Ju-ppé-dé-mi-ssion (des-co-pains)

Ou : à quoi peut encore bien servir une carte d'électeur ?

Je ne sais même pas par où commencer tellement cette histoire me met en boule. Petit rappel des faits : Alain Juppé, homme politique de premier plan, ancien premier ministre - rien moins - et maire de Bordeaux, se retrouve devant les tribunaux avec toute une brochette de copains de son parti pour une sale histoire d'emplois fictifs. Au terme d'une de ces sagas judiciaires que seuls les politiques savent faire durer aussi longtemps, Alain Juppé se retrouve (fait rarissime dans ce genre de cas) condamné (seul parmi les nombreuses personnes impliquées) à une peine (bien mince) d'inéligibilité. L'affaire devait être sacrément énorme pour qu'aucune intervention n'ait suffi à éviter le sacrifice du “meilleur d'entre nous”. Bref, c'est de notoriété on ne peut plus publique : Alain Juppé, élu du peuple, a été très officiellement reconnu coupable d'avoir abusé de sa position d'influence à des fins personnelles - en clair : pour avoir tapé dans la caisse - au point qu'on lui interdit d'exercer un mandat.

Suite logique, démission du maire de Bordeaux, élection municipale anticipée, élection d'un homme de paille du même parti le temps d'enterrer tout ça, la coupe du monde de foot l'année prochaine fera bien oublier cet incident. Le coupable profite de ce repos forcé pour aller prendre – non sans mal d'ailleurs – une année studieuse au Québec pour aller y enseigner – sans rire – les sciences politiques dans une école d'administration. Au vu de la dernière ligne dans son C.V. d'alors, on est d'ailleurs en droit de se demander si ses cours concernaient le côté clair ou le côté obscur de la gestion des mairies... enfin bref, les Québecois font ce qu'ils veulent après tout, il n'y a pas de raison qu'on ait le monopole des politiciens-escrocs.

L'année passe, Alain Juppé redevient éligible et rentre donc en France. Ni une ni deux, le conseil municipal démissionne en bloc et se pavane devant les caméras pour annoncer qu'une nouvelle élection municipale anticipée remettra sans nul doute leur ami aux commandes de la ville. Le mandat n'est donc plus un privilège que l'on se doit d'acquérir avec un programme. C'est juste une occupation qu'on peut repasser à ses copains le temps d'un empêchement. Les électeurs ? Bah, la manoeuvre avait déjà marché avec la municipale de l'an dernier, maintenant ils sont habitués. Ils n'ont qu'à voter comme on leur demande, et puis de toute façon on les a prévenus : on a déjà décidé pour eux de l'issue du scrutin. À se demander pourquoi on les fait encore se déplacer.

Et le pire dans tout ça, c'est que si ça se trouve le résultat des urnes va donner raison au clan des jongleurs de mandats. Les électeurs bordelais, pas dérangés pour deux ronds que leur mairie ne soit qu'un bon plan qu'on se refile entre potes, vont volontairement servir de caution à ce système qui n'a plus qu'un lointain rapport avec la démocratie. On avait eu un cas à peu près similaire chez moi il n'y a pas très longtemps, avec une suppléante fantoche démissionnant sur commande pour que le jeune loup local puisse récupérer un os à ronger après s'être fait virer du gouvernement. Là aussi le gars avait été réélu sans problème. Du politicien ou des gens qui le mettent à son poste, j'avoue ne même plus savoir lesquels me donnent le plus envie de mettre ma carte d'électeur au recyclage à papier. On peut légitimement se demander si ça mérite encore qu'on se déplace pour participer à ce genre de mascarade...

Commentaires

1. Le mardi, 29 août 2006, 09:18 par Marzi

1 - "Alain Juppé, élu du peuple, a été très officiellement reconnu coupable d'avoir abusé de sa position d'influence à des fins personnelles - en clair : pour avoir tapé dans la caisse"
=> pas tout à fait, c'est son parti qui en a profité, pas lui "à fin personnel". Un peu comme Emmanuelli et bien d'autre, du temps des magouilles pour financer les parties politiques avant qu'on décide que c'est maintenant l'état qui financera officiellement ca.

2 - Finalement, ca repasse aux urnes : les bordelais n'ont qu'à décider s'ils veulent qu'un mec qui tape dans les finances de la ville pour financer son parti mérite d'etre maire. A eux de voir s'ils sont pret à payer des impots pour ca. Un peu comme nous : on a été 80% à voter pour un mec qui est bien plus mouillé que Juppé dans cette histoire d'emplois fictifs... et bien d'autre d'ailleurs.

2. Le mardi, 29 août 2006, 09:48 par Merome
Et donc, moi je dis : voter pour celui qui sera le plus à même de changer les modes de scrutin. La VIème république, y a que ça de vrai.
3. Le mardi, 29 août 2006, 14:20 par Etheriel

Le gros mythe de la VIème république, cette espèce de Graal qui doit nous sauver de l'apocalypse, cette démocratie nouvelle qui doit tout changer... Et donc, concrètement, une fois qu'on aura ajouté un "I" apres le "V" dans les manuels scolaires, il se passera quoi ? Tu blogueras pour demander l'instauration de la VIIème république, tout ça parce qu'une loi ou le résultat d'une élection ne te convient pas ?

