Eco-responsables, mais pas éco-coupables

Pour être efficace, qui pointer du doigt ? Le consommateur qui consomme, l'industriel qui industrialise, le financier qui finance ou le politicien qui gouverne ?

À force de tourner et retourner les problèmes de nos sociétés dans tous les sens, et d'aller à l'essentiel pour gagner du temps, je finis par être un peu trop sec et rapide pour que tout le monde comprenne bien mon point de vue sur ce blog. Je vais tenter de rectifier le tir ici.

Tout le monde (sauf Claude Allègre) est maintenant bien conscient des enjeux écologiques qui nous attendent. Le problème étant posé, reste à trouver des solutions, et éventuellement des coupables.
Il est vrai qu'une partie des écologistes, plus ou moins radicaux et dont je fais sans doute partie, considère que la clé se trouve d'abord et avant tout dans les habitudes de consommation de chacun d'entre nous.

Est-ce à dire que nous sommes seuls responsables et que l'avenir de l'Humanité est entre nos seules mains ? Pas le moins du monde. Mais réfléchissons ensemble, si vous le voulez bien, à la façon la plus efficace de repartir dans la bonne direction.

Le consommateur au centre du débat

Parlons du CO2, puisque c'est le plus médiatique des problèmes, sans être forcément le plus grave. Les autres (gestion des déchets, pénurie des énergies fossiles, baisse de la biodiversité, ...) sont de toute manière liés.
Qu'est-ce qui rejette du CO2 ? Nos voitures et plus généralement nos transports, nos modes de chauffage, les usines, l'agriculture... La faute à qui ?
On se déplace pour travailler, pour vivre, avec les moyens qui sont à notre disposition. On est bien obligé de se chauffer, et là encore avec ce qui est disponible et bon marché. Les usines produisent les objets que nous consommons, l'agriculture produit ce que nous mangeons. Nous sommes au centre de tout ça, mais sans beaucoup de leviers d'actions pour y changer quelque chose.

Une énergie propre ? Ça n'existe pas.

On peut attendre que le progrès résolve tout ça. C'est le mythe de l'énergie propre (car tout : voitures, agriculture, usines, demande de l'énergie). Contrairement à ce que les industriels essaient de nous faire croire à travers les médias, cela n'existe pas. Tout du moins, cela ne pourra jamais (comprendre : pas assez rapidement pour nous sortir de l'ornière à temps) remplacer cette bonne vieille énergie fossile, transportable, malléable, pratique, puissante, stable, ...
Et puis, il y a ce fameux effet rebond : toute avancée technologique sera immédiatement mangée par l'utilisation croissante qu'on en fera. C'est un autre mythe célèbre, celui du "zéro papier" avec l'arrivée de l'informatique.
On peut en parler dans les commentaires si vous le souhaitez, mais j'en ai l'intime conviction : ce n'est pas le progrès qui nous sauvera.

Des industriels qui montrent le chemin ? Et puis quoi encore ?

On peut espérer que, les prises de conscience s'accélérant, chacun devenant bien plus réfléchi quant à sa responsabilité dans le bazar, les industriels eux aussi deviennent responsables et humanistes. C'est à dire qu'ils conçoivent des produits sobres, qui durent longtemps, et qu'ils n'essaient plus de nous vendre du vent pour faire péter leurs objectifs.
C'est aussi une grave erreur. Notre système, tel qu'il est conçu, fait qu'une entreprise n'a qu'un seul but : la recherche de profit. Et le pire, c'est que cela profite, à divers niveaux, à tout le monde. Cela crée des emplois, de la richesse, qui est distribuée, certes bien mal, de façon inégalitaire, mais répartie entre nous.
Notre système libéral ne permet pas et ne permettra jamais pas à des entreprises qui placeraient l'humain et l'écologie au centre de leurs préoccupations de survivre.

Des politiciens éclairés ? Pas demain la veille.

