Attention, ceci est la suite d'une histoire commencée ici.

Je ne pouvais tout de même pas me rendre à Strasbourg, comme ça, sans un minimum de concertation avec Aphrodys et un peu de préparation. J'ai immédiatement cherché à recontacter ma correspondante mystérieuse, et, comme la première fois, elle a mis pas mal de temps à réagir. Sans doute prenait-elle mille précautions pour ne pas se faire remarquer.
Enfin, je l'ai eue en ligne :

> C'est moi, j'ai trouvé : vous êtes à Strasbourg.
> Strasbourg ? Je n'y ai jamais foutu les pieds !
> Ce sont les coordonnées GPS qu'indique votre webcam pourtant
> La webcam, je pense que je l'ai neutralisée avec un trombone. Mais ça ne va pas durer...
> Effectivement, on ne voyait rien à l'image.
> C'est mieux ainsi.
> Comment puis-je vous aider maintenant ?
> J'espérais que vous auriez une idée
> J'en ai une, seulement...
> Seulement ?
> Il me faut votre aide, et votre accord, bien sûr.
> Mon accord pour me sortir de ce trou ? Vous plaisantez ?!
> Mais je ne peux pas m'introduire dans cet endroit sans vos indications. Cela semble être un immeuble assez grand
> Je vais faire mon possible pour vous donner des informations, mais pour l'instant, je n'ai rien.
> Essayez de définir au plus précis l'endroit où vous vous trouvez.
> ...
> Aphrodys ?

Je n'ai plus reçu de réponse. Pourtant, le logiciel m'indiquait que la communication était encore établie.

Je me rendais compte que j'avais bien peu de détails sur les conditions de détention de cette femme. Où avait-elle été enlevée, par qui ? Combien de personnes avait-elle déjà vu ? Étaient-elles armées ?
Voler à son secours tel un courageux chevalier des temps modernes, alors que j'étais un informaticien gringalet et physiquement inapte à toute épreuve physique avait quelque chose d'irraisonné. Et de dangereux.

Mon collègue est revenu dans mon bureau m'annoncer une réunion de service impromptue. J'ai juste eu le temps de cacher ma fenêtre de discussion avec Aphrodys avant qu'il n'aperçoive mon écran.

- Que se passe-t-il ?
- C'est à propos du Pentagone. On va faire le point.
- Encore cette histoire ? Mais je croyais que c'était une erreur ?
- Apparemment, non.
- C'est pas comme si j'avais que ça à faire.
- Pourquoi, tu travailles sur quoi en ce moment ?
- Oh non, rien de bien important, mais c'est façon de parler.

La réunion ne m'a apporté que très peu d'informations supplémentaires : une de nos adresses a été détectée hier sur un des serveurs du Pentagone en train de faire du scan de port. La CIA a contacté le ministère de l'intérieur dont dépend aujourd'hui la gendarmerie. Et l'information est redescendu en flèche jusqu'à chez nous. Nous savions tous que cela ne voulait pas dire grand chose, étant donné la facilité avec laquelle il était possible de falsifier l'adresse de provenance d'une telle attaque. Mais nous devions rédiger une réponse et, en l'absence de notre supérieur direct, son adjoint a préféré nous convoquer pour choisir ensemble les bons mots, compréhensibles par les grands pontes de la maison.

La réunion s'est éternisée, car l'ambiance de vacances qui régnait était propice à la rigolade, chacun y allant de son petit commentaire sur les capacités de compréhension d'un message un peu technique par un haut responsable. Je ne suis retourné à mon PC que très tard, pour y lire de nouveaux messages laissés par Aphrodys en mon absence. L'horodatage indiquait qu'ils avaient été tapés entre 18h et 18h30. Le style était télégraphique, parfois difficile à comprendre :

> Des gens sont venus
> Obligee de stopper
> Recupere un code de l entree dqns une poche kqzqwqki
> suis dqns le noir
> neon brise pour discretion
> je vois un peu de soleil direct depuis les volets
> j ecris sqns voir
> j entends du bruit
> quelqu un en hqut
> porte peinte en vert
> point rouge sur fenetre
> c est tout ce que je peux donner

J'ai noté le code sur un post it que j'ai fourré dans ma poche et j'ai quitté le bureau rapidement pour ne pas arriver une nouvelle fois en retard à la maison. Je ne voulais pas encore inquiéter ma femme, d'autant qu'il me fallait lui annoncer mon départ pour Strasbourg dès le lendemain.

- Strasbourg ?!
- Oui, Strasbourg.
- Qu'est-ce que tu vas foutre à Strasbourg ?
- Une mission spéciale, je ne peux pas trop t'en parler...
- Tu ne te déplaces jamais habituellement.
- D'où le côté "spécial" de la chose. C'est vraiment spécifique. Et je peux pas le faire depuis ici.
- Je croyais que l'intérêt de ton métier, c'était justement de pouvoir tout faire depuis n'importe où ?
- Oui, mais... Pas là.
- Bon. Et tu reviens quand ?
- J'espère demain soir. Je t'appellerai de toute façon.
- Ah... Tu as encore notre numéro ?
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que ça fait deux soirs que tu rentres tard. Sans appeler.
- Je suis désolé. Mais essaie de comprendre, il se passe des choses en ce moment. Même la CIA s'en mêle, c'est pour te dire...
- La CIA ?
- Ben... Ouais.
- Eh ben...

Puis, elle a mis fin à la discussion, mais je sentais bien qu'elle ne croyait pas un mot de ce que je disais. Dans l'immédiat, je n'avais rien de plus à ajouter. Je ne pouvais décemment pas lui expliquer que j'allais faire près de 350 kilomètres pour rejoindre une fille en soutien-gorge devant une webcam.

Le lendemain, muni de mon plan Google Map et de mes notes, je me suis rendu à Strasbourg à l'endroit indiqué par les coordonnées GPS. L'immeuble était tout à fait banal, si ce n'est le digicode à l'entrée qui était un peu évolué, avec un clavier complet en lieu et place du traditionnel pavé numérique.

Je n'avais plus qu'à taper le code d'entrée que m'avait fourni Aphrodys. Enfin, presque.

Cliquez ici et saisissez le code d'entrée de l'immeuble en guise de mot de passe.

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