4. Le mardi, 29 août 2006, 14:45 par Bob

Pour moi Vème ou VIème république, quelle importance. Plus j'y pense et plus je me dis que ce ne sont pas tellement les institutions elles-mêmes qui sont en cause, dans tout ça. C'est surtout la mentalité de la classe politique qui fait passer les individus, les clans et l'appartenance à tel ou tel parti avant les idées et l'intérêt commun.

Or on peut changer les institutions tant qu'on veut, ça ne servira pas à grand-chose tant que la mentalité dominante de la classe politique restera ce qu'elle est. Et changer les mentalités, ça prend du temps, beaucoup de temps... d'autant plus que le "système" actuel met rapidement hors-jeu ceux qui voudraient entrer dans la danse sans s'affilier à un des gros partis et attendre son tour pendant une quinzaine d'années, le temps que les dinosaures du haut de l'échelle se voient contraints de céder la place...

5. Le mardi, 29 août 2006, 19:29 par bronxsi

ce qui me gêne le plus dans cette affaire, c'est que le sieur juppé en question a fait voter une loi dans le code electoral qui dit qu'une personne avec un mandat politique sera *automatiquement* inéligible pendant 5 ans en cas de faute (abus de bien sociaux). Or le tribunal le jugea avec le code civil et à "oublié" le code électoral qui devait lui être appliqué.

ou comment sauver la carriere politique de juppé... d'ailleurs celui-ci, qui parait il est "le plus honnete et integre" mentionne rarement son traitement de faveur judiciaire.

Pour ce qui est de la sixieme république, il faut regarder du coté de l'amerique latine (la nouvelle constitution du venezuela par exemple) qui stipule "democratie participative" ET "mandats revocables si 10% des électeurs se regroupent pour demander un reférendum révocatoire de mi-mandat".

6. Le mardi, 29 août 2006, 20:42 par Etheriel

Ah, revoilà le Venezuela et l'idôôôle des "djeunz qui ont le cerveau qui penche très à gauche", j'ai nommé: Hugo Chavez. Et donc, la nouvelle constitution du Venezuela, elle indique aussi qu'il faut copiner avec la dictature Castriste, les terroristes iraniens et les "nucléarisés" coréens du nord ? Si la VIème republique c'est "je choisis avant tout des amis peu frequentables", on va peut-etre garder la Vème encore un peu, non ?

7. Le mercredi, 30 août 2006, 08:22 par Merome
Je pense que vous sous-estimez l'impact des institutions sur nos hommes et femmes politiques.
La Veme république était sans doute parfaitement adaptée à une société où l'information est confisquée par les médias traditionnels, elle ne l'est plus avec l'avènement d'internet. J'en veux pour preuve : le TCE.

Le référendum d'initiative populaire (RIP) par exemple, est un concept qui aurait une utilité limitée dans un monde sans internet. Avec la circulation de l'information actuelle, cela devient un vrai outil législatif démocratique.

Voter pour des idées disais-je en début d'année. Y a que ça de vrai.
8. Le jeudi, 31 août 2006, 00:04 par Cheuz

Moi Veme ou VI eme c'est tjs la meme chose.
tant que des partie qui font 2% ont des deputés et que des parties a 15% ne sont pas representé il y aura tjs des pb

Sinon pour Jupé perso ça me derange pas du tout si les bordelais revotent pour lui c'est qu'il a fait des chose bien pour la ville.
Et c'est bien là le plus important.

Je suis plus pour voter pour un homme et son programme que pour son partie car les etiquette c'est juste pour faire beau a la télé et pouvoir etre placé dans une case par le CSA.

et juste pour rebondir sur le passage de Jupé au Quebec bah je trouve qu'ils sont bien en avance sur nous la bas car c'est peut etre la choee qu'il nous manque a nous ici avoirs des cours de science politique realisé par autre chose que des vieux croutons qui n'ont jamais approché le milieu politique

9. Le vendredi, 1 septembre 2006, 19:54 par les marques du plaisir

euh les nuls en math ils font comment pour poster ??????
Hormis ça :-)) je pense que l'on n'est pas dans un problème institutionnel , mais dans une disparition de l'offre politique au nom d'un apriori idéologique ( théologique ? ) qui est : nous vivons dans le seul système économique possible, c'est à dire un système en cours de dérégulation totale, ou les fondamentaux ne sont plus la création de biens et de services mais des logiques de martingales spéculatrices ...
Une fois posé le dogme, on peut discuter de tout, sauf bien entendu du dogme .
et ce discours est tellement dominant qu'aucun n'ose ... réver autre chose ...
Alors Juppé ou Sarkozy ?
quelle différence ?
les noms peuvent être remplacés par d'autres sans dommage ...

10. Le dimanche, 3 septembre 2006, 16:23 par Claudius

Chez nous on aime bien voter pour les truands.
Bordeaux, ville de notables, ville repue, ville bourgeoise votera Juppé.
La dynastie des Médecins à Nice, Balkany à Levallois (copain à Sarkozy, soit dit en passant) ont tous été réélus.

C'est vraiment à désespérer de la démocratie.

L'ami Juppé se fout en plus de notre gueule, interrogé sur France Inter sur le fait que sa réélection allait coûter 350 000 € aux contribuables a répondu : "la démocratie a un prix !"

Vous verrez qu'on le retrouvera aux présidentielles, si ce n'est pas celles-là, ce seront les prochaines.

Pouah !

11. Le lundi, 4 septembre 2006, 06:39 par Nath

Carrignon essaye bien de faire son come-back sur Grenoble... Avec tout ce qu'il a pompé aux contribuables du coin il finira bien par passer cette enflure...

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