Si c'est le système qui pèche, alors changeons-le ? Et là, ce sont les politiques qui tiennent les ficelles. Aurons-nous un jour des politiciens clairvoyants sur ce sujet ? Je n'y crois plus non plus. Déjà, parce que nos modes de scrutin actuels ne permettent pas de profondes remises en cause. Voyez aux élections européennes le nombre de partis qui n'ont pas même eu de bulletins dans les bureaux de vote. Regardez la sélection binaire imposée par le vote majoritaire. Observez la comédie du traité constitutionnel européen, adopté sans le consentement de la majorité.
Si, demain, un candidat idéal pouvait se présenter, avec toutes les bonnes idées qu'il faut pour régler tous les problèmes écologiques, soyez sûrs qu'il ne pourra pas dépasser le premier tour. Et si d'aventure, nous arrivions à élire un homme ou une femme responsable et honnête, il serait tenu par les pays voisins ou guidé par des lobbies industriels bien plus puissants que la force politique.

Non, les règles du jeu ne changeront pas de sitôt. Les Grenelles resteront des gouttes d'eau qui n'épuiseront pas l'océan des intérêts économiques qui sont tellement divergeants des intérêts écologiques, c'est à dire des intérêts de nos enfants.

La dernière chance, c'est nous

Il n'y a à mon sens qu'une seule façon de faire bouger les choses, et c'est d'essayer de ressembler, de plus en plus, à la société que l'on souhaiterait voir venir. Notre pouvoir dérisoire, finalement, est énorme. C'est nous qui achetons ce que les industries produisent. C'est nous qui faisons le monde tel qu'il est. Lorsqu'on achète un ordinateur, un téléphone, un écran, une voiture, lorsqu'on travaille plus pour gagner plus, lorsqu'on jette ce qui marche encore, lorsqu'on renouvelle ce qui n'est pas si vieux ... nous cautionnons ce système intenable.
Nos comportements sont très vite repris par les publicitaires, le greenwashing (idiot, mais révélateur) est maintenant la norme parce que nous avons manifesté notre volonté de consommer propre. Continuons dans ce sens et nous verrons fleurir les premières organisations éthiques, qui vendront en circuit court des produits durables et non nocifs.
Dans bien des domaines, encore, il est pour ainsi dire impossible d'être éco-responsables. Plaignons-nous auprès des commerçants. Créons une demande réelle de fruits et légumes locaux, de vélos fabriqués en France, de services de transports en communs efficaces...
Et encourageons toute initiative qui va dans ce sens, à la mesure de nos moyens.

Ce n'est pas en attendant sur les autres, fussent-ils industriels, politiciens, milliardaires ou décideurs, que les choses vont avancer. Ce n'est pas en montrant du doigt les chinois, les usines ou les supermarchés que les consciences vont se réveiller. Chacun de nos efforts paye. Chacun de nos actes est militant bien plus qu'un bulletin dans une urne.

Si vous prenez la peine de réfléchir longuement à tout ça, je suis quasiment certain que vous arriverez aux mêmes conclusions que moi, partagées d'ailleurs par pas mal d'écologistes. Dans le cas contraire, je vous invite à proposer vos solutions et à débattre dans les commentaires.

Commentaires

1. Le mercredi, 30 septembre 2009, 22:23 par Calcifer

Depuis des années, je fais attention à ce que je fais et achète. Évidemment mon comportement sur certaines choses a évolué j'espère dans le bon sens mais malgré tout l'éducation y est pour beaucoup dans notre façon de vivre.

