les centrales nucléaires demain matin. Mais faire en sorte d'en être moins dépendant me semblerait une précaution à prendre rapidement.

5. Le dimanche, 13 mars 2011, 17:29 par le journal de personne

Le séisme des cœurs

Je vous parle de fraternité
Et vous me renvoyez à la dure réalité
Aux plaques tectoniques
de notre écorce cérébrale…
Aux tremblements des peurs
Et au déferlement des pleurs
Et la terre continue de trembler et de nous faire trembler…
Et un beau jour… ou peut-être une nuit… on décide de ne plus trembler… et on se met à bouger…
à prendre le large au lieu de subir les vagues successives de cette nature imbécile…
Oui…oui on ne peut pas changer les lois de la science physique mais on peut changer de politique…
parce que là, il ne s’agit plus de science mais de conscience…
cette petite flamme qui tremble et qu’aucun vent ne peut éteindre…
ma conscience politique… qui voudrait avant de mourir assister à l’éveil d’une autre conscience…
d’autres consciences, à une sorte d’effervescence… vive la révolution des consciences.

http://www.lejournaldepersonne.com/...

6. Le dimanche, 13 mars 2011, 18:37 par agase

Merome,

Quand est-ce que tu mets 40 cm d'isolant dans ta maison ?
Sinon pour ton info, ton employeur s'est engagé dans la démarche négawatt depuis 2 ans. Tu as vu du changement ?
C'est bien beau les paroles, mais les faits c'est mieux, alors arrêtons de larmoyer et agissons tous de notre côté. Eh tiens, pour commencer si on arrêtait tous nos ordinateurs ? parce que là , en terme de consommation, on atteint des sommets.

7. Le lundi, 14 mars 2011, 08:37 par Merome

agase : J'agis. Je modifie mon comportement chaque jour.

8. Le mardi, 15 mars 2011, 23:26 par FilGB

... mais au bout d'un moment, il faut aussi que l'exemple vienne par le haut de la pyramide.

Je ne fais que prolonger à ma sauce ton commentaire et ton très bon article. Où on sent bien que t'es remonté comme un coucou suisse :D

9. Le mercredi, 16 mars 2011, 01:11 par Albator

En attendant, si tu te passais du nucléaire en France donc d'électricité, tu ne pourrais pas nous gratifier de cet article... et on vivrait dans le noir comme aux siècles passés.

 Juste pour à la fois élargir le débat et revenir sur terre, j'indique que la conception standard des centrales se fait au moins à 4m/s2 (même dans une zone sans risque), et que Fessenheim est un REP, alors que les centrales japonaises atteintes sont des REB, donc 2 technologies différentes sont en jeu.
 Je milite juste pour qu'on ne brasse pas du vent à tort et à travers sans savoir techniquement un minimum de quoi l'on parle... (cf blablas/pseudo-débats médiatiques actuels).
10. Le jeudi, 17 mars 2011, 18:42 par Merome

@albator : Je trouve ton raisonnement un peu faussé. Si l'on n'avait jamais découvert le nucléaire, selon toi, on s'éclairerait toujours à la bougie ? Bien sûr que non. Des milliards ont été engloutis dans la recherche nucléaire depuis des années. Ces mêmes milliards, dépensés autrement, auraient eu un tout autre impact. C'est exactement la même chose pour les hydrocarbures. Jamais on ne s'est posé la question de l'énergie en terme de durabilité et d'environnement. On a toujours fait au plus court, au plus rentable, en "oubliant" tous les effets indésirables pourtant connus.

Peut-être qu'en effet, on serait moins gavé d'énergie si on avait privilégié d'emblée les énergies douces. Peut-être qu'on aurait pas des publicités coca-cola qui tournent toutes seules sur les stades. Et peut-être qu'on serait obligé de garder nos ordis pendant 5 ans, et nos voitures pendant 10. La vache, quelle vision d'horreur.

11. Le vendredi, 18 mars 2011, 00:29 par agase

@merome : toi qui est vraiment calé dans la recherche internet, j'aimerais bien connaitre les montants investis dans le nucléaire en France pour le résultat que l'on sait (le tout reporté au citoyen) et la même chose en Allemagne ou au Danemark qui eux ont privilégié les énergies renouvelables (pour le résultat que l'on sait).
On peut trouver toutes les statistiques sur le net sur une superbe base de données canadienne.

http://perspective.usherbrooke.ca/b...

