Indignez-vous de Stéphane Hessel

Ma critique du bouquin qui s'est tant vendu pendant les fêtes

Pour ceux qui ont cumulé grippe et gastro pendant les fêtes, de quoi parlons-nous ?
De ce livre de 32 pages paru le 20 octobre 2010 et écrit par Stéphane Hessel, diplomate français de 93 ans.

Et on en parle parce que le bouquin s'est vendu à un million d'exemplaires en quelques semaines et que son contenu n'est pas particulièrement racoleur ou commercial. C'est donc un mini-phénomène de société qu'il me fallait étudier de plus près. J'ai acheté le bouquin (3 euros) et je l'ai lu (en une heure à peine).

Le texte n'est pas particulièrement révolutionnaire, ni même très novateur. Le moindre des blogs étale les mêmes arguments depuis plusieurs années, et il n'y a guère plus que les éditorialistes et journalistes des médias mainstream qui refusent de faire les mêmes analyses pourtant évidentes, mais qui bousculent trop d'intérêts privés. Stéphane Hessel dénonce effectivement la financiarisation de la société, l'oligarchie qui contrôle la plupart des démocraties des pays développés, l'absence de contrôle des banques, les dérives dictatoriales directes ou indirectes de nos gouvernements.
Il soutient par exemple sans détour ces professeurs des écoles qui désobéissent à leur hiérarchie et dénoncent la culture du chiffre et les réformes absurdes qui s'enchainent et n'ont pour effet que le démantèlement par petit bout de l'école républicaine.

Le message général du livre est simple et limpide : Stéphane Hessel invite le lecteur à s'indigner de ces dérives, et de trouver un moyen de faire entendre sa voix, sans violence, mais avec fermeté et détermination. Il rapproche ce geste à celui des résistants de la seconde guerre mondiale qui ont refusé d'obéir à la logique fasciste.

Il n'y donc rien de nouveau, ni dans l'analyse, ni dans les solutions proposées, et on peut dès lors se demander pourquoi le livre a connu un tel succès. À mon avis, plus que le message lui-même, c'est l'endroit d'où il vient qui est singulier. Des gens qui s'indignent, voire qui s'insurgent, on en trouve à la pelle dans les rangs des syndicalistes et des blogueurs, comme je le disais plus haut.
Ici, nous avons un diplomate de 93 ans, qui n'a vraisemblablement aucun intérêt direct à se faire mousser ou vendre des bouquins à 3 euros. Un diplomate qui a participé, d'une certaine façon, aux dérives que nous constatons aujourd'hui, par sa coopération avec différents gouvernements à des postes de hauts fonctionnaires. S'il crache dans la soupe aujourd'hui, on peut supposer qu'il a de bonnes raisons et une expérience qui lui permettent de croire que le monde part en vrille.

Ce qui me semble intéressant aussi, c'est que le message qu'il délivre est sans cesse critiqué et vivement rejeté par les commentateurs "officiels" que sont les journalistes les plus en vue. Pourtant, un million de français ont acheté le bouquin, pour trouver peut-être un discours et des propos qu'ils peinent à trouver dans les médias.
Quand les propos de Cantona donnent lieu à un bankrun qui déstabilise un peu plus la confiance des gens en leur banque, il est extrêmement facile de tourner en dérision l'évènement et de discréditer toute initiative qui va dans le même sens.
Quand quelques hurluberlus prennent pour slogan "La Décroissance" et organisent des manifestations sous le signe de l'escargot en faisant l'éloge de la lenteur, c'est encore une fois très simple de se moquer de leur volonté de revenir à la bougie.
Mais quand Stéphane Hessel dit, et je le cite :

On ose nous dire que l'État ne peut plus assurer les coûts de ces mesures citoyennes. Mais comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée ? Sinon parce que le pouvoir de l'argent, tellement combattu par la Résistance, n'a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l'État. Les banques désormais privatisées se montrent d'abord soucieuses de leurs dividendes, et des très hauts salaires de leurs dirigeants, pas de l'intérêt général. L'écart entre les plus pauvres et les plus riches n'a jamais été aussi important ; et la course à l'argent, la compétition, autant encouragée.

Il ne fait que dire la même chose, en s'appuyant sur des réalités historiques qu'il a lui même vécues, auxquelles pour certaines, il a participé. Ce qui est assurément beaucoup plus difficilement discutable, ne serait-ce qu'à cause du respect que l'on doit au bonhomme qui l'a écrit.

En bref, "Indignez-vous" reprend tous les arguments que vous pourrez trouver sur le web et que vous ne verrez pas à la télé, sauf pour les tourner en ridicule. Il n'y a donc pas d'intérêt particulier à lire ce bouquin si vous êtes déjà un peu libéré de la désinformation des médias dominants.
En revanche, il me semble pertinent de s'intéresser à l'accueil que le bouquin a reçu par le public et de le relier à tous les évènements nationaux et internationaux qui ont bousculé les démocraties autour de nous.
Pour prendre juste deux exemples récents : les tunisiens se sont battus pour obtenir (entre autres), la levée de la censure d'internet dans leur pays. Dans le même temps, la loi LOPPSI 2 faisait prendre à la France le sens inverse, dans l'indifférence générale, par une poignée de sénateurs qui savent à peine envoyer un mail.

De quoi s'indigner, sans doute.

Commentaires

1. Le dimanche, 23 janvier 2011, 00:15 par Molmo

Roboratif donc, n'est-ce pas ? ;)

2. Le dimanche, 23 janvier 2011, 08:32 par Avo

il me semble juste que ce monsieur prend partie et c'est tout à son honneur, il ne convaincra personne, il ne mettra pas de panneaux photovolcaiques (je sais pas comment ça s'écrit) sur son toit , il n'achètera pas de vélo à piles, il veut juste mourir dignement, à son âge, il espère encore avoir une influence, profiter de ses derniers moments de vie pour exister. Par contre, il prend parti et désire un boycott contre israel et explique pourquoi. Ben oui, boycoytter israel peut etre une solution contre ce qu'il estime être une "ingérence" et je le rejoins la dessus. Il a un avis sur les choses et en ces temps de couardise généralisée c'est malheureusement salvateur.

Avo

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