Je suis bien conscients de tout ce que tu dis et je ne pense pas être le dernier en matière de prise de conscience :

- j'ai supprimé toutes les veilles inutiles, régulé mon système de chauffage de façon à consommer le moins possible, préférant mettre un pull que d'augmenter de 1 ou 2 degré le chauffage.
- j'ai pensé ma maison de façon à ce que l'apport solaire soit le plus efficace possible toute l'année mais surtout en hiver
- ça fait 6 mois que le solaire me fournit mon eau chaude sans une goutte d'appoint électrique
- je ne consomme que si c'est vraiment nécessaire et utile. Je passe bien souvent des heures avant de trouver la perle rare (pour moi) c'est à dire techniquement et écologiquement parlant. Maintenant l'utilité des uns sera peut être inutile pour les autres.
- mes robinets sont équipée d'aérateurs et sont limité en débit
- je trie mes déchets depuis des années "lumières"

Après on a chacun ses faiblesses, ou plutôt ses envies, se faire plaisir je devrais dire, c'est humain. J'ai pas envie de devenir "éco débile" car ça ne servira strictement à rien et ne résoudra absolument pas le problème.

Sans être extrémiste dans ma façon de "préserver la planète" je pense tout de même contribuer un minimum à mon niveau.

Bien à vous de cordialement ©

2. Le jeudi, 1 octobre 2009, 06:12 par jcm

"Chacun de nos actes est militant bien plus qu'un bulletin dans une urne. "

Il y a quelques dizaines de milliers de militants en Pennsylvanie, qui "militent" dur avec un mode de vie très rustique : les Amish.

Il y a eu au siècle dernier Lanza Del Vasto en France et son "Arche", très connu à l'époque et qui montrait une façon de vivre différente.

Et bien d'autres ailleurs.

Chacun, sans aller aussi loin que ces derniers, peut effectivement "militer" à sa façon mais il est fort à craindre que le nombre de ces "chacun" là demeure extrêmement modeste pour longtemps même en s'efforçant sans relâche de convaincre le voisin, et que par conséquent la résultante globale de ce "militantisme d'intérieur" à l'œuvre soit parfaitement dérisoire et qu'il ait des effets très faibles sur tout ce sur quoi il voudrait agir.

En outre "militer" ainsi n'est en rien contradictoire avec le fait de placer un bulletin dans l'urne, les deux ne s'opposent pas et ont leur utilité potentielle.

J'écris "militantisme d'intérieur" car tel que décrit dans l'article il apparaît comme un ensemble d'actes et de comportements typiquement non médiatiques et non médiatisables, qui demeureraient généralement d'une assez grande discrétion (conserver son vieil ordi au lieu d'en acheter un neuf ne mérite pas la "une") et ne deviendraient visible qu'au travers du flux qu'ils alimenteraient : on en revient au nombre de "militants" qui devrait être grand pour que l'on s'aperçoive un jour que le chiffre des ventes d'ordis baisse parce-que des gens veulent diminuer "leur consommation" et les pollutions liées.

Ce type de comportement, s'il est utile, ne sera jamais suffisant.

Il permettra tout au plus à chacun de se donner la bonne conscience d'avoir fait quelque-chose, mais je doute fortement que ce soit tout ce que nous puissions et devions faire.

3. Le jeudi, 1 octobre 2009, 07:29 par Merome

@Calcifer : Il y a un truc à éviter absolument, c'est de jouer à "plus décroissant/écolo que moi, tu meurs". C'est une dérive assez standard chez les écolos, car il est toujours plus facile de dénoncer le 4x4 du voisin, plutôt que de changer sa chaudière fuel. Chacun fait ce qu'il croit à sa portée, en fonction de ses moyens, de son appréciation des choses. Tous ceux qui prennent conscience aujourd'hui (parce que les médias nous ont bassiné de croissance pendant des dizaines d'années) se retrouvent avec un passif à gérer. J'ai une grande maison à la campagne, qui n'est pas construite de manière à diminuer ma consommation d'énergie, car à l'époque, ce n'était pas courant, et surtout je n'étais pas conscient : je dois faire avec.

Comme dirait quelqu'un que je connais : "l'important n'est pas d'arriver, mais d'aller vers". Le seul point de comparaison possible, c'est soi-même.