12. Le vendredi, 18 mars 2011, 08:40 par Merome

@agase : le microcosme du nucléaire est tout sauf transparent. Tout au plus tu peux trouver le prix d'une centrale (1.5 milliard d'euros pour 1000MW), mais les investissements annexes, dans la recherche, dans le traitement des déchets, dans les frais de fonctionnement, ... Tout ça est très opaque. Hier, l'excellente émission de Daniel Mermet sur France Inter revenait sur le problème qu'a connu la centrale du Tricastin en 2008. Les journalistes se sont heurtés à une opacité totale de la part de la direction de la centrale et d'EDF. Pas moyen de faire des mesures indépendantes. Pas moyen de connaitre la politique de ressources humaines qui apparemment est sujette à caution (beaucoup d'intérimaires, pas forcément formé et informé des dangers...)

Les futures générations de centrales, qui ne sont pas prêtes de voir le jour nous coute déjà un œil, apparemment, selon cet article de Georges Charpak.

13. Le vendredi, 18 mars 2011, 11:05 par agase

Donc pour le nucléaire, pas facile de savoir. et pour les autres sources d'énergie ? Est-ce possible ?

14. Le dimanche, 20 mars 2011, 09:15 par Merome

Yves Cochet estime que la France a investi entre 350 et 400 milliards dans le nucléaire depuis 1973.

15. Le dimanche, 20 mars 2011, 11:41 par Tassin

A destination des personnes tenant le discours "c'est le nucléaire ou la bougie" : je voulais juste rappeler qu'installer 50GW d'éolien (c'est pas si énorme on en est déjà à 6GW et les Allemands à 30GW) dont 30 en offshore produiraient 20*2,5+30*3,5=155TWh, soit 30% du gâchis actuel (510TWh).
Rajoute à ça 50GW photovoltaïques pour 50TWh, plus les 60TWh hydrauliques déjà en production, on est déjà à plus de 50% de la conso actuelle... Et ça me semble pas impossible de diviser par 2 la conso du pays avec un peu de bon sens.

A méditer...

16. Le dimanche, 20 mars 2011, 20:20 par agase

@tassin : effectivement peut être arriverons nous à produire 50% de notre prod d'électricité en renouvelables et après ?
Le nucléaire ne représente que 17% de notre consommation d'énergie annuelle. Les efforts ne sont pas qu'à faire dans la conso d'électricité. Il faut raisonner globalement.

Et pour info, les lampes basse consommations ne nous ferons gagner que quelques % là où il faut diviser par 4. Voir manicore.com.

La question est bien : que sommes- nous prêt à abandonner ?

17. Le lundi, 21 mars 2011, 08:37 par Merome

@agase : je suis prêt à abandonner, comme je le dis dans l'article, l'éclairage des enseignes la nuit, mais aussi plein d'autres choses comme l'obligation de racheter une imprimante neuve tous les 3 ans à cause de sa conception, de changer de voiture tous les 2 ans, de changer de frigo tous les 5 ans, de partir en vacances tous les ans, de voir des dizaines d'avion passer au dessus de ma maison tous les jours, d'avoir 300 chaines de télé qui diffusent la même merde, d'avoir 12 marques de biscottes sur les rayons et pas une seule qui est produite de façon durable et responsable, d'avoir 20 marques de barres chocolatées toutes à l'huile de palme, d'avoir des baskets qui viennent de Chine, des chocolats de Pâques suremballés et des chocolats de Noël suremballés pour mes gosses, etc etc...

Tout ce gaspillage, toute cette énergie dépensée, ne profite pas au consommateur, mais au producteur. On s'y est tellement habitué qu'on se demande si on pourrait s'en passer. Mais on le peut. Dès lors qu'on a conscience des conséquences, on le peut.

18. Le mercredi, 23 mars 2011, 19:02 par agase

@merome : C'est bien mais à mon avis pas suffisant. Mais maintenant, il faut le faire, en tout cas pour ce qui est de ta propre volonté.
Sinon, ce n'est pas au producteur que cela profite mais seulement à quelques individus, lobbies,...

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