@jcm : Je ne suis pas en train de dissuader de voter. Loin de moi cette idée. Mais on achète des choses tous les jours, ou presque. On fait des choix de transport tout aussi quotidiennement. On parle avec des gens. Alors que les élections, c'est tous les 2-3 ans au mieux, et avec le biais connu sur les résultats.

Maintenant, tu peux effectivement penser que les changements de comportements individuels ne seront pas suffisants. Moi je dis simplement que c'est ce que j'ai trouvé aujourd'hui de plus efficace, à mon niveau. À toi de me donner d'autres pistes... Aujourd'hui, par exemple, que vas-tu faire pour faire avancer la bonne cause ? Voter ?

Au lieu de dépenser notre énergie à déplorer tout ce qui ne se fera pas, autant agir, et refaire le tour sans cesse de nos actes trop gourmands. Et aussi COMMUNIQUER. Je n'ai peut-être pas assez insisté sur ce point dans l'article. Les médias, aujourd'hui, c'est nous. Les blogs, les forums, Wikipedia, la messagerie instantanée, les SMS... C'est bien nous qui les contrôlons et ce sont eux qui ont une audience qui montent en flèche, au détriment des chaines de télé traditionnelles. Même un anonyme et non talentueux blogueur comme moi a pu faire reprendre ses articles par Libération ou Marianne, sans même le souhaiter ! Les idées se diffusent bien plus vite grâce au web. La solution passe aussi par là.

4. Le jeudi, 1 octobre 2009, 18:41 par jcm

@ Merome

"On fait des choix de transport tout aussi quotidiennement."

Mais qui et "on" ??? (pour ne prendre que cet exemple)...

Certainement une minorité, une majorité étant contrainte par la nécessité de se déplacer, dans une fourchette de temps donnée et sur un parcours précis, sans avoir la moindre possibilité de choix sur le moyen.

C'est une des raisons qui me poussa à écrire contre une "taxe carbone" qui sera une (assez coûteuse, en plus) usine à gaz d'où ne sortiront aucune solutions de remplacement à ce dont nous disposons.

Elle ne nous munira pas de plus de transports en commun par exemple.

Nos possibilités de choix sont en fait assez limitées mais, à une époque où je faisais de la sculpture et... crevais la dalle, je m'équipais déjà des premières ampoules basse consommation.

Cela pour indiquer que j'ai pu réfléchir une fois ou deux à l'impact de mes comportements domestiques.

Alors certes les idées circulent, certaines choses changent doucement, mais j'ai le sentiment que "doucement" ne sera absolument pas assez rapide et que nous aurons d'extrêmement mauvaises surprises.

La première de ces surprises pourrait bien affecter, à très brève échéance, les transports, sujet par lequel j'entamais ce post, avec une assez probable remontée des cours du baril, en flèche, dans un avenir proche.

Si cela se produit nous mesurerons encore mieux à quel point nos possibilités de choix sont limitées, et à quel point il aurait fallu savoir agir, chacun, au delà de notre sphère domestique.

Mais je sais parallèlement que c'est très difficile, et que botter le cul des "décideurs" demande de grands pieds...

5. Le jeudi, 1 octobre 2009, 19:22 par Merome

@jcm : oui, oui, à peu près d'accord avec tout ça. Mais encore une fois, vois-tu une solution plus rapide et plus efficace que celle là ? On changera bien plus vite que nos politiciens.
Et pour ce qui est des "non choix", je pense qu'il n'y en a pas tant que ça. J'habite à 12km de mon boulot. Sans transport en commun. J'ai longtemps cru que je n'avais que la bagnole comme choix. Mais j'ai trouvé le vélo électrique. Et il n'est pas impossible que des transports en commun se mettent en place, un jour. Il y a aussi le covoiturage.... Tous les modes alternatifs demandent des efforts. Sommes-nous prêts à les faire ? Si non, alors pas la peine de demander la lune aux politiques, ils ne sont que le reflet de ce que nous sommes.